The Times - Beat Torture
C’est avec ce disque mémorable, sombre et sobre, lumineux et concis à la fois, que nous avions inauguré la rubrique des "chefs-d’oeuvre oubliés".
1. Godevil
2. Heaven sent me an angel
3. I’ll be your volunteer
4. Department Store
5. Love like haze or rain
6. It had to happen
7. Chelsea Green
8. How to start your own country
9. On the Peace Line
10. Scarlet and sapphire
11. Angel
12. Volunteer
13. Country
14. Love
Ainsi donc nous exhumons ce formidable concept. Les chefs-d’œuvre oubliés. Qui ne sont, pour la plupart, bien entendu, pas des chefs-d’œuvre, sauf pour le rédacteur... Régulièrement, nous exhumerons de nos discothèques un album inconnu, oublié sauf de quelques initiés, à côté duquel nous sommes passés pour une raison x ou y (trop de choses à écouter, marketing inexistant ou minable, trop petit tirage, artiste maudit, vaudou ou autres babioles...) et qui pourtant, dans son intégralité ou à petites doses, est une petite merveille. Nous espérons avec ces articles renouveler chez vous le goût de la fouine, de la recherche d’occasions perdues, et surtout vous inciter à nous suivre dans cette voie de la recherche de la pépite noire et introuvable qu’on aimerait faire partager à tout prix...
L’idée a grandi en lisant ci et là des gens parler de "chefs-d’œuvre" pour des albums dont, soit nous serions loin de penser que c’en sont, des chefs-d’œuvre, soit nous n’avions jamais entendu parler de ces galettes, voire de ces artistes. Mince alors, pour employer tel mot, c’est que le disque a dû marquer alors ? Une évidence s’est vite imposée : il y avait peut-être des disques que nous chérissions plus que tout et qui ne disaient rien, mais absolument rien du tout à certains de nos lecteurs. Et alors peut-être, en les emmenant vers ces albums, leur ferions-nous découvrir d’inoubliables moments de grâce ou de beauté, leur ferions-nous découvrir des disques qu’eux aussi pourraient chérir comme nous les chérissons ? Sans vouloir se donner plus d’importance que la modeste contribution à l’histoire de la musique qui est la nôtre, l’idée paraissait gratifiante.
Je commence donc cette série avec mon disque inconnu préféré, je veux dire le génialissime Beat Torture des Times, sorti dans l’indifférence générale en 1988.
A l’heure où les TV Personalities se sont reformés grâce au retour miraculeux de Dan Treacy, on oublie (facilement, au vu de l’inégalité de ses albums) la carrière que Ed Ball, son complice, a entamé du début des années 80 jusqu’à cette année, sous son nom ou avec son groupe au personnel changeant à peu près autant de fois en un rien de temps que les tenues de Beyoncé l’espace d’un clip, quand il ne se réduisait pas au seul sieur Ball lui-même.
Quelques disques sont pourtant dignes d’être sortis du lot parfois graisseux de disques des sus-cités. Si on oublie le live parfaitement désastreux At The Astradome Lunaville , live qui suinte le rock à stade et les ambitions démesurées de Ball au début des nineties, et si on n’a pas le courage de se farcir un Pure qui, en une plage unique de 60 minutes, regorgeait aussi bien de passages génialissimes (la reprise de Blue Monday de New Order en français) que de remplissages douteux limite acid house, on peut tomber sur de merveilleuses pépites, comme E for Edward , le superbe album de pop à la gloire de Manchester, digne de New Order, ou son prédécesseur, ce Beat Torture inspiré, sobre et sombre, datant de 1988 et tout aussi bon.
