Finalement avec les Tindersticks, on ne sait jamais tout à fait à quoi s’attendre, si ce n’est un bel album de chansons feutrées aux arrangements capiteux. Et encore, des chansons, pas toujours, rappelez-vous de Ypres (cf. #37 ici) ou bien sûr des nombreux soundtracks composés par Stuart Staples et sa bande pour les films de Claire Denis, les merveilleux Trouble Every Day et Nénette et Boni en tête. Passés d’une chamber pop jazzy au folk-rock psyché avec le sommet trop sous-estimé Falling Down a Mountain ou même des boîtes à rythme minimales aux accents disco sur le récent et inégal Distractions, les Britanniques ont souvent louvoyé autour de la soul, notamment sur le réussi The Something Rain en 2012, dernier opus de leur très belle trilogie sortie outre-Atlantique chez Constellation.

Une influence qu’embrasse ici sans complexe l’introductif New World, basses rondes, cuivres et orgues rétro en avant sans parler des choeurs féminins sur les refrains, un excellent titre que le groupe reprendra en version edit en guise de conclusion de ce bon disque parmi leurs petits crus disons, collection de chansons une fois de plus un chouia inégale et manquant par ailleurs d’une vraie ligne directrice et d’une atmosphère générale digne de ce nom. Ainsi, si le tendu Don’t Walk, Run, petit chef-d’oeuvre à lui tout seul entre groove imparable et orchestrations insidieuses, est tout à fait digne des plus grandes réussites du Second Album, encore magnifié par le chant toujours aussi enivrant de Staples, on ressort nettement moins emballé d’un Nancy dans la continuité du minimalisme engourdi de Distractions, du léthargique The Secret of Breathing qui certes renoue avec les ambiances de spleen nocturne chères au groupe mais sans faire d’étincelles, ou même d’un Soon to be April au romantisme un brin sacchariné... les fameux "tissus mous" du disque à n’en pas douter.

Turned My Back donne cependant envie d’en entendre davantage de la part des Anglais dans cet esprit Stax/Motown dont on parlait plus haut, tandis que le violoneux Always a Stranger fait le job en termes d’élégance fiévreuse et Falling, the Light dans une veine de comptine éthérée tout à fait charmante. Un meilleur album que le précédent en somme, mais dont on retiendra plutôt des morceaux qu’un ensemble cohérent.