Traditional Monsters - Push The Panic Button
Push The Panic Button est le premier long format de Traditional Monsters : tangentiellement punk et post-punk, fureteur et parfois difforme, il amalgame des éléments disparates et pas forcément conciliables en s’affranchissant complètement de toutes les fichues normes du foutu bon goût. Étonnant.
1. One Armed Man
2. Sitting In The Laundromat (Noon)
3. When You’re In Love
4. Push The Panic Button
5. You Have The Power
6. Lucky Stars
7. Living In A Pumpkin
8. At The Girls’ School
9. Going To Pennsylvania
10. Sitting In The Laundromat (Midnight)
Une basse (Arnaud Caquelard), une guitare (Axel Monneau), une batterie (Emiko Òta) et par-dessus, une voix bien expressive (Dick Turner) : jusqu’ici, tout va bien, on est en terrain connu. Le disque cingle quelque part dans le punk rock canal historique, tendance agonisant et lorgne donc avec insistance vers le côté post de la chose. D’autant plus qu’un trombone (Dick Turner toujours) s’insère dans l’équation et qu’il est bien loin de n’être que loufoque. Certes, sa présence incongrue tire parfois la musique vers la gaudriole mais à d’autres moments, il peut se révéler être un maître ès tristesse redoutable, entraînant vers le bas tous ses partenaires. Il y a également ces nombreux passages où Traditional Monsters laisse de côté son habituelle sécheresse pour explorer l’emphase et là, Push The Panic Button mérite complètement son titre, donnant à l’ensemble un air de cabaret outrancier mais surtout étrange. « Étrange », c’est bien le mot qui affleure en premier lorsqu’il s’agit de décrire ce que l’on entend. Ainsi, on parlait de punk rock/post-punk plus haut mais on pourrait tout aussi bien user des étiquettes pop azimutée ou art rock que l’on ne serait pas plus avancé. Traditional Monsters se tient quelque part là-dedans, ni strictement l’un sans être non plus complètement les trois autres. L’aspect théâtral de la voix se heurte souvent à des arrangements chiches et ténus et parfois, c’est tout l’inverse ; les instruments, bien aidés par le trombone, sortent de leur réserve et c’est alors le chant qui rentre dans sa coquille. Et bien sûr, il reste encore ces morceaux où tout le monde s’en donne à cœur joie dans un même élan doux dingue communicatif. Dès lors, le disque agace et accroche même s’il accroche bien plus souvent qu’il n’agace et c’est très bien comme ça. Son écoute n’est pas sans anicroches, ce qui le rend très vivant.
Push The Panic Button commence en mode punk toute avec One Armed Man et Sitting In The Laundromat (Noon) - deux morceaux ramassés et plutôt carrés où le timbre très cokney-Biafra de Turner fait merveille - avant de bifurquer contre toute attente vers quelque chose de bien plus patraque. Ballade cuivrée et divagante, When You’re In Love permet de comprendre que rien ne sera jamais vraiment orthogonal dans ce disque. Ici et là, on s’attache au trombone (le titre éponyme, chouette épopée psycho-pop un brin surréaliste) ou aux frasques élégantes de la guitare (Going To Pennsylvania), on se laisse moucher par un bout de mélodie (You Have The Power), on suit encore la voix ou on la déteste (Living In A Pumpkin), on retrouve toujours du punk (Lucky Stars) et l’on se rend compte au final que l’album déploie un large éventail de styles et d’émotions sans jamais se casser la gueule. Il y a du Buzzcocks là-derrière, du Pop Group, du XTC, du Damned voire du Bowie et plus encore mais échantillonnés à l’extrême, passés à la moulinette excentrique des Monstres, le groupe maîtrisant l’art du grand écart et semblant vouloir tout se permettre, ce qu’il peut effectivement (la version Midnight et cramée de Sitting In The Laundromat placée en toute fin le montre bien). Il faut dire aussi que tout ce petit monde est riche d’expériences diverses et affiche un pedigree maousse : la pop racée d’Orval Carlos Sibelius pour Arnaud Caquelard et Axel Monneau et celle très azimutée et enfantine de Mamie Chan Band voire plus du tout pop mais vraiment déglinguée de Fantazio (entre autres) pour Emiko Òta quand Dick Turner, non content de manipuler l’emphase et le trombone, s’en va explorer la peinture et la réalisation. À la confluence de tout ça, on trouve Traditional Monsters, un patronyme qui résume parfaitement sa musique.
Payant son tribut au punk insulaire et à ce qui l’a suivi, le groupe n’en oublie pas pour autant de désarticuler les Tables de la Loi pour les rendre gentiment difformes et, ce faisant, garde intact l’esprit d’insoumission qui caractérisait ses aînés. L’aspect théâtral bouffe toute la rigidité du post-punk, le trombone écorche les arrangements tout en s’y insérant parfaitement et les trouvailles mélodiques arrondissent les angles du punk sans jamais affadir la singulière énergie de l’ensemble. Tout cela confère à Push The Panic Button un souffle étonnant qui pousse à y revenir souvent.
Chouette disque.
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