2017 en 3D pour conclure - 3/3 (de 1 à 17)
Que dire de plus sur cette année 2017 lorsque l’on a déjà pris la plume plus que de raison pour la commenter ? La question rhétorique appelle sans doute une réponse absurde et tirée par les cheveux. Et si pour conclure 2017, il s’agissait de rassembler - en trois parties de 17 - les conclusions des chroniques des disques qui ont compté ?
17. S.H.I.Z.U.K.A. - Illusion
"Qui est le juge, et qui est évalué ? Les sonorités forcément industrielles accompagnent cette réflexion mécanique mais néanmoins habitée, avant que les granulations de Low mais surtout les convulsions d’un Karoshi pourtant pas épileptique ne permettent à S.H.I.Z.U.K.A. d’enfoncer un clou qui ne comportera probablement pas la moindre trace de rouille lorsqu’il sera retiré dans un siècle ou deux, tant il incarne l’aspect aventureux voire avant-gardiste de compositions dystopiques piégeant un auditeur qui n’en comprendra pas toujours le sens, mais ne doutera jamais de leur authenticité et de leur aspect hautement intelligible".
16. Havenaire - Rabot
"La Suède possède une faible densité de population. Il reste donc de nombreuses zones à découvrir. De bon augure pour la suite des aventures que saura à coup sûr nous proposer John Roger Olsson. Le voyage ne fait que commencer, mais il est déjà somptueux. Du genre à faire développer un syndrome de Stendhal dans l’esprit de l’auditeur..."
15. Carbon Based Lifeforms - Derelicts
"Avec cette bande originale imaginaire d’un voyage stellaire, entre onirisme et dystopie, les Suédois ne décevront en tout cas pas leurs fidèles. Oeuvre dense basée sur un son ample offrant un panel d’émotions diversifiées sans jamais chercher à accentuer la dynamique ambiante, Derelicts ne pouvait leur permettre de mieux négocier le virage de la (relative) notoriété".
14. Water Music - Voids
"Voids devrait malheureusement être la dernière production de Water Music sous cet alias puisqu’il indique que "il est temps de passer à un nouveau nom et un nouveau projet après onze albums, deux vinyles et sept années". Dans le même communiqué, MJ Barker a trouvé la phrase ultime pour résumer l’essence même d’une discographie cohérente de bout en bout, jusqu’à cette sortie poignante et resserrée. Ce projet est tellement personnel, touchant chacun des auditeurs dans sa chair la plus profonde, que l’on ne pouvait de toute manière pas le priver de le conclure avec ses mots : ’tout ceci n’a été écrit que pour être écouté par une personne à la fois’."
13. Robin Foster - Empyrean
"Enfin, avec ses samples vocaux étouffés en arrière-plan, In Ghent voit l’Anglais conclure Empyrean de fort belle manière en réalisant la synthèse d’un propos qui combine les diverses influences révélées sur ce disque et assumées par l’artiste : celles d’Archive, Sigur Rós et Talk Talk (Empyrean), mais également Ennio Morricone. Les images de David Lynch également, étant entendu que la musique de Robin Foster trouve un écho dans le septième art, si bien que ses longs formats sont désormais ponctués par la réalisation de nombreuses bandes originales. Mais clairement, avec des sorties du calibre d‘Empyrean, l’auditeur n’aura pas besoin de faire preuve de beaucoup d’imagination pour décliner lui-même les images accompagnant cette musique cinématographique décidément sans égal dans son registre".
12. Chapelier Fou - Muance
"Isoler quelques sommets d’un tel disque est forcément un exercice aléatoire, et Muance s’achève avec un Super Hexacordum qui calme petit à petit le jeu. Des souffles étirés façon drones suspendent le temps avant de mettre un terme à cette oeuvre qui ne pouvait s’interrompre de manière abrupte tant la majesté, l’exigence et l’aspect délicatement vitaminé de l’ensemble justifiaient une préparation savante pour envisager tout retour à la vie réelle".
11. Jérôme Chassagnard - Music For A Starlit Night
"Le bilan est très positif et, au-delà de cet évident constat, il n’y a plus rien à dire. Fermer les yeux et se laisser guider vers un nouveau monde suffit. Avec Music For A Starlit Night, Jérôme Chassagnard a gâté son public en lui offrant ce qui constitue peut-être son œuvre la plus aboutie".
10. Sleaford Mods - English Tapas
"Leurs colères répétées contre à peu près tout et tout le monde ne sont rien d’autre que l’expression parfaitement authentique d’un mal-être et d’un dégoût de la société. Toutefois, par peur des représailles, nous éviterons de leur nommer trop fort l’émergence d’une nouvelle contradiction dans leur évolution. En effet, après avoir stoppé leurs activités professionnelles annexes – alors qu’ils estimaient précédemment qu’il s’agissait d’un gage d’honnêteté nécessaire pour garder le contact avec la masse – voici que les musiciens ont signé chez Rough Trade, écurie autrement moins confidentielle et "prolo friendly" que Harbinger Sound ou Deadly Beefburger Records chez qui ils étaient auparavant hébergés. Qu’importe, l’âme n’est pas vendue au diable pour autant..."
9. Froth - Outside (Briefly)
"Enregistré à la suite d’une quarantaine de sessions d’enregistrement, Outside (Briefly) a été lentement poli par les jeunes Californiens et constitue une rêverie post-psychédélique éthérée de quarante-deux minutes, à considérer comme le prolongement de ce que les Flaming Lips auraient pu proposer s’ils avaient émergé un quart de siècle plus tard, baignés dans les réseaux sociaux plutôt que dans les Commodore…"
8. Raoul Vignal - The Silver Veil
"Assurément pas destiné à faire la fête, The Silver Veil est le disque de résilience par excellence, où le traumatisme est toujours prégnant en arrière-plan sans jamais être l’élément central. Un album à écouter auprès d’une cheminée en hiver ou sous un arbre au printemps. Un disque naturel, qui n’hésite pas à s’attarder sur la dureté du monde environnant, sans jamais se restreindre au pessimisme désespéré. Un album humble, inspiré et stimulant. Une offrande intemporelle".
