Jamais complètement régressif ni tout à fait sérieux, même quand il nous fait le coup de l’album d’ambient conceptuelle inhabituellement austère et difficile d’accès, le Kid de San Francisco n’est en tout cas pas le dernier des flemmards.

En attestent encore une fois les trois podcasts mis à disposition ces derniers mois sur Soundcloud et regroupés ci-dessous, qui voient respectivement l’ancienne figure du breakcore se pencher sur son catalogue de remixes, nous faire partager son warm-up de soirée idéal allant de l’IDM cérébrale de Phoenecia au dirty south racoleur de Ludacris en passant par la dance ironique de Basement Jaxx (autant dire qu’on pourrait difficilement ratisser plus large), et même mixer une demi-heure de ragga jungle avec la dark techno du berlinois Errorsmith pour nous offrir la version luciférienne de ce dancehall à l’Anglaise.

Bon... d’accord, soyons honnête. Selon toute vraisemblance, aucun lecteur d’IRM normalement constitué n’écouterait un seul de ces mixes jusqu’au bout. Alors autant passer tout de suite aux choses sérieuses, enfin les plus sérieuses possibles quand il ne s’agit pas pour le natif de Caracas de donner dans le glitch acousmatique ou autres modulations abstraites. Car si Miguel De Pedro a continué à faire parler de lui ces dernières années par le biais de son écurie Tigerbeat6 (par laquelle sont notamment passés cette année Cex et Raoul Sinier), c’est surtout pour ses EPs à rallonge mêlant techno morbide, house décadente, IDM névrosée, dancehall sordide et tout ce qui peut bien se télescoper d’autre dans les tréfonds de son cerveau malade, pour le meilleur ( Die Soundboy Die en 2008) comme pour le pire ( Kill Soundboy Kill, qui avait préfiguré l’année suivante l’inégal Shout At The Döner ).

Derniers exemples en date, le double single Outside / Holiday ci-dessous, soit deux petits hymnes électriques et lo-fi chantés par Jesse Quattro (Holy Vehm, Secret Chiefs) puis remixés par une flopée de producteurs affiliés ou non au label (dont Hecq avec l’un de ces tabassages en règle dont il a le secret et DJ /Rupture pour une pluie de wobbles groovy à souhait... excusez du peu), mais surtout ce Let’s Get Radioactive qui reprend les choses là où Die Soundboy Die les avait laissées avec ses relectures toutes plus schizo et cyberpunk les unes que les autres d’un single éponyme mêlant électro-indus au karcher, lyrisme post-classique et retours de flamme soul ou drum’n’bass. Une homélie dictée semble-t-il par une entité extra-terrestre et qui multiplie les clins d’œil ironiques au manifeste de Fight Club comme à une certaine pop-culture alternative ("you are Henry Rollins’ moles") pour nous ouvrir les yeux sur la nécessité d’embrasser les joies de l’ère nucléaire et ses douces promesses d’extinction de la race humaine (cf. le sous-titre de l’EP et sa référence sans équivoque à Dr. Strangelove ).

Le mieux d’ailleurs c’est encore de laisser le Kid nous décrire lui-même son bébé : "influencé musicalement par un rap dirty south crunké jusqu’à l’os, un dumb-step distordu de la manière la plus attardée possible, Marvin Gaye et un peu de la magie pianistique de Steve Reich ou Terry Riley ; inspiré conceptuellement par le viol et la destruction de notre planète à partir d’une consommation ostentatoire, d’un capitalisme incontrôlé, d’une permanente sur-stimulation et d’une quête sans fin pour avoir plus de tout."

Et sur ces bonnes paroles, il est grand temps d’aller tâter du plutonium sonique... courte intro ici pour les puristes, et le reste dans la foulée :