Le streaming du jour #1329 : Helios - ’Yume’
Avec Yume, ode aux réminiscences d’une époque révolue de bonheur simple et d’insouciance dont la mémoire redessine les contours désormais intangibles à la façon d’un songe presque trop chaleureux pour avoir existé ailleurs que dans notre imagination, Keith Kenniff nous encourage à saisir la beauté de tous ces petits rien que l’on tient pour acquis et dont l’importance ne nous apparaît qu’une fois disparus de nos vies à jamais.
Si la musique d’Helios a si peu changé en 11 ans, depuis les débuts de Kenniff sur le défunt label électronica Merck Records, c’est sans doute que le Portlandien a suffisamment d’échappatoires à sa disposition, du piano solo de Goldmund à la dream-pop aux guitares et synthés shoegazeux de Mint Julep avec sa moitié Hollie au micro, en passant par les bandes originales et autres travaux orchestraux signés depuis quelques années sous son vrai patronyme. Au regard des arrangements bontempi au lyrisme plus emphatique de ces dernières qui n’ont pas encore su atteindre le même degré d’élégance dans l’expression des émotions, on ne pourra donc qu’apprécier la constance de ce projet solo, mixture idéale de post-rock feutré, d’électronique en suspension, d’acoustique délicate et d’ambient onirique dont les sorties chez Type ou plus récemment sur le propre label du musicien, Unseen Records, n’ont plus connu d’équivalent dans sa discographie depuis le fabuleux The Malady Of Elegance, chef-d’œuvre modern classical ample et mélancolique de l’avatar Goldmund.
Toujours fasciné par le Japon qui le lui rend bien en tournée, c’est en langue nippone que l’Américain imagine le rêve de ce septième opus dont l’univers graphique renoue avec le romantisme post-adolescent du superbe Eingya sous les pinceaux du même Matthew Woodson, et la musique d’Helios non plus n’est pas étrangère à cette idée typiquement japonaise de beauté éphémère, cette conscience de l’impermanence qui permet d’accepter l’inévitable évanescence des sentiments et des plaisirs terrestres, d’embrasser la mélancolie de cette fuite du bonheur avec sérénité et nostalgie mêlées. Pour autant, Yume se révèle moins impressionniste que son prédécesseur Moiety dont les textures flottantes prenaient le pas sur l’instrumentation et les rythmiques ouatées, et atteint un équilibre inédit entre l’exaltation pudique des mélodies de clavier, le spleen des arrangements de guitare et le vertige discret d’une production soutenue par des beats downtempo plus ou moins consistants (Pearl) ou craquelants (The Root).
Flirtant avec les synthés bucoliques de Boards of Canada (cf. les distos bienveillantes d’It Was Warmer Then), les drones Badalamenti-esques du voisin de Portland Eluvium (des reflux d’outre-rêve d’Again à l’ascension vaporeuse d’Embrace) ou les envolées éthérées des plus belles sorties d’Hammock (Sonora Lac), l’album parvient ainsi à conjuguer récollections intimes et souffle cinématographique comme à la grande époque d’ Eingya, débordant de tendresse et de sincère candeur sans jamais tomber dans l’affectation ou la mièvrerie qui guettent parfois Mono ou même Lights Out Asia dans ce genre d’exercice aux élans intimistes, pas même lorsqu’un piano sensible et les cordes cette fois bien réelles de Ben Davis (violon alto) et Amos Cochran (violoncelle) percent les nuages d’été immaculés de Skies Minus.
Désarmant.
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