Xiu Xiu - Women As Lovers

Quand on a appris que Xiu Xiu publiait en ce début d’année un nouvel album, on n’a pas sauté comme des fous sur les murs avec un déguisement de lapin rose. Et pour être honnête, on ne savait même pas que le collectif californien avait sorti l’un des albums les plus passionnants de cette année 2008.

1. I Do What I Want When I Want
2. In Lust You Can Hear the Axe Fall
3. F.T.W.
4. No Friend Oh !
5. Guantanamo Canto
6. Under Pressure [ft. Michael Gira]
7. Black Keyboard
8. Master of the Bump (Kurt Stumbaugh, I Can Feel the Soil Falling Over My Head)
9. You Are Pregnant, You Are Dead
10. The Leash
11. Child at Arms
12. Puff and Bunny
13. White Nerd
14. Gayle Lynn

date de sortie : 29-01-2008 Label : Kill Rock Stars

On en attendait forcément un. Un album qui une bonne fois pour toutes nous ferait ranger au placard les palpitants Strawberry Jam et Person Pitch d’Animal Collective et de Panda Bear paru l’an dernier. On a presque commencé à désespérer lorsque soudain, en ce mois de mai plus calme que les derniers, on a eu la bonne idée de revenir en arrière pour se pencher sur ce disque à la pochette aussi superbe qu’énigmatique.

En auditeur conquis bien que suivant de plus ou moins loin les réalisations de Chou Chou, puisque cela doit se prononcer ainsi, il me semble avoir écouté au moins une fois chacun des captivants albums de la bande à Jamie Stewart. Captivants mais tous plus ou moins difficiles d’accès même si The Air Force en 2006 ouvrait déjà la voie à des morceaux plus évidents. Car malgré tous leur trésors cachés, passer un disque de Xiu Xiu n’était pas forcément le premier réflexe que l’on pouvait avoir au saut du lit. Le moins que l’on puisse dire c’est que Women As Lovers comble cette lacune qui n’en était pas forcément une. Pour la première fois, on est conquis dès les premières secondes. Plus accessibles, les compositions restent toujours aussi foisonnantes de sons, exaltantes et complexes. Car même si la sortie est plus évidente à trouver que par le passé, le labyrinthe formé par les 14 pièces de Women As Lovers n’en est pas moins sibyllin, brumeux, fascinant et riche en surprise.

L’ambiance tendue, presque écrasante fait immédiatement penser à Why ?, génial fer de lance du label Anticon. Le livret gentiment fourni avec l’album ne fait que parfaitement confirmer ces adjectifs. Il illustre parfaitement l’ambiance malsaine qui règne dans cette jungle inextricable. Une série de clichés de femmes soumises à des séances de tortures. Charmant. Comme toujours avec Xiu Xiu le classieux esthétisme de l’ensemble évite le "voyeurisme TF1". En plus de cela, il permet de mettre en lumière tous les tourments de la vie de Jamie Stewart. Arrivé à ce stade on le comprend clairement. Women As Lovers n’est pas un charmant voyage dans un monde multicolore où l’on passera des journées à manger des chocapics en regardant des arc-en-ciel. Bon.

Mais s’il ne respire pas la joie de vivre, cet album a d’autres arguments à faire valoir. A commencer par la voix qui est la raison essentielle de l’admiration que beaucoup portent à ce groupe. Fragile une seconde, colérique celle d’après. Parfois triste ou désespérée mais invariablement agitée. A part ce premier extrait I Do What I Want When I Want et son zoli saxo un peu facile, on ne voit rien de bien enjoué dans cette ballade fantasmagorique ou effrayante au cœur de l’univers d’un des groupes les plus singuliers de la scène actuelle. Décrire ce que l’on ressent à l’écoute de ces ambiances feutrées et plombées serait une vaine expérience. On ne sait nous-mêmes plus trop. Car c’est l’auditeur lui-même qui se doit de découvrir cet oppressant monde dessiné par Jamie et ses compagnons. On se perd petit à petit, on se fond dans ces mouvances élégantes d’une sombre beauté.

Aucune fausse note si l’on omet, peut-être, cette reprise d’Under Pressure qui malgré tout ce qu’elle peut avoir d’agaçant n’est même pas si désagréable que ça. Sinon tout est fascinant. Comme à chaque fois. Une œuvre à part profondément singulière et ancrée dans notre époque de part ses thèmes modernes et dérangeants. L’horreur de Guantanamo, les enfants soldats ou encore l’homosexualité. On découvre au fil des pistes la vraie personnalité du personnage. Au bout des 14 titres, un constat s’impose. Jamie Stewart est l’un des songwriters majeurs de la scène américaine.

Le disque de Xiu Xiu est une nouvelle fois sorti dans un relatif anonymat. Et après tout ce n’est peut-être pas plus mal. Xiu Xiu continuera quand-même son bonhomme de chemin dans l’obscurité et la pénombre. Car, c’est bien connu, Jamie Stewart se brûle comme un papillon au contact de la lumière. Alors, surtout ne vous ruez pas dans les rayons pesant tomber sur la perle rare. Surtout n’essayez pas de combler vos lacunes. Surtout n’essayez pas d’écouter ce disque sur la foi de cette chronique ou d’une autre. Car ce disque ne changera pas vos vies. Ce disque n’est en rien le disque du siècle. Là n’est pas son ambition. C’est juste un livre fascinant qui s’ouvrira à qui sait s’y prendre. Avec le temps, une bonne gueule de bois et quelques larmes. Seulement.

Chroniques - 03.06.2008 par Casablancas
 


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