Heliogabale - Ecce Homo
Ecce Homo, nouvel album d’Heliogabale, montre un groupe toujours en mouvement.
1. Toboggan
2. Calibré
3. Encore
4. Solitaire
5. Attends-moi
6. L’Automne
7. Les Enfants Sauvages
8. Bourrasque
9. Dizzy
Septième album, plus de vingt années à arpenter les versants les plus abrupts de la mappemonde musicale, des débuts marqués par la noise pure et dure, l’urgence puis, au fur et à mesure, la nuance qui s’invite dans l’équation. Tout cela aboutit aujourd’hui à une forme d’apaisement qui marque en profondeur Ecce Homo. Attention toutefois, les crocs perdurent et si la musique ne privilégie plus exclusivement l’attaque frontale au profit d’une approche plus sournoise et larvée, les coups viennent encore des mots. En gros, Ecce Homo poursuit la lente mue amorcée au moment de Mobile Home (2000) et se place dans le sillage de Blood (2010). La grosse différence, c’est que Sasha Andrès chante désormais majoritairement en Français et qu’à ce niveau aussi - on le savait déjà - il y a beaucoup à explorer. La musique d’Heliogabale a grandi parallèlement au groupe et au même titre que ses membres ne sont plus ce qu’ils étaient dans les ’90s, sa noise s’est elle aussi transformée. Toutefois, Heliogabale est toujours resté fidèle à lui-même : pas vraiment envie de coller aux courants porteurs ni de se lancer dans des calculs particuliers, « Calibrés / Calibré pour rentrer dans des lieux, des pensées des plans A, des plans B, tout au chausse - pieds / Calibrés, on n’est pas calibrés... » entend-on d’ailleurs au début du disque. Dans ces conditions, la musique s’est patinée en même temps que le groupe et Ecce Homo correspond exactement à ce qu’il est aujourd’hui : un truc fondamentalement mordant qui avance avec beaucoup de franchise et de singularité.
Contrairement à cette chronique, on ne trouvera pas dans le texte la moindre métaphore alambiquée pour parler de l’amour, de la mort, du sexe, du temps qui passe, de l’adéquation ou non au monde qui nous entoure, de la colère un peu plus domestiquée mais intacte et de toute autre chose que l’on pourrait résumer en un seul mot : la vie. Quant à la musique, elle dit exactement la même chose. En osmose parfaite, Heliogabale trouve toujours la distance idoine pour accorder les mots aux instruments et c’est ainsi que le disque touche profondément. Et puis le groupe ne se contente pas d’une seule couleur tout au long d’Ecce Homo, la virulence se pare de teintes variées qui la fait passer de pics en abysses d’un morceau à l’autre, voire à l’intérieur de ces derniers. Après une entame ténue et murmurée - à l’inverse des mots tranchants qu’elle enferme - Toboggan se pare, par exemple, d’une intensité nouvelle qui porte parfaitement les « Colonise-moi » capiteux criés par Sasha Andrès. Un beau morceau qui n’a lui-même rien à voir - autre exemple - avec Encore (beau aussi) où basse, guitare et batterie prennent les devants au diapason de la voix qui balance ses diatribes avec beaucoup de morgue. On quitte la ballade cabossée au profit d’un morceau noise et blues extrêmement tendu et il en va ainsi de l’ensemble du disque. La tonalité générale reste la même - inquiète, urgente - mais prend des chemins différents pour s’exprimer.
Et puis, ce que l’on aime beaucoup aussi, ce sont ces morceaux que l’on aime justement un peu moins. Cabossé, par exemple, en deuxième position, est porté par des arrangements un peu trop attendus et carrés alors que le texte résonne autrement. Ce que l’on veut dire par-là, c’est qu’il y a toujours quelque chose à prendre et que l’album s’envisage comme un tout, avec ses (rares) baisses de régime (qui ne seront évidemment pas les mêmes pour tout le monde) et ses pics d’intensité, les uns mettant en exergue les autres, les autres poussant à réévaluer les uns. Tout cela concoure à rendre l’ensemble, à chaque instant, terriblement humain et à inscrire en profondeur, avec tout ce qu’a sorti le groupe auparavant, Ecce Homo sous la peau. Alors bien sûr, ne cherchez pas l’esbroufe encore moins les chromes rutilants, les riffs thermonucléaires ou les lignes de basses à dégonder les morts, rien de tout ça ici. À la place, un groupe sûr de son fait, à l’aise avec sa musique qu’il sait lui correspondre complètement, s’appuyant sur tous les versants de cette dernière, des plus apaisés aux plus rageurs, pour extirper ce qu’il a au fond de lui et qui ne demande qu’à sortir. Cela donne des morceaux sobrement intenses : Toboggan ou Encore déjà évoqués mais encore Solitaire, L’Automne ou encore Dizzy (le seul chanté en Anglais) mais on pourrait vraiment tous les citer. À leur écoute, on comprend bien qu’Ecce Homo n’est pas un disque-somme ou l’anthologie d’un groupe qui aurait tout dit. Comme tous les précédents, il constitue au contraire le témoignage d’une entité en devenir et en perpétuel mouvement.
Ecce Homo, Voici l’Homme, avec ses failles, ses doutes, ses certitudes, ses blessures... Il n’y a pas à dire, le titre correspond parfaitement au disque et correspond encore plus à Heliogabale, laboratoire passionnant pour qui aime disséquer la machinerie interne et animale pour tenter d’en cerner vainement l’assemblage. On n’a pas fini de les suivre les yeux fermés.
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