Le seul malheur de ce groupe est d’avoir été signé chez Creation, et d’avoir sombré avec le label. Aucune réédition n’existant depuis le tirage original de 1988, il est quasiment impossible de retrouver les disques de manière raisonnable. J’en appelle donc à votre patience infinie et à la fouine de magasins d’occasion (surtout de vinyles, car seule une quantité infime de CD de cet album a été pressée...) pour pouvoir mettre la main sur cette pépite rare et inestimable. Car c’est bien de chef-d’œuvre inouï qu’on parle ici, certains morceaux étant absolument incroyables de pureté pop et complètement intemporels, la production trop typée à l’époque de sortie de l’album étant un des défauts qu’on pourra facilement admettre pour les autres albums des Times , bons ou mauvais.
L’objet est déjà attirant : en version vinyle, c’est un sac poubelle noir portant en impression un type qui tient une corde de pendu et les mots BEAT TORTURE. Malheureusement la version CD n’en retiendra que la pochette noire unie avec le titre du disque que contenait le sac plastique, mais nous gratifiera de quatre démos en bonus non négligeable. Il n’est nulle part fait mention du nom du groupe.
Mais ce n’est pas un disque de métal, du tout. Et ce n’est pas un disque glauque ou lugubre non plus. C’est de la sensibilité à l’état pur.
Qu’y a-t-il dessus ? Ca commence de façon un peu lourdingue avec un Godevil pas désagréable, mais aux grosses guitares heavy et à la voix graisseuse à la Jesus Jones, mais dès Heaven sent me an angel et sa ligne de basse bien ronde, on sent le classique poindre le bout de son nez. Ensuite tout s’enchaîne, l’excellente guitare aiguë et entêtante de la fin d’ I’ll be your volunteer, le rock aiguisé de Departement Store, les lourdes percussions hypnotiques de How to start your own country, la superbe ballade acoustique qu’est Love like haze or rain avec harmonica et caisse claire qui claque garantis misérables, et une face B impeccable, avec les tubesques It had to happen et Chelsea Green et la deuxième ballade acoustique On the peace line. Derrière TOUS les titres se cachent un sens parfait de la mélodie. Et les références cyniques à Dan Treacy sont insidieuses comme le personnage de Tracy sur It had to happen ("I saw it happen/to the man with the child in his brain", "It happens all the time / Believe me it’s true" pour fustiger le comportement erratique de Dan, "Tracy made the children happy / Don’t you know the kids just love it", référence directe au titre d’un album des TVPs...) et le côté psychédélique des productions des TVPs est bien présent dans les paroles ou les tablas de Chelsea Green...
Un classique pareil oublié dans les tiroirs de Sony (qui possède le catalogue Creation MAIS N’EN FAIT RIEN), c’est une honte. On ne peut que saluer l’initiative de Cherry Red qui réédite les autres albums des Times du début des années 1980 (trois rééditions à ce jour, I helped Patrick McGoohan escape , This is London et Go ! with The Times ) en espérant qu’ils continuent.
La suite, parfois brillante, de la carrière de Ball au sein des Times, sera très inégale. Cédant aux sirènes du son façon Technique de New Order en 1989, il sortira un E for Edward qui possède d’excellents morceaux mais d’autres, plus électroniques, qui ont horriblement mal vieilli (de la même manière que les morceaux synthétiques dudit Technique , d’ailleurs). Puis, le groupe réduit à sa seule personne, il se lancera dans un projet de musique semi-électronique avec le disque Pure , plage unique et bizarroïde de 60 minutes en 1990, qui possède de purs moments de génie créatif, avant de reformer un groupe et de sombrer avec un live ( At the Astradome Lunaville ) parfaitement désastreux. Il refera surface dans les années 1990 avec quelques disques sous son nom.
J’espère simplement qu’un chanceux d’entre vous pourra mettre la main sur cet album. Sur ce plan, Ebay peut être votre ami, croyez-moi, c’est comme cela que j’ai acquis un des exemplaires CD du disque.
Attention, cependant, fouineurs, la discographie des Times, bien qu’un peu parallèle à celle des TV Personalities, est TRES inégale, et si vous n’y prenez pas garde, vous allez vous retrouver avec un mauvais disque. Commencez par celui-ci de préférence. Les veinards qui me connaissent et à qui j’ai fait écouter cet album pourront confirmer...
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