12 labels à suivre en 2012 - Denovali

On a vécu ce cru 2011 au rythme de leurs sorties aussi attachantes qu’exigeantes, et on les suivra assurément de près l’an prochain : petit tour d’horizon, mené jour après jour par leurs patrons eux-mêmes, de ces labels singuliers qui ont marqué notre année musicale et qu’il ne faudra plus lâcher d’une oreille, si ce n’était déjà le cas.

Devenu une référence incontournable dans la nébuleuse des musiques sombres et singulières sous toutes leurs formes, du jazz au drone en passant par le post-rock ou le métal, on en oublierait presque que Denovali demeure avant tout une aventure artisanale et familiale. Aux commandes du label allemand, ses deux fondateurs Timo Alterauge et Thomas Hack qui n’ont jamais hésité depuis 2005 à privilégier leurs coups de cœur musicaux et humains, préférant le bouche-à-oreille à la promo de masse et les beaux objets à la curée du tout numérique, quitte à s’assoir sur d’éventuels profits. Autant dire que nos deux adeptes du cumul des postes "à l’ancienne" sont du genre occupés et que les réponses de Timo, aussi expéditives furent-elles, nous ont procuré une énorme satisfaction.


L’interview


- Si vous deviez nous présenter le label en quelques mots, quels seraient-ils ?

Deux amis publiant les obscures expérimentations d’artistes fous, drôles, sympa, dépressifs, charmants, jeunes ou vieux.

- Comment le contexte économique, technologique et/ou culturel a-t-il influencé votre façon de concevoir l’édition musicale ces dernières années ?

On ne prête pas vraiment attention au web 2.0 ni à la mort annoncée de l’industrie musicale. Tant qu’il y aura des gens pour apprécier et apporter du crédit aux productions que nos artistes et nous-mêmes réalisons, on continuera comme ça. Je pense que le développement d’internet a aidé beaucoup de gens à faire évoluer leurs goûts musicaux vers une plus grande diversité - donc c’est plutôt un avantage pour les labels indépendants et les artistes animés d’une approche plus souterraine. Du moment que nous avons peut-être 2000 adeptes fidèles à travers le monde pour que notre art s’épanouisse, je me moque bien des millions d’auditeurs qui écoutent David Guetta.

- Sur quels aspects voyez-vous le label évoluer en 2012 ?

Pas la moindre idée. On va juste continuer à produire des disques pour des musiciens qu’on aime. Ce serait génial de commencer quelque chose de similaire dans le domaine du cinéma - mais je pense que ça va nous prendre encore quelques années.

- Quel artiste du label vous a le plus impressionné cette année, et pourquoi ?

Papa aime tous ses enfants. Mais le nouvel album du Dale Cooper Quartet est sûrement l’un des meilleurs disques que nous sortirons jamais.

- Un nom à surveiller de près sur le label l’année prochaine ?

David Guetta ! (rire)

- Un dernier disque à écouter avant la fin du monde ?

Définitivement un album de Bohren Und Der Club Of Gore. La meilleure des musiques quelle que soit la situation. Un grand merci pour cette interview !


Denovali sur Facebook - Site Officiel



Denovali en 2011


- Un album : The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble - From The Stairwell / White Darkness - Tokage

En solo avec le "free doom" de White Darkness comme à la tête de son combo dark-jazz dont la réputation n’est plus à faire (et qui nous gratifiait tout récemment encore d’un superbe live en libre téléchargement), le Néerlandais Jason Köhnen que les amateurs de breakcore connaissent également sous le pseudo de Bong-Ra aura définitivement marqué l’année du label par ses créations singulières (sans même parler du dernier opus de The Mount Fuji Doomjazz Corporation classé ici parmi les albums d’ambient majeurs de 2011).

