Après plusieurs opus particulièrement impressionnants de son projet Massaith (cf. ici ou là), un best-of et toute une série de collaborations (avec MoHoK ou Statuc Logic par exemple), certaines sous son véritable patronyme Anatoly Grinberg (et en compagnie de Gwenn Tremorin, Mark Spybey, Andreas Davids ou encore Abell Leonid), Tokee s’apprête à sortir son premier long-format sous cet alias depuis Stages en 2020, une fois de plus sous la bannière bulgare du label Mahorka.

En attendant ce ЛЕЯ prévu pour la fin d’année, Альбатрос Remixes nous donne l’occasion d’en découvrir en préambule le morceau du même nom ("Albatros" en français), au tracklisting de ce nouvel album du Russe : une bien belle tranche d’IDM stellaire aux orchestrations de synthés futuristes. Et pour accompagner l’extrait, rien de mieux que quelques relectures plus ou moins inspirées (à vrai dire, souvent "plus") de musiciens amis, eux-mêmes pour certains fidèles du label (Grosso Gadgetto en premier lieu) ou de sa seconde écurie de prédilection, Hymen Records et sa maison-mère Ant-Zen (Jérôme Chassagnard), tandis que d’autres nourrissent des liens avec l’intéressé depuis les grandes heures du regretté label Tympanik Audio auquel renvoie immédiatement la tension cinématographique et futuriste du morceau-titre - c’est le cas notamment du brillant Access To Arasaka, qui se fait malheureusement bien trop rare depuis le début des années 2010.

Au rayon des franches réussites, on saluera tout spécialement la réinterprétation de l’excellent Valance Drakes sous la forme de l’un de ces ballets glitch aussi organiques qu’oniriques dont il a le secret, suivie de près par celles des trois susnommés : Access To Arasaka donc, avec un remix à la fois massif et atmosphérique, efficace et déstructuré/texturé, qui nous fait plus que jamais regretter l’absence de véritable album solo de la part de l’Américain depuis Geosynchron en 2011 (l a k e s faisant figure à son échelle de gros EP) ; Jérôme Chassagnard, qui temporise et se concentre sur les arpeggiators et autres lignes de synthés pour tirer le morceau, le clavier aidant, vers la lisière du chillout et du classical ambient ; et bien sûr Grosso Gadgetto, lequel met l’accent sur une certaine majesté orchestrale de l’original et en conjure le temps d’un break la dimension crépusculaire et hantée pour mieux en démultiplier le lyrisme en un crescendo étonnamment lumineux.

Pour le reste, Abdicant fait le job avec une electronica SF plus classique, Unterm Rad prend le contrepied de ses compères en emmenant le morceau sur un terrain plus techno qui dénote un brin sans s’avérer rédhibitoire pour autant, passant les arrangements de Tokee au second plan comme une sorte de background nébuleux, tandis qu’Asshole Galaxy également pensionnaire de Mahorka, tire joliment son épingle du jeu avec sa tension tout en arpèges électro saturés et en pulsations étouffées. Quant à Mitoma, habitué du netlabel Section 27 et chargé de clore cette bien jolie collection, il ne démérite pas à défaut d’être original avec le genre d’electronica à la fois épique et mélodique qui fit les belles heures d’Abstrakt Reflexions, M-Tronic et autre Raumklang Music. Une chouette mise en bouche en somme pour patienter jusqu’à l’arrivée de ЛЕЯ - équivalent du prénom Leia dans la langue de George Lucas.