Top metal 2020

2020, ses frasques, ses manifestations, son virus, ses solitudes, son désespoir exacerbé versant un pied dans la tombe, la tête en vrac et vivement... quoi ? on ne sait plus trop à force. La période est flinguée, pousse dans les retranchements et met à mal toutes les certitudes. Excepté une peut-être : la musique est d’un grand recours. Et dans son versant extrême, elle rivalise en dureté avec l’époque qui l’a vue (fait) naître : c’est peut-être quand tout va mal que les disques sont les plus beaux. La sélection crève-cœur ci-dessous (impossible de tout y mettre) le montre bien...





1. Wheelfall - A Spectre is Haunting the World

Premier de notre sélection, faisant l’unanimité parmi les métaleux de la rédaction, cet album mérite amplement cette place de choix, tant ses huit titres regorgent d’une richesse intarissable. Sorti en décembre et donc passé sous de nombreux radars, A Spectre is Haunting the World est un album qu’on ne peut appréhender d’une oreille distraite. Et même en s’accrochant à son fauteuil, le casque vissé sur le crâne, les titres défilent et une fois arrivé au bout de la course, on a l’impression d’avoir raté quelque chose. Il faut relancer la machine. Toute la galaxie des styles ayant des accointances avec le métal se déploie : métal indus, Noise, Black, Hardcore, Grind, Trash... Un insaisissable tout pour raconter l’histoire d’un citoyen au-dessus de tout soupçon qui, épuisé par la compétition sociale, décide de se donner la mort en se rendant utile, c’est-à-dire en butant le patron du FMI. Dans ce concept-album, Wheelfall nous fait vivre les derniers instants d’un type ordinaire poussé à bout par le cours ordinaire de la vie dans une société individualiste, capitaliste et déshumanisée, et chaque variation stylistique est une façon de faire l’inventaire de son état mental. Une musique tortueuse et profonde pour mimer les contours noircis d’un cerveau asphyxié. Cette écriture si dense est l’œuvre d’un seul homme, Fabien W. Furter, ex Chaos Echoes, qui sort l’album sur son propre label, No Good To Anyone, et qui semble avoir mis toute son âme dans ce projet. Pour se faire une idée de l’authenticité de sa démarche, on peut commencer par regarder ce clip : d’une radicalité exemplaire.

(Le Crapaud)


2. Convulsif - Extinct

"Extinct sonne un poil plus spontané et moins cadenassé qu’auparavant. Les Suisses n’ont pas non plus ouvert les fenêtres en grand mais ménagent désormais quelques subtiles aérations dans leur monolithe noir. La clarinette de Surround The Arm Of Revolution dessinant une mélodie, la basse esseulée et presque groovy, Swanesque, qui ouvre l’impressionnant The Axe Will Break et tout un tas d’autres moments où l’apaisement met en exergue le chaos environnant montrent bien l’épaississement en cours. Violon, clarinette, basse, batterie et électronique continuent à s’en donner à cœur joie et façonnent un maelström furieux et menaçant où se mêlent toujours des petits bouts de tout un tas de choses. Au fur et à mesure des morceaux, grind, noise, ambient, drone, metal, jazzcore et j’en passe s’emberlificotent pour un rendu systématiquement différent. Comme les titres des morceaux, cut up du Voyage du Beagle de Darwin, la musique de Convulsif apparaît plus que jamais comme un cut up de tout ce qui se fait de plus saisissant en matière de musique extrême. En apprivoisant son chaos, le groupe le rend tout simplement encore plus chaotique. Grand !"

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(leoluce)


3. Oranssi Pazuzu - Mestarin Kynsi

"Le quintette finlandais est au sommet de sa créativité et de son intensité sur ce 5e opus colossal qui m’aura presque fait oublier l’absence de Terra Tenebrosa cette année, ou la sale petite mort des splittés Ævangelist. Épique et malaisant, l’album passe de crescendos tempétueux en rituels occultes aux orchestrations déglinguées, d’errances ténébreuses en saillies hardcore aux claviers irradiés et aux drones de guitare abrasifs et lancinants, d’un post-metal massif rythmé par des arpeggiators kosmische à un space rock mythologique du côté obscur, et impressionne par sa production incroyablement lisible pour un univers dont la densité instrumentale n’a d’égale que le métissage, effluves ethniques et digressions psychédéliques nourrissant plus que jamais le post-black metal métamorphe et lourd comme une chape de plomb d’un groupe dont les élans cinématographiques bourdonnants et fiévreux doivent finalement tout autant au post-rock, voire au shoegaze qu’aux musiques extrêmes de tous horizons."

(Rabbit)

"Deux questions immédiates à la sortie de ce cinquième album des Finlandais : l’impact (et le pourquoi ?) d’une signature chez le géant Nuclear Blast ? L’impact de leur album avec les compatriotes de Dark Buddha Rising en 2019 ? On remarque vite que c’est bien plus du côté de cette collaboration cosmique que du metal grande écurie qu’ils sont allés chercher pour ce Mestaryn Kinsi, bien que les potards d’intensité soient tournés encore plus loin que dans le Waste of Space Orchestra. Le quintet creuse plus le fond qu’il ne décolle et s’embourbe dans le sombre, le chaos généré à coups de pioche dans un black metal taillé pour la transe : un épisode de SF tourné vers les entrailles de la Terre où les répétitions empruntées au kraut nous martèlent le mot ’’chef-d’œuvre’’ à l’esprit."

(Riton)


4. Uniform - Shame

"Shame, troisième album d’Uniform rompt quelque peu le paradigme industriel malaxé au shrapnel que le duo pratiquait jusqu’ici. Il faut dire que Ben Greenberg et Michael Berdan ont croisé par deux fois la route de The Body avec qui ils ont enregistré notamment le très efficace Everything That Dies Someday Comes Back et surtout, que Mike Sharp (croisé auparavant chez Trap Them entre autres) complète le désormais trio. Du coup, le bidouillage agressif un brin harsh qui inondait la musique d’Uniform n’est plus qu’un glacis qui recouvre les morceaux et le côté metal a pris les devants. Il en résulte un disque à la fois plus travaillé et plus alambiqué et si l’on reconnait toujours le punk sursaturé atavique d’Uniform - la voix de Berdan est toujours aussi trafiquée - il a incontestablement gagné en épaisseur. Au programme, du trash, du black metal, du noise-rock, du sludge et j’en passe, amalgamés à la truelle, qui donnent un disque certes un poil plus classique et carré qu’auparavant mais aussi plus efficace et toujours aussi abrasif."

(leoluce)


5. Neige Morte - IIII

Rien à faire, on est tout acquis à Neige Morte. Pourtant, rien d’accueillant, rien pour arrondir les angles et IIII est dans l’exacte lignée de Triiint mais en encore plus exacerbé, ce qui relève de la gageure tant les traits principaux étaient déjà meurtriers. Alors oui, ce disque est inscrit tout entier dans la dureté d’une époque dégueulasse qui n’en finit plus de se rétracter en-dedans pour traquer le nœud gordien de ses fautes. Il n’en fournit pas la bande son, c’est une émanation et il en faut du courage pour extirper un truc pareil de ses doigts : toujours l’amalgame black/death/noise impitoyable qui aime les chemins de traverse et injecte de la freeture dans les interstices parce qu’il faut encore rajouter de l’acide à l’acide pour atteindre le fond. Neige Morte ne fraie même pas dans le noir, il explore l’encore plus noir. Ses riