On avait laissé Régis Blanchard alais R$kp sur un album à la mélancolie introspective qui faisait l’unanimité au sein de la rédaction (voir ci-dessous) ; le voilà de retour avec un nouvel opus nettement plus belliqueux. 

Dès le premier titre, le ton est donné : sonorités synthétiques, rythme lent, atmosphère sombre, tout cela porté par une mélodie accrocheuse, Weird Place naviguera sur les eaux marécageuses de la trap (Bounce) porté par le vent du dub (End Trans). R$kp est en grande forme et ça fait plaisir de l’entendre comme ça. Conçu sur le principe du marabout - bout de ficelle (tous les titres s’enchaînent), ce nouvel album du producteur lotois s’impose comme une véritable somme davantage que comme une collection de morceaux. Dans la lignée de Spatial Agent ou de Dividing Eternity From Zero, Weird Place creuse le sillon hip-hop instrumental cyberpunk qui est en quelque sorte la signature de son auteur. Et propose un véritable trip interstellaire digne des meilleurs films de science-fiction des années 80 - 90 (on pense forcément à Verhoeven, à Cameron ou à Ridley Scott au fil de ces quatorze titres).

Si l’on s’en tient strictement à la musique, R$kp envoie surtout une salve d’excellents morceaux. Un carré d’as en ouverture (de Bounce à End Trans en passant par l’incendiaire Fire In), un Weird Void vertigineux, aux frontières du dub et de l’abstract, ou un Father Gucci en mode gangsta cosmique : le contrebandier de l’espace Régis Blanchard braconne son inspiration sur toutes les planètes de sa galaxie musicale. Let’s Get It, par exemple, incorpore à son étrange mixture des percussions industrielles pour un résultat des plus saisissants. Au titre des franches réussites, mentionnons aussi le très planant We Are Dust, articulé autour de synthés vintage et de caisses claires noyées d’échos aux répercussions multiples, ou encore un Wild Wind qui sonne comme l’adaptation SF d’une nouvelle de Jack London. 
 
Par un ingénieux jeu de dialogues entre les thèmes et de reprises des phrases musicales, R$kp crée un effet de résonance entre les morceaux qui donne encore davantage de liant à l’ensemble (qui n’en manquait déjà pas). Deux versions de Father Gucci (dont la première reprend elle-même le gimmick vocal de New Generation) se répondent par exemple à quelques pistes d’intervalle. Parfois, ce jeu des citations se pratique d’un album à un autre. Ainsi, la ligne de piano de Forgotten Skillz ou le synthé vocal de We Are Dust évoquent la mélancolie polaire de Baldr’s Northern Saga. Est-ce donc un hasard si l’album se clôt sur un remix de l’excellent Never Scured, brûlot revisité sorti à l’origine en single, en juillet 2021 ? 

Une chose est certaine : avec Weird Place, R$kp clôt 2024 de manière tonitruante. Cette année, le Père Noël fait sa tournée en vaisseau spatial et la distribution de cadeaux a commencé dès le mois de novembre.