Le streaming du jour #1718 : Jessica93 - ’Guilty Species’
Répondant au kitsch de Rise, la pochette de Guilty Species interpelle tout autant, arborant dans un flou gaussien un piercing labial autour d’une bouche étant écartée par deux paires de doigts.
Cette illustration traduit admirablement le contenu sonore de ce Guilty Species autant que l’autodérision de son auteur. Toujours centré sur lui-même, dans le sens où il ne parle que de ce qu’il connaît pour éviter de débiter des torrents d’inexactitude, Geoffrey Laporte offre un prolongement graphique à son univers sonore poisseux mais délectable. Modérément, il peut être agréable de se faire du mal.
En ce sens, Guilty Species ressuscite les démons qui sommeillent en chacun des auditeurs, qu’ils se manifestent à travers une énergie grunge post-adolescente sur Rip In Peace, l’aspect crépusculaire d’une basse rappelant les Cure sur Venus Flytrap ou la rugosité d’un rock évoquant les Queens of the Stone Age sur Guilty Species.
Geoffrey Laporte n’a pas peur de tourner en rond. Il ne craint pas la redite et enchaîne volontiers certains titres articulés autour de thèmes apparemment proches, qui gagnent néanmoins en nuances au fur et à mesure de leurs progressions respectives. L’enchaînement Venus Flytrap/Anti Cafard 2000 est en ce sens un modèle du genre et, là où l’ennui aurait pu poindre, c’est au contraire une dimension hypnotique qui gagne l’auditeur lorsque ces boucles post-punk prennent des contours plus variés qu’ils n’y paraissent.
Variations toujours - même si elles sont plus ténues - sur un French Bashing qui fait le grand écart entre des sonorités orientales léchées et des riffs lourds ressuscitant les Smashing Pumpkins du mitan des années 90. Ce post-punk constitue une oppression de tous les instants, et même lorsque le français semble imposer une relative accalmie, comme c’est le cas sur un Bed Bugs aux boucles hypnotiques, la tension s’en trouve décuplée.
Légèrement moins sombre et souffrant peut-être d’un léger déficit d’ambition en comparaison de ses prédécesseurs, Guilty Species décevra probablement ces fans de la première heure qui ne sont jamais autant séduits que par des sons crasseux assumés par des artistes confidentiels, caste à laquelle Jessica93 n’appartient plus.
Pour autant, si une relative clarté émanant aussi bien des parties vocales que des boîtes à rythmes émerge ici, Geoff Laporte ne vend clairement pas son âme au diable. S’il accepte de tourner en rond, ce n’est jamais autour du même cercle qu’il circule et s’il reste auprès des horizons défrichés par Who Cares ? et Rise, il nous amène néanmoins ailleurs, là où la liberté n’est jamais garantie et nécessite parfois de taper du poing pour ne pas se faire oublier dans ce combat permanent qu’est la vie.
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