7. Ghostpoet - Dark Days & Canapés
Pas de conclusion pour ce disque, puisque c’est Rabbit qui s’est chargé d’en rédiger la chronique pour notre webzine. Il faut dire qu’à l’époque, je ne m’étais pas précipité sur ce Dark Days & Canapés que j’avais trouvé un poil en-deçà de ses prédécesseurs. Il m’a fallu plusieurs écoutes pour apprécier à sa juste valeur la richesse d’un univers en mouvement permanent, mais la récompense justifie cette relative insistance. S’il ne compte peut-être pas d’instantanés aussi évidents que Meltdown, Off Peak Dreams ou Cash And Carry Me Home, ce quatrième LP n’en comporte pas moins quelques sommets qui trouvent leur place dans un ensemble plus cohérent que jamais. En s’éloignant du hip-hop, Ghostpoet propose un disque plus singulier et radical que jamais. Sublime.
6. The National - Sleep Well Beast
"En somme, avec Sleep Well Beast, The National parvient à éviter les deux principaux écueils que l’on pouvait craindre. En effet, ils tuent dans l’œuf les rumeurs d’une baisse d’inspiration en fournissant des titres aussi marquants que The System Only Dreams In Total Darkness, Guilty Party ou Born To Beg. Surtout, ils évitent la redondance dans une discographie qui aurait pu commencer à tourner en rond en proposant un album plus atmosphérique, aventureux et ambitieux, qui rompt avec les schémas préétablis. Sleep Well Beast nécessitera plusieurs écoutes pour être appréhendé comme il se doit par les fans du groupe. La cohérence d’ensemble est difficile à considérer, mais cela ne fait que décupler l’atout charme du disque. A l’heure où l’immédiateté sociétale gagne du terrain sur le plan musical, produire un album plus difficile à cerner qui donne à ce point envie d’être réécouté n’est pas un mince exploit. Mais The National n’est plus à une prouesse près".
5. Crookram - Clouds Are Free
"En somme, si les amateurs d’une complexité de tous les instants lui préféreront Butterflies, Clouds Are Free saura satisfaire, d’ailleurs plus que de raison tant l’ambition et l’efficacité se rencontrent avec brio, ceux qui ont un faible pour les ambiances plus immédiates tirant vers la chill. Avec ce disque, Crookram écrit en tout cas un nouveau chapitre indispensable à sa discographie".
4. Flotation Toy Warning - The Machine That Made Us
"Les Londoniens prennent appui sur toutes ces arlésiennes décevantes pour nous prouver qu’il est finalement possible, à cette heure de zapping-express, de répondre aux attentes insoutenables. Ceux qui n’accorderont qu’une paire d’écoutes à The Machine That Made Us ne se l’approprieront assurément pas tant il est dense, aventureux et riche en détails. Mais ceux qui, intrigués par une discrète évolution néanmoins perceptible dès les premières mesures, y reviendront de manière sérieuse en seront dignement récompensés. Et ils accéderont à un lyrisme psychédélique du plus bel effet. Soutenus par Sean Bouchard, le patron de Talitres, qui n’a pas hésité à investir sur cette sortie et à faire preuve de patience, Paul Carter et ses compères ont réussi à résoudre ce qui semblait constituer une impossible équation. Ou comment faire aussi bien que l’inaccessible".
3. Godspeed You ! Black Emperor - Luciferian Towers
"Ensanglanté et révolté, Luciferian Towers ne marque donc pas une rupture dans la discographie de GY !BE. Il faut dire qu’au regard des thématiques au sein desquelles il puise depuis toujours son inspiration - de l’anticapitalisme à la cause environnementale - le groupe n’a que l’embarras du choix pour actualiser sa vindicte. Sur le plan musical, l’électricité traînante des boucles de guitare, les batteries de Timothy Herzog et Aidan Girt ainsi que les cordes incandescentes constituent toujours la trame principale des sonorités d’un groupe qui, de manière toutefois moins significative que sur Asunder, Sweet And Other Distress, assoit la place essentielle que tiennent désormais les drones dans sa musique".
2. Slowdive - s/t
"Ride, Jesus & Mary Chains, My Bloody Valentine, Chapterhouse, Moose… Il est évident que tous ces groupes essentiels sont particulièrement appréciables. Mais il faut bien se l’avouer, si Slowdive dégageait déjà ce petit supplément inexplicable qui en faisait un pilier de la dream-pop, le fait qu’il soit le seul (parmi ceux qui ont osé) à avoir réussi son retour ne fait que renforcer ce statut spécial d’empereur (bien malgré lui) du shoegaze".
1. Cigarettes After Sex - s/t
"Si la production est impeccable, certains reprocheront à ce disque une certaine redondance. Impossible de contredire les détracteurs sur ce point. Quelques morceaux se ressemblent et un air de "déjà-vu" orne certaines compositions. Et alors ? Cigarettes After Sex est un album atmosphérique où, à l’instar d’un film de David Lynch, la monotonie des ambiances ralenties ne fait que renforcer le pouvoir de séduction de l’ensemble. En ce sens, les guitares aux effluves planants et lentes percussions permettent à l’auditeur de se fondre immédiatement dans cet environnement à la fois sensuel et abîmé. La force tranquille admet ses failles, et Cigarettes After Sex jongle avec ce paradoxe".
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