De sa découverte du Berghain en 2006, aux prémices du retour en grâce d’une techno pseudo-radicale auprès des branchouillards friqués qui remplissent les clubs aujourd’hui, Leyland Kirby a surtout retenu un recyclage sans âme d’émotions du passé, symbole de l’évanescence d’une époque qu’il avait vécue et chérie : celle des grands rassemblements électro underground de la fin des années 80 et de la première moitié des années 90 en Angleterre et notamment à Manchester qui vit grandir ce précurseur de l’hantologie.

C’est donc en réaction à ce mélange de nostalgie et de déprime que sont nés les 205 "flashbacks" (découpés en 20 mouvements pour près de 20h de musique) du Death Of A Rave original, dont la dilution collait bien évidemment à la perfection avec l’esprit déliquescent de la musique de Kirby, comme c’est aujourd’hui le cas - dans un tout autre style - du très beau We Drink To Forget The Coming Storm lâché en libre téléchargement il y a quelques semaines pour "célébrer" dans une ambiance résolument neurasthénique son quarantième anniversaire.

Les deux albums partagent sur leurs covers quelques fleurs au couleurs fatiguées mais à l’impressionnisme post-classique des méditations proposées sous son nom se substitue chez V/vm une autre forme d’impressions plus abstraites, relectures spectrales de classiques des raves de l’époque dont seules subsistent quelques réminiscences de pulsations érodées par le temps, tandis qu’au premier plan émergent les reflux d’une mémoire embrumée et une certaine dramaturgie fantomatique évoquant tel un opéra drone la décadence d’une grandeur passée. Témoin d’une culture de communion entre les êtres réduite aujourd’hui à une somme de solitudes, Kirby y apparait reclus dans ses souvenirs, décrépissant avec eux à mesure que les générations s’approprient ces moments de vie pour en faire une mythologie privée de chair et de réalité :