2016 : rap français et autres trucs dans le genre
Voici une sélection toute subjective (je m’appelle Spoutnik, je suis majeur et sain d’esprit, je crois) de mes 12 albums de hip-hop français ou en français (avec en bonus quelques recalés de près parce que juste 12, c’est trop dur), tout ça est millésimé 2016 bien sûr et à très haute teneur hip-hop (de qualité, je l’espère), avec pas mal de découvertes (je l’espère aussi), des réussites en nombre et des absents volontaires, mais à quoi bon parler d’eux, d’autres webzines s’en chargeront ou s’en sont déjà chargés. L’idée étant de faire découvrir, ou plutôt d’essayer de faire découvrir et humblement d’ouvrir les horizons. Z’êtes chauds ? Moi oui, alors c’est parti pour cette seconde partie avec que du Made in France dedans, la suite suivra bientôt avec mes EPs et mes LPs (mes 12 beat-tapes de l’année étant ici).
Avec Anagrams (mais aussi avec le vagabond et excellent Vg+ ), le beatmaker nantais Maodea nous offre un petit recueil d’ambiances délicates et texturées fait d’abstract atmosphérique et onirique. En gros, si tu comptes finir l’année (ou en commencer une nouvelle) en chillant pépère au coin du feu, voilà ton partenaire indispensable !
Bub Le Zombie, Marcel Polaire et PS à la production sont suisses et avec Journée Standard, je vais finir par penser que c’est par là-bas qu’on pond le meilleur rap francophone actuellement ! Masques d’Humanité, c’est 12 morceaux comme autant de masques différents aux ambiances hyper-variées. Du smooth aux trucs plus hybrides électro ou anxiogènes, les productions sont hyper-classes et les flows par dessus collent nickel aux atmosphères de chaque titre !
Dans le sillon de Première Volte Digitale et de La Guerre ne Fait que Continuer, Monsieur Saï, le Maestro (sans les antennes) de la Sarthe, nous refait un Il était une fois… l’Homme, un épisode de vulgarisation pessimiste de 30 minutes sur une seule piste, un exercice casse-gueule, mais ici c’est archi-réussi. On remet une bûche dans la cheminée et on écoute le gars nous parler de l’homme et de l’absurdité de son évolution faite de meurtre et de manipulation de masse.
Longtemps que je n’avais pas kiffé un album du cultissime crew bas-canadien comme ce Les Frères Cueilleurs. D’ailleurs, je ne dirai plus que c’était mieux avant car c’est excellent maintenant et ce truc est même sûrement ce qu’ils ont fait de meilleur ! Bien bien moins dans l’électro-dégueulasse, plus froid, plus verbal, plus dense, moins dans l’excès sonore même si on sent que le truc pourrait déborder parfois, plus dans le verbe et même si je ne pipe pas trois mots au bazar, Alaclair Ensemble arrive à rendre le "français" assez carré et bondissant pour qu’on n’ait plus rien à envier au flow ricain…
J.Keuz, c’est un rap pas toujours facile d’accès, une tendance à briser les codes du "bien écrit" rappologique tout en affirmant une parfaite maîtrise et des textes qui n’hésitent pas à aller piquer là où ça démange. Acceptions est un premier EP solo servi par un beatmaking luxueux qui sert parfaitement son écriture dense et groovy.
Ces deux là se sont bien trouvés ! Le flow de Monsieur 6000 tire vers quelque chose à la Casey avec la vitesse en moins et le spleen en plus, un truc spoken sword poétique parlé-chanté finalement très alt-rap dans la forme où Dakota place avec une classe folle des beats mouvants et des boucles à tiroirs très alt-rap eux aussi. Forever Lost est un album ambitieux et assez symbiotique entre un emcee qui cale des mots d’une réelle beauté et un beatmaker qui cherche la mélancolie onirique sans en faire des caisses !
A des années-lumière du rap français actuel qu’on adore détester, Bruno M.o.I au micro et Seb Phalo Pantoja à la production (on reparlera de son Merciless Beauty avec le ricain Eastkoast) distillent un hip-hop old-school ouvertement Golden Age, un travail pointu et foutrement réussi, un truc qui claque et qui fait bouger la tête, et puis les punchlines de vieux films, le kif !
