Le streaming du jour #1977 : Judah Warsky - ’Avant/Après’
L’été c’est aussi l’occasion de faire des rattrapages et c’est le cas de ce troisième opus du claviériste de Turzi, que l’on avait laissé sur la pop motorik de Painkillers & Alcohol il y a 6 ans déjà. Cet Avant/Après qui nous a suivi un bon bout du premier semestre a donc fini par s’imposer pour son regard sensible et surréaliste sur un héritage des années 80 qu’il transcende, loin de la vulgarité de contemporains aussi innombrables que superflus (citons pêle-mêle La Femme, Lescop, Aline ou Paradis), par un songwriting rêveur et romantique à la croisée du Julien Ribot de Vega et du meilleur des Pet Shop Boys circa Behaviour.
Deux singles imparables, La voiture ivre et Je m’en souviendrai jusqu’à la fin de ma life, incarnent respectivement ces deux rapprochements évidents, la pureté onirique du premier avec ses chœurs vaporeux et sa mélodie de clavier belle comme du Sébastien Tellier d’avant Sexuality faisant figure de porte d’entrée idéale, en musique comme en images, sur cet univers toujours stellaire mais aujourd’hui plus chaleureux et délicat :
Transition avec les débuts, la kosmische pop de Before avec ses gros arpeggiators et sa scansion à la Gainsbourg est un peu la déclaration d’intention de cet abandon au rêve, aux souvenirs, à l’hallucination. "Ohhh je sais pas si je d’viens fou..." Cette unique incursion chantée introduit le premier des deux petits classiques instantanés du disque dont on parlait plus haut. Mêlant romance, hédonisme et mélancolie comme un Being Boring qui inspirait déjà il y a quelques années Destroyer, les Shout Out Louds ou encore PacificUV, Je m’en souviendrai jusqu’à la fin de ma life pave la voie pour la nostalgie du pastoral Les oiseaux l’ont mangé. "Celui qui prétend que c’était mieux avant ne dit pas vrai", en dépit de son goût pour les réminiscences qui prennent la forme ici d’une sérénade de guitare et de vents très bossanova, Avant/Après ne donne pas dans le passéisme pour autant, en témoigne le lyrisme sur le fil de l’irrésistible Like in a Musical empruntant au spoken word comme à la techno et qui n’est pas sans évoquer, en moins échevelé, cette chanson presque homonyme de Björk pour sa candeur et sa ferveur.
Néanmoins, l’album n’est pas dénué de gravité, et des pulsations spleenétiques en constante mutation d’I Would Not Fear I Would Not Cry, hymne clair-obscur à la rédemption, au liturgique After avec ses airs de dub pour gueule de bois en passant par le syncopé mais tristounet Apporte-moi l’oubli en quête d’acceptation de soi et de paix de l’esprit au contact d’un amour naissant, la descente vers l’Après sent le rêve écourté par les premières lueurs du matin. Le réveil est doux-amer mais les impressions persistent dans les cœurs, celles d’une existence parallèle fantasmée aux émotions exacerbées que Judah Warsky célèbre sur ce petit bijou de pop synthétique résolument attachant.
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