En général à IRM, on aime tout ce qui sort des pattes et du micro de l’ex Grayskul et Oldominion, figure de l’underground de Seattle depuis plus de 20 ans - bon, peut-être pas tant que ça le très inégal Lore de Dark Time Sunshine qui voyait son compère Zavala délaisser les élans casse-gueule de sa ferveur maximaliste pour flirter avec un "gros son" plus aseptisé... mais allez presque tout, et puis cette dernière sortie en date posait mine de rien en 2021 quelques-uns des jalons de la réussite qui nous occupe ici.

Cette passion, à dire vrai, remonte en particulier à l’an de grâce 2008 et au chef-d’oeuvre resté sans suite du collectif The Gigantics qui le vit produire à la sauce Def Jux pour une palanquée d’indie rappeurs classieux, dont quelques-uns, à l’image de Murs aux backing vocals sur l’hypertendu Metal Mouf Gabòr, Mr. Lif et bien sûr Aesop Rock (Badminton) et Pigeon John (l’irrésistiblement lyrique Runway Spelling Bee) en featurings de luxe, remettent le couvert sur BlvckBeachBoi, formidable crossover entre ce hip-hop volontiers tribal et futuriste (Gertrude, ou Verified avec Rob Sonic) et une étonnante approche pop qui renvoie sans ménagement à leur médiocrité tous les Drake et Kanye-post-2008 de ce monde, sous l’impulsion des productions à la fois pointillistes, percutantes et planantes (voire gothiques aux entournures, cf. l’énorme Doris Day) de l’ex frère d’armes d’Oldominion et fidèle beatmaker maison, SmokeM2D6.

Meilleur exemple de cet équilibre assez miraculeux, l’increvable Glow VVorm que l’on écoute déjà en boucle et dont la mélodie vocale piloérectile de l’excellent Sadistik, mêlée aux synthés aériens, n’est pas sans évoquer un autre génie du rap mélodique, Ecid. Ils sont nombreux, les invités de marque à donner ainsi de la voix au détour d’un refrain ou d’une voix doublée, on citera en vrac Homeboy Sandman (ultradiscret au second plan du francophile The Autopsy Of Coco aux beats trap néanmoins puissants), Mestizo (sur l’hypnotique et accaparant Its Sorted), Slug d’Atmosphere (Metal Mouf Gabòr en compagnie de son compère de Felt donc), Scarub des Living Legends (le rebondissant Same Boat) ou encore Abstract Rude (Yiggy et ses choeurs enivrants), et lorsque SmokeM2D6 lâche les manettes l’espace d’un instant, c’est pour laisser place à l’inimitable Blockhead le temps du capiteux Iscariot, ou à l’excellent Rain pour le très deep et downtempo Badminton à la ligne de basse insidieuse, avec un Aesop Rock impérial au micro pour un back and forth des plus inquiétants.

Un carnet d’adresses à la hauteur du talent de Michael Sean Martinez aka Onry Ozzborn en somme, qui vient mine de rien de livrer son meilleur album en 15 ans.