Necessary - Voldsløkka
Avec Voldsløkka, Necessary expérimente un dub mutant et glacé attiré par les frontières. Un disque aux ambiances fortes et variées. Un labyrinthe passionnant.
1. Chinnamasta
2. Sov Godt
3. Grimm Og Gru
4. Peshawar
5. Voldsløkka
6. Syltetøy
7. Slukker Lyset
8. Helvete Ser På Dag
9. Lord B
Collectif basé à Oslo, Necessary compte dans ses rangs les Norvégiens Andreas Mork (dubs & data), Matti Hansen (basse énorme aux grésillements omniprésents), Markus O. Klyve (claviers enneigés), Tony F. Wilson aka Spykidelic (platines incisives et sons divers) et Salvador Sanchez (chant) rejoints pour l’occasion par le batteur américain Ted Parsons (pas vraiment le premier venu, lui qui a déjà usé ses baguettes derrière les fûts de formations barbelées telles que Swans, Godflesh, Prong, Jesu ou encore Teledubgnosis avec qui la musique de Necessary partage quelques points communs). À la vue du line-up et du label sur lequel sort cet opus, l’irréductible Ohm Resistance, on imagine aisément une musique électro-dub attirée par le hip-hop et la saturation. On s’attend surtout à un mélange des genres poussé à l’extrême. Et c’est vrai qu’il y a un peu de ça, mais aussi tout un tas d’autres choses.
Ce disque de Necessary s’avère passionnant à plus d’un titre. C’est que la confrontation du dub originel (par essence chaud et humide) à l’œuvre au sein de chaque morceau avec le climat de la capitale norvégienne – continental, donc froid et sec – provoque quelques frissons contradictoires. L’ossature rythmique en fusion constituée par le couple basse/batterie tranche avec les coups de scalpel très précis provoqués par les nappes électroniques franchement glacées issus des claviers et des platines. Les morceaux sont pourtant loin d’être tièdes.
La batterie métronomique de Ted Parsons fait des merveilles et charrie un groove loin d’être évident mais pourtant bel et bien présent qui s’allie idéalement aux ondes saturées de la basse de Hansen. Le tout construit une assise rythmique implacable sur laquelle les autres instruments peuvent tranquillement dialoguer. Les morceaux sont certes très différents mais ont tous pour point commun de sonner de manière complètement organique, naturelle. La production de Justin K. Broadrick n’y est d’ailleurs pas étrangère et s’accorde parfaitement à cette musique mutante en faisant précisément ressortir les saturations de la basse et les fines cymbales dans le labyrinthe sonore et épais érigé par les assauts de nappes froides et de scratchs, qui eux-mêmes, tout en étant fondamentalement synthétiques, sonnent incontestablement humain. On a même plus d’une fois l’impression que le groupe joue là, dans le salon, tout près de nous. On pourrait presque sentir la sueur des musiciens, voir les amplis vibrer sous les assauts continus de la basse et on a presque peur de se prendre les pieds dans les câbles et les jacks que l’on imagine nombreux. Une production extrêmement détaillée donc qui dote l’ensemble d’une grande musicalité.
Loin de n’être qu’un morne paysage monochrome, la musique du collectif offre une richesse d’ambiances, certes majoritairement froides, importante. Rapide track by track qui permettra sans doute de souligner l’incroyable diversité de Voldsløkka :
Chinnamasta en introduction plante le décors avec sa basse mise en avant, accompagnée tout du long par la batterie avant que ne s’égayent les nappes électroniques à l’inspiration très slaves (on pense de loin à DJ Vadim). D’abord très structuré, le morceau atteint finalement les limbes lorsque la batterie subit moult déformations synthétiques. Lorsque l’introduction presque reggae du second se fait entendre, cette fois-ci c’est aux Sofa Surfers que l’on pense. Changement d’ambiance encore sur Grimm Og Gru qui voit un duo cymbales/delays déchirer l’espace rythmique. Cette fois-ci, on est tout près de Scorn. Puis déboule l’accordéon triste de Peshawar sur un lit de percussions inquiètes et d’onomatopées lointaines qui dote le morceau d’une aura vraiment étrange. Rien à voir avec la guitare électrique policée et les larsens aux accents synthétiques de Voldsløkka, quelque chose comme un funk froid et véloce ravagé par les cristaux de glace. Le suivant se rapproche en revanche du second mais le septième n’a que peu à voir avec les autres morceaux, un instrumental qui ne fait pas de quartier mais sans animosité. Sans conteste le morceau le plus électronique de l’album. Puis déboule la drum’n’bass saturée de Helvete Ser På Dag que l’on rapprochera de celle de Submerged, l’agressivité en moins. Enfin, les 9 minutes 30 arides du minimaliste Lord B viennent clore un album légèrement hors-norme au groove mutant. Les morceaux sont longs et hypnotiques, les flocons de neige générés par cette instrumentation chirurgicale entaillent en profondeur les ondes denses issues de la basse. Il en résulte un grésillement assez sale qui pare les morceaux d’une puissance peu commune. L’ensemble est technique, certes, mais extrêmement vivant. Et varié.
Necessary propose avec Voldsløkka un album attiré par les contraires. Le blanc de la pochette et ses couleurs chaudes siéent d’ailleurs parfaitement à cette musique. Délocalisant le dub sur la banquise et conviant les icebergs à un long voyage au travers des deux hémisphères, le collectif commet un album-oxymore qui possède une belle personnalité : chaud mais froid, synthétique mais organique.
Une réussite.
Et c’est parti pour la marronnier de fin d’année. Est-ce bien nécessaire ? Je n’en suis pas si sûr. Mais après tout, pourquoi ne pas rajouter quelques mots sur quelques disques ? Cela permettra peut-être de pousser vers l’avant certains d’entre eux dont on a trop peu parlé. Car au final, 2010 était une sacrée belle année musicale (...)
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