Après les très courts Sanguine et Florine autoproduits en 2006 puis 2009 et disponibles via son site officiel, Julianna Barwick semble enfin avoir trouvé structure et inspiration à la mesure de son talent du côté d’Asthmatic Kitty Records, maison notamment des DM Stith, Chris Schlarb ou Roberto Carlos Lange (Risil, Savath & Savalas) avec lesquels les hymnes liturgiques et bucoliques de la New-Yorkaise ont mine de rien plus d’un point commun. Élevée en Louisiane, Julianna y chantait a capella dans une chorale d’église et c’est finalement à peu de chose près ce qu’elle fait sur album, si ce n’est que l’église est à ciel ouvert, que les arrangements aussi vaporeux soient-ils prennent désormais une place plus importante et que c’est sa voix, et la sienne seule, qui occupe tout l’espace.
Acoustique brumeuse et nappes ambient oniriques soutiennent ainsi les harmonies célestes et réverbérées de l’Américaine sur The Magic Place, en écoute intégrale via NPR jusqu’à sa sortie prévue mardi. Un album qui tire son nom d’un arbre de la ferme de son enfance, dans les branches duquel elle montait se cacher loin des regards et des petits tracas du quotidien.
Et qu’il soit solennel ou plus chaleureux, c’est précisément l’effet que procure son univers en nous enveloppant dans un véritable cocon éthéré. Un univers qui de fait s’emballe rarement, exception faite peut-être de Prizewinning, enregistré chez Sufjan Stevens patron du label au chat asthmatique, lequel justement s’essayait lui-même il y a peu à ce genre d’exercice sans parvenir à faire preuve de la même évidence désarmante. Prizewinning, incursion presque tribale donc, qui marque une certaine filiation avec Panda Bear comme on aurait pu en établir d’autres avec Talk Talk pour ce foisonnement aussi feutré que majestueux, ou pourquoi pas Brian Eno, la voix envoûtante voire presque hypnotique faisant office ici de drone à part entière.
On parle de rêve et c’est justement l’occasion rêvée de vous toucher un mot de Chris Schlarb, moitié du duo free jazz/drone/noise I Heart Lung mais également rompu à l’ambient acoustique, la musique orchestrale, les field recordings ou même le post-rock. Un touche-à-tout en somme, qui signait en janvier après deux albums solo remarqués (dont l’impressionniste et mystique Psychic Temple l’an dernier avec DM Stith et Julianna Barwick parmi les choeurs, Sufjan Stevens officiant quant à lui au piano sur son prédécesseur le plus déconstruit mais non moins superbe Twilight And Ghost Stories entre autres invités issus de Black Mountain, Royal Trux, Half-Handed Cloud ou Castanets) la BO d’un jeu vidéo du style puzzle game au format forcément particulier comme vous pourrez le constater en le découvrant via Bandcamp (à croire que le dernier opus d’Oval fait déjà des petits).
Plus atmosphérique que jamais, NightSky Soundtrack, enregistré avec une poignée d’instrumentistes de tous horizons, présente ainsi 40 pistes d’une durée excédant rarement la minute voire même régulièrement inférieure aux 45 secondes pour un résultat parfois un brin redondant mais le plus souvent fascinant d’ampleur silencieuse, passant le plus naturellement du monde du drone à la musique de chambre ou de la folk à l’électro 8-bit, mais mêlant essentiellement les réminiscences d’un jazz astral hérité de Sun Ra aux arpèges solaires dignes de Jim O’Rourke d’une 12 cordes acoustique, avec pour ciment rien d’autre que ces blancs entre les pistes accentuant encore cet imposant minimalisme qui tranche quelque peu avec l’univers nettement plus luxuriant des opus précédents.
Quant à Roberto Carlos Lange que l’on citait également plus haut et dont le dernier opus en date en tant qu’Epstein est encore tout chaud, c’est sous l’identité d’Helado Negro qu’il sera de retour le 10 mai chez Asthmatic Kitty avec un Canta Lechuza enregistré aux abords d’une forêt dans le Connecticut et annoncé plus intimiste que ses collages kaléidoscopiques précédents (dont notamment le psychédélique et funky Awe Owe daté de 2009), à l’image sans doute de l’aérien Regresa, premier extrait au groove cotonneux offert par le label sur lequel la voix de notre hispanophone favori apparaît à nu comme rarement.
Pour la suite, il faudra là encore garder un oeil du côté de Bandcamp où le New-Yorkais (plus précisément de Brooklyn tout comme Julianna Barwick, dont on allait presque oublier de vous signaler le passage en France début mars) a pris l’habitude de proposer tous ses albums à l’écoute dans leur intégralité.