- Un EP : Heirs - Hunter

Aux confins du post-rock, du metal et d’un shoegaze empreint de cette épure nébuleuse et gothique chère aux Cocteau Twins, le quintette australien pour sa troisième réalisation chez Denovali après deux albums remarqués (dont Fowl en écoute sur Bandcamp) fait un sans-faute avec trois titres aussi ténébreux qu’élégants, culminant sur une reprise-fleuve du Never Land des séminaux Sisters Of Mercy.


- Un morceau : Dale Cooper Quartet & The Dictaphones - Eux Exquis Acrostole / Blueneck - Sawbones

Soit deux chansons pour témoigner de la richesse sans bornes d’un label plutôt habitué des univers instrumentaux et néanmoins capable de nous révéler ce genre de merveilles vocales, qu’il s’agisse de l’ambient-jazz teinté de blues lynchien du Dale Cooper Quartet dont vous a déjà beaucoup parlé et qui s’aventure ici le chant aidant aux abords du romantisme impressionniste d’un David Sylvian, ou du post-rock orchestral de Blueneck, bouleversant de lyrisme retenu.



- Une vidéo : Birds Of Passage & Leonardo Rosado - Here’s Looking At You, Kid

Car toute la fragilité cotonneuse et la sensualité en clair-obscur de cette collaboration attendue entre l’enivrante Néo-Zélandaise (dont l’hivernal et brumeux Winter Lady est encore tout chaud sur la platine d’IRM) et le passionnant Portugais sont résumées dans cette vidéo qui a su capter l’obsession des deux musiciens pour cette barrière invisible qui sépare inexorablement les mots des sentiments.


- Une chronique : Contemporary Noise Sextet - Ghostwriter’s Joke / Aun - Phantom Ghost / Omega Massif - Karpatia

Car sur une grosse vingtaine de nouvelles sorties cette année sur le label, qu’il s’agisse de doom, de krautrock, de drone-folk ou de post-metal, Nono notre docteur ès Denovali en a chroniqué les deux-tiers avec autant d’humour que de passion. On n’a pas vraiment pour habitude de s’envoyer des fleurs, mais j’avoue que ces trois-là dans des univers très différents m’ont autant fait kiffer que les albums en question.

- Un dernier chef-d’œuvre à (re)découvrir : Terminal Sound System - Heavy Weather

Nono était encore sur le coup mais cette énième incarnation de l’Australien Skye Klein (ex A Beautiful Machine et moitié de Halo) demeurant largement méconnue malgré une disco déjà bien fournie, impossible de clore ce bilan sans en remettre une couche sur cet album épique autant qu’atmosphérique mêlant électro-dub fuligineux, post-metal orageux et post-rock martial, quelque part entre Isis, le Rock Action de Mowai et les débuts de 65daysofstatic. Ébouriffant, et totalement à l’opposé musicalement du premier opus de son récent projet Siilt, tout aussi recommandable dans une veine glitch-ambient crépusculaire et grouillante.


English version :


- If you would have to introduce the label in a few words, what would they be ?

Two friends releasing obscure experimental music for crazy, funny, nice, depressive, lovely, young and old artists.

- How did the economic, technological and/or cultural environment influence your way of thinking about music publishing in the past few years ?

We don’t really care about web 2.0 and the upcoming death of the music industry. As long as there are enough people who enjoy and appreciate the products the artists and we’re realizing we’ll continue. I think the internet development helped a lot of people to evolve a more diversified taste in music – so it’s rather an advantage for independent labels and artists with a more subcultural approach. As long as we’re maybe having 2000 loyal supports worldwide to realize our art I don’t care about the millions listening to David Guetta.

- In which ways could the label evolve in 2012 ?

No idea at all. We just will continue to realize records for musicians we like. It would be great to start something similiar in the film sector – but I guess that will need a few more years.

- Which artist from the label impressed you the most in 2011, and why ?

Daddy loves all his children. The new Dale Cooper Quartet album will be one of the best records we’ll ever release.

- A name to watch closely on the label next year ?

David Guetta ! (laugh)

- A final record to listen to before the world ends ?

Definitely a Bohren Und Der Club Of Gore record. In every situation the best music. Thanks a lot for the interview !