L’Argent de la Drogue, c’est une série de paradoxes... Frais ou bien sale, foutraque ou alors construit, franc-maçon ou illuminati, expérimentation lo-fi, grosse trap ou beats soulful, années 80 ou 90, Perpignan ou le reste du monde, c’est le retour de l’ADLD crew et c’est aussi énorme que L’Amende Honorable !
La légende hexagonale qu’est Le Sept n’avait rien sorti depuis 2008 et Le Jeu du Pendu avec Lartizan, alors autant dire qu’on attendait tous de pied ferme son retour. Amoco Cadiz est un 8 titres pas plus, mais un concentré de ce que le gars est capable de faire avec son verbe et son flow rugueux et incisif porté ici par des productions archi-bonnardes. Un album lourd, lent, noir et épais comme une nappe de pétrole !
Le Makizar s’est échappé du trio Kalhex, mais ses potes Lex et Parental ne sont pas loin ! Grand bien lui en a pris, car au final, ce premier album solo est une merveille, un truc solaire à la MC Solaar (jeu de mots !), bien cool, jazzy et moderne en même temps, avec des beats à la sauce 90s bien sûr mais revisitée et une belle cohérence musicale et textuelle. Car oui, Le Makizar pratique l’art de la rime intelligente et positive, ce qui fait du bien. Schéma de Vie est un album qui lave l’âme et les oreilles et moi, je n’en demande pas plus à la musique.
Vous cherchez toujours les bienfaits de la loi El Khomri, et bien plus la peine de chercher, il n’y en a qu’un seul, c’est cet énorme album ! Né dans la rue et d’un regain général de conscience politique, ce projet associant les gars de Dezordr Records et des Team Plyers est une merveille de flows rageurs, intelligents et philanthropes. Y’a du beau monde sur ce projet (la liste serait trop longue) et sûrement ce que le rap français fait de mieux actuellement surtout que là, le truc est porté par des productions noires, frontales et elles aussi hyper-qualitatives. Du Boucan sur les Braises porte l’espoir d’un monde qui pourrait changer si on se bougeait un peu les fesses et résultat, les 18 pistes sont juste purement piloérectiles à souhait !
DLGHT est parisien et il livre là une fascinante immersion dans le beatmaking actuel fait de chill-out jazzy et d’ambiances éthérées de très haute volée avec ici (et c’est son charme) des relents des années 90 en version française. On croisera MC Solaar (encore lui !), Busta Flex, la Fonky Family, Oxmo Puccino, Kery James, Doc Gynéco, des bouts de C’est Arrivé Près de Chez Vous ou de La Haine , tous ces sons sont transformés, comme patinés par le temps, down-pitchés pour certains comme s’ils devenaient des traces d’un passé vénéré, des murmures de notre Golden Age à nous, des échos presque historiques qu’on entend au loin… Deux décennies d’écart entre les deux, le gap est saisissant et c’est ce qui fait la magie d’un album qui est selon moi le meilleur truc français de l’année !
En bonus, comment ne pas évoquer Holy Mack, ses beat-tapes et son Kremlins, Fellez et L’Arbre et la Pirogue, Zomb. et Dishit, Madame Bert et Salade Bert Vol. 1, Spectateur et Yateveo, N3O et Ballades Humaines, Journée Standard et Lundi, Noventa et De La Haine Et Des Courgettes, les sorties de La Storm crew et tous les producteurs français qui ont taffé avec des ricains : La Propagande Asiatique avec K.C., Chrono Triggers avec Gajah ou Union Analogtronics avec Blu ? 12, c’est définitivement trop dur...
Monsieur Saï sur IRM - Myspace - Bandcamp
Alaclair Ensemble sur IRM
Dakota sur IRM
dlght sur IRM
Monsieur 6000 sur IRM - Site Officiel - Bandcamp
Propagande Asiatique (La) sur IRM - Bandcamp
J.Keuz sur IRM
Maodea sur IRM
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