Le streaming du jour # 990 : Toys’R’Noise - ’s/t’
« Toys’r’noise are David L, David F and Pierre M » précise gentiment la page bandcamp de ce trio atypique. Ça tombe bien car on serait bien en peine de trouver la moindre information les concernant sur/dans la pochette de ce bel éponyme. Une pochette privilégiant le rouge et le bleu, pêle-mêle d’empreintes digitales et d’aplats monolithiques. En son centre, un tout petit dessin sur fond blanc de ce qui semble bien se rapprocher d’une flaque dans un cratère. Un sous-bois au verso et quelques informations d’usage en bas en tout petit. Pour le reste, rien.
Vraiment rien. Ce qui fait qu’en posant le disque sur la platine, on ne sait absolument pas à quoi s’attendre ou plutôt, on s’attend à tout. Mais sûrement pas à ça. Et l’on se rend bien compte, alors que les premiers sons naissent à la sortie des enceintes, que l’on avait la clé dès le départ, au moment même où nos yeux ont effleuré le patronyme du trio : Toys’R’Noise. Un nom qui claque comme une évidence. Jouets et bruit, les jouets jouent du bruit, le bruit est un jouet, jouer du bruit avec des jouets et cætera et cætera. Tout un paradigme contenu dans une seule formule. Pour faire vite (mais sans doute aussi parce qu’on a bien du mal à la décrire), on dira que la musique de cet iconoclaste trio trouve sa source dans l’électronique mais qu’elle n’est pas exempte d’éléments plus organiques. On entend parfois une batterie ça et là, on capture également quelques voix au loin, il me semble même avoir entendu une basse à un moment donné. Tout cela amalgamé à une foultitude de sons synthétiques indéterminés dessinant une architecture qui tient tout autant de la musique industrielle que de l’expérimentation électro-acoustique ou de la musique concrète. Toys’R’Noise développe avec talent des morceaux fureteurs aux pérégrinations absolument prenantes. Une sorte de folklore assez novateur : cyberbère, tchéglauquovaque industruelle tapissant d’un mortier minéral un édifice qui tient autant du minaret que de la mégalopole occidentale. Une musique traversée d’un vent synthétique extrêmement froid à même de calmer les ardeurs du cœur nucléaire qu’elle cache en son sein.
Les morceaux ne portent pour seul titre qu’un pauvre numéro. Comme si Toys’R’Noise, en ne livrant aucune piste, ne voulait pas être plus que sa musique. D’un autre côté, on les comprend, car une fois les oreilles captives du magma sonore que délivre ce premier essai, impossible de se démagnétiser : on épouse la moindre errance de ces morceaux fureteurs, volontiers inquiets et tout le temps énigmatiques sans sourciller. Pire, une fois que tout cela s’arrête, on repart immédiatement dans le disque. On se plonge avec délectation dans les accents slaves de 1, dans les ondes dévastatrices qui clôturent les onze minutes de 6, dans le relief faussement plat du très ténu 2 et en règle générale, dans l’absolue majorité des numéros qui rythment un disque joliment voyageur mais aussi très enfermant. Il érige une prison mentale qui, une fois mise en place, oblige les synapses à se délocaliser avec lui. Il enferme pour mieux ouvrir. Quelque chose comme un beau paradoxe qui montre quelques ressemblances avec les intentions du 000 de Brou De Noix - en beaucoup plus pelé toutefois - ou avec celles de Maria Goretti Quartet. C’est un trio, c’est aussi le même label (Tandori Records mais pas que puisque Love Mazout, Poulpe Mort et Animal Biscuit participent également) et c’est tout autant iconoclaste. Même si les armes n’ont strictement rien à voir. Et alors que le quartet se construit en dehors du punk tout en n’étant pas autre chose, Toys’R’Noise explore les à-côtés d’une musique qui puise ses racines au sein du magma électro-industriel définit en son temps par Throbbing Gristle. Mais il ne s’agit là que de racines et il s’avère bien difficile de trouver le moindre élément stéréotypé dans le fatras d’ondes synthétiques qu’administre le trio. Avant tout éminemment personnelle, la musique de Toys’R’Noise ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même.
Sans doute d’ailleurs en avons-nous déjà trop dit et il ne faudrait pas reculer plus encore le moment de l’écoute. Dès lors, trêve de mots. Écoutez ce qui suit : c’est original, c’est excellemment bien construit, c’est complètement magnétique et c’est surtout franchement brillant.
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