Sabiwa - 輪迴
Sabiwa est taïwanaise, se partage entre Taipei et Berlin et c’est Chinabot, collectif et label londonien voué à déjouer les clichés inhérents aux musiques asiatiques qui défend en cassette et digital son premier long format. 輪迴 fait suite au court mais déjà idiosyncratique et bluffant Enigma, un EP sorti plus tôt dans l’année sur la petite structure chilienne Cian Orbe, ainsi qu’à cette mixtape de mai dernier, plus ambient voire chillwave ou même électro-pop mais dont les bidouilles vocales biscornues et autres incursions tribales étranges et immersives laissaient présager par intermittence du foisonnement insolite auquel on a affaire ici.

1. Jia
2. Jingti
3. I introduce myself
4. Dizzy and confused
5. Wo de shijian
6. Caronte
7. Xin de shijian
8. XandG
9. Khuozhang
10. Sirens
11. Taranta
12. Outro 9 (who am I_)


Utilisation prépondérante et atypique de la voix comme source de textures viscérales ou électroniquement modifiées, rythmiques deep et déstructurées qui empruntent autant au dubstep qu’à l’electronica ou à l’abstract hip-hop et atmosphères à la fois oniriques et déliquescentes : sur les bases qu’avaient déjà posées les deux titres mutants d’Enigma, ou encore le downtempo singulier du single DISPLAY-ME dont la vidéo donne un bon aperçu des performances audio-visuelles très conceptuelles de la demoiselle, Sabiwa livre un album fantomatique sur le thème de la réincarnation (輪迴 en Chinois, le "saṃsāra" hindou, soit la transmigration, courant des renaissances successives).
Une cérémonie funéraire qu’évoquent d’emblée les incantations pitchées ouvrant le très glitch-hop Jia aux drums syncopés lourds et percutants, peut-être le titre le plus accessible de cette collection, tandis que l’intermède I introduce myself, avec son histoire de méduse devenue oiseau puis femme, entérine cette référence à la croyance bouddhiste du passage d’une forme de vie à une autre dans une alternance infinie de morts, de renaissances et de changements de peau. "C’est comme sauter dans le vide sans savoir ce qui viendra ensuite", explique la musicienne et c’est tout à fait l’effet que nous font les enchaînements organiques de ce 輪迴 ("Lun Hui", prononcer "Leun Rué"), délaissant bien vite la bass music au profit d’expérimentations somatiques hétéroclites et pourtant cohérentes.
Du pullulement électronique semi-aléatoire de Jingti et du bien-nommé Dizzy and confused aux mantras mystiques dénaturés en pulsations industrielles de Wo de shijian, du tribalisme de Caronte hanté par les susurrements d’une goule assoiffée de sang aux field recordings grouillants servant de terreau au rite libertaire et cuivré d’un Xin de shijian digne d’une rencontre fantasmée entre Phew et Mats Gustafsson, du dark ambient jazzy et insidieux ouvrant le chamanique XandG aux tambours et murmures occultes de Khuozhang, ou de la transe tribale technoïde et martienne de Taranta aux distorsions carnassières du flippant final Outro 9, il n’y a ainsi sur ce disque qu’un seul et même perpétuel et magnétique processus de métamorphose.
Un cycle de vie comme le rappelle l’intéressée dans les notes du Bandcamp, et chez Sabiwa cette vie fourmille et suinte de chaque sonorité manipulée, des plus ludiques aux plus glauques, englobant le trépas, la putréfaction, le rêve ou l’au-delà comme partie intégrante de ce qui fait notre identité et notre âme ici bas, pour donner à 輪迴 une ampleur spirituelle et dans le même temps un esprit de résistance farouche à la désincarnation de nos vies coupées de leurs racines primales qui ne se révèlent véritablement qu’au fil des écoutes répétées.
Ovniesque, ardu mais jamais abscons, et surtout passionnant de bout en bout.


Ultime classement tardif de ma série de 11 bilans dédiés à l’année 2024 (dont 7 consacrés aux albums, par "genres" plus ou moins aléatoires), cette sélection n’arrive que maintenant pour plusieurs raisons : d’une part, les musiques expérimentales couvrant un large spectre d’un intérêt tout particulier à mes yeux, quelques rattrapages s’imposaient (...)


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