Penguin Cafe - The Imperfect Sea
Penguin Cafe est avant tout un hommage. Celui d’un homme à son père. Celui d’Arthur Jeffes à Simon Jeffes, décédé en 1997 à l’âge de 48 ans, et fondateur d’un Penguin Cafe Orchestra auteur de huit disques entre 1976 et 1995 lorgnant, selon sa définition, vers une « musique de chambre moderne et semi-acoustique ».
1. Ricercar
2. Cantorum
3. Control 1 (Interlude)
4. Franz Schubert
5. Half Certainty
6. Protection
7. Rescue
8. Now Nothing (Rock Music)
9. Wheels Within Wheels
Le projet Penguin Cafe n’en est pas à son coup d’essai. En 2011, A Matter Of Life… constituait le premier disque original d’Arthur Jeffes sous cet alias, suivi trois ans plus tard de Red Book. Pour autant, The Imperfect Sea semble le disque le plus investi de l’hommage paternel, en témoigne le choix de ce titre faisant référence à un leitmotiv cher à Simon Jeffes qui aimait répéter que l’« on flotte dans une mer faite d’imperfections ».
Arthur Jeffes va même plus loin dans l’hommage rendu au paternel en se réappropriant Now Nothing, titre composé par le Penguin Cafe Orchestra sur Broadcasting From Home. Du père biologique au père symbolique, il n’y a qu’un pas et celui qui sera bientôt quadragénaire revisite également les répertoires de Kraftwerk (Franz Schubert, initialement paru sur Trans-Europe Express) et Simian Mobile Disco (Wheels Within Wheels, disponible sur l’EP éponyme de 2004) dans des versions plus orchestrées.
Il convient toutefois de ne pas voir Penguin Cafe comme un simple projet multipliant les hommages. Aux côtés de ces trois reprises figurent en effet six compositions originales sur lesquelles la totalité des instruments – essentiellement le piano, les cordes frottées et des percussions tribales, en plus de quelques guitares – se met au service de l’ensemble.
Et il ne s’agit pas là que d’un vain mot ou d’un poncif quelconque. Simplement, comme souvent lorsqu’un disque est défendu par Erased Tapes, il est question de mélange des genres et de fusion ambitieuse. Celle d’un univers jazzy et d’une approche plus dansante. Arthur Jeffes explique d’ailleurs que « l’idée était de créer un monde musical qui pourrait sembler familier à un auditoire plus habitué aux enregistrements dansants mais resterait en accord avec nos propres valeurs. Alors nous avons rejoué les parties électroniques avec de vrais instruments ».
The Imperfect Sea débute avec le jazz assez radical d’un Ricercar initial dont les boucles d’un piano taquin et aventureux évoquent d’autres pingouins, ceux de GoGo Penguin, pour se poursuivre avec le néoclassique hanté d’un Cantorum dont la cavalcade au piano évoque Nils Frahm pour cette capacité à intégrer des points d’appui plus graves, violons et violoncelles se chargeant d’ajouter un effet crépusculaire à l’ensemble.
Les compositions sont pleines de surprises et, tout en gardant une même ossature, prennent des chemins bien distincts. Ainsi, l’interlude Control 1 s’étendant tout de même sur sept minutes d’épure minérale voit le piano d’Arthur Jeffes occuper la quasi-exclusivité de l’espace, ne laissant que des miettes au délicieux violon dont il assure lui-même l’exécution, au violoncelle et au shruti, instrument indien à anches libres qui confère une dimension plus hypnotique à ce minimalisme reposant.
Les guitares acoustiques et le ukulélé peuvent également s’inviter, comme sur Protection où ils répondent doucement aux cordes, successivement frottées puis frappées, dans un mélange des genres apaisé qui prime en définitive sur l’ensemble de l’œuvre, mais finalement rompu par la cavalcade d’un Rescue très cinématographique où les différentes cordes frottées jouées par l’orchestre philharmonique de Prague se répondent, se superposent et s’affrontent à la manière d’un Craig Armstrong au sommet de son art.
Difficile de ne pas conclure ce propos comme le disque par Wheels Within Wheels, reprise de Simian Mobile Disco où, pour la deuxième fois, l’orchestre tchèque assure d’admirables parties de cordes, conférant ainsi à cette nouvelle mouture une ampleur qui ne peut être fidèlement traduite en mots. The Imperfect Sea est un bijou en ce sens que, percutant, il s’adresse directement au cœur. Parvenant à mêler labeur, ambition et accessibilité, il est de ces disques intelligents qui ne doivent pas être intellectualisés. Juste ressentis. Comme l’hommage d’un fils à ses pères…
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