Papaye - Tennis
Nouvelle saillie noise locale et iconoclaste balançant une multitude de riffs tronçonneuses contre des cathédrales rythmiques et carrées. Le rock d’ici se porte bien, très bien même, et décoche avec Tennis l’une de ses flèches les plus enthousiasmantes. Papaye est de retour et prouve en vingt-six petites minutes que stridences fuselées et second degré font bon ménage.
1. Peut-Être Si
2. Moquette Miroir
3. Totally Indeed
4. La Maturité
5. Long Long Long Island
6. Grapes
7. Non Mais Vraiment J’T’Aime J’Te’Jure
8. Sparrows And Pigeons
9. Europapaye
10. La Cheminée
11. Super, Marcher !
12. Monica Seles
13. Je Suis Caché Sous Ton Pull
Avec douze cordes partagées entre un Room 204 (Aymeric Chaslerie) et un Komandant Cobra (Franck Lamamra) et une batterie tenue par un Pneu (JB), le domaine de prédilection de Papaye ne fait aucun doute : du rock, tendance acéré, lorgnant bien sûr vers les maths et pétri de noise. Avec toutefois, cette petite chose en plus qui fait toute la différence : le goût pour l’iconoclaste, le décalage, le bigarré et la dérision. Car, oui, déjà, La Chaleur avait fait sensation en son temps (2011, ce n’est tout de même pas si loin) et pas seulement pour sa pochette à renvoyer tous les suppôts de Frigide à leurs chers missels et ce n’est pas avec celui-ci que Papaye s’en ira rejoindre les étagères les plus poussiéreuses, celles qui sont les plus éloignées de la platine. D’abord, il se situe dans l’exacte continuité de son prédécesseur avec en sus, quelques subtiles variations dans sa formule tout instrumental encore largement convoquée : du chant (Grapes), quelques claviers (La Cheminée) et même une trompette (Monica Seles). Pour le reste, tout pareil et surtout, toujours jubilatoire. Même pour ceux qui, comme moi, détestent les duels de guitares. Toutefois, duel n’est probablement pas le bon vocable car dans ce canevas fuselé, on a plutôt l’impression qu’elles s’épaulent l’une l’autre, tendues vers le même but : tracer des lignes de fractures où pourra s’engouffrer cette batterie peut-être carrée mais surtout foutraque. Il en résulte une collection de petites bombinettes spontanées qui filent à la vitesse de l’éclair et n’appellent qu’une seule réaction de la part de l’auditeur, remettre le disque au début dès qu’il est terminé. Vingt-six minuscules minutes, c’est franchement très court mais lorsqu’elles laissent transparaître tant d’idées, tant de structures alambiquées, tant de chausse-trappes, tant de fraîcheur, on se dit que c’est déjà bien assez pour tout ça. Le trio évite ainsi la dilution et va directement à l’essentiel sans s’encombrer de fioritures, maintenant une tension vivace tout du long, une urgence caractéristique qui éloignent pour de bon l’ennui et les effets néfastes de l’eau tiède.
Dès le premier titre, Peut-Être Si, le groupe agrippe notre main et ne la relâche qu’à l’ultime seconde de Je Suis Caché Sous Ton Pull, entre les deux, il nous fait passer par monts et vallées en suivant un chemin accidenté cernant un relief cabossé qui emmène très haut puis bien bas tout en suivant tous les points cardinaux à la fois. Un périple déboussolant et déboussolé à l’architecture mouvante : des riffs carrés ici et là, voire partout ailleurs (Peut-Être Si, Sparrows And Pigeons), de la répétition et du martellement (Europapaye, Super, Marcher !, Monica Seles), beaucoup aussi, un début de mélancolie qui balance un grand coup de grolle dans le ventre de l’apitoiement (La Maturité), une déclaration fugace et patraque dont on ne sait pas trop si elle en est réellement une et à quel moment elle intervient (Non Mais Vraiment J’T’Aime J’Te’Jure) et plein d’autres choses encore qu’on ne saurait détailler tant elles sont nombreuses, cachées entre les morceaux et le plus souvent dans les morceaux eux-mêmes. C’est qu’une fois commencé, bien heureux ceux qui sauront où chacun d’entre eux nous emmènent : pas de refrain, pas de couplet, pas de ponts, pas de trucs à quoi se raccrocher pour mettre un peu d’ordre dans les idées qui apparaissent puis disparaissent comme elles étaient venues, dans un souffle, le temps d’un instant. Rien de tout ça ici, rien pour venir mettre un frein à la monstrueuse efficacité de Papaye. Et puis ce qui frappe surtout, outre la batterie, c’est le plaisir communicatif que le trio prend à jouer. D’ailleurs, louons le formidable boulot de Miguel Constantino dont les prises de son et le mixage donnent l’impression que le groupe joue là, à côté de nous, on pourrait presque sentir la sueur et les effluves animales envahir la pièce. Encore une démonstration qui fait mentir le fumeux paradigme : à super-groupe, rarement super-disque. Et non content de réitérer l’exploit deux fois, Papaye nous fait en plus attendre impatiemment la suite.
Une concision (les morceaux ne dépassent que très rarement les deux minutes, un seul s’allonge au-delà de trois), une certaine âpreté aussi (et pourtant, à aucun moment ne manque une basse) et une exécution presque clinique, autant de traits qui montrent que la musique du trio, en soi, n’est pas des plus faciles, mais tout cela est contrebalancé par une telle inventivité et une telle spontanéité que tout le monde y trouvera forcément son compte, y compris les amateurs priapiques de beautés fanées qui pourront toujours se contenter de scruter la pochette - une nouvelle fois parfaitement réussie - pour déshabiller du regard le clone de Ségolène qui pose fièrement devant le filet. Encore une fois idéalement sorti sur Kythibong dont le catalogue ne cesse d’impressionner, Papaye partage avec le dernier Semi Playback le trophée du meilleur album à même de chasser n’importe quelle idée noire tout en étant ni simpliste ni simplet. Un vrai tour de force à bien y regarder. Les mêmes emprunts - ou plutôt clins d’œil - à tout ce que les musiques binaires peuvent avoir de subversif, le même goût pour l’humour mais la même aversion pour le n’importe quoi, le même plaisir, la même fraîcheur, le même éclectisme revendiqué au sein de la monolithique formule, le même nombre d’idées à la seconde (à savoir un bon milliard). Tout cela concoure à faire de Tennis un incontournable de 2013, option poil à gratter. Treize morceaux pour moins d’une demi-heure, treize sommets que l’on ne pourra pas départager, treize facettes d’un même groupe, treize raisons, enfin, d’écouter ce qui suit. Et pourquoi pas treize fois d’affilée car il y a fort à parier qu’à chaque écoute attentive, vous y trouviez quelque chose que vous n’aviez pas encore entendu.
Brillant.
Fleuron de la scène noise française aux noms rigolos, Papaye se distingue par sa capacité à ne pas en faire trop. Leur dernier album, Tennis, dont nous avions fait la chronique, sorti en avril, avait déjà surpris par sa longueur : 13 morceaux et moins de 30 minutes au compteur. Ce mois-ci avec Welcome To The Jingle, le trio renouvelle l’exploit (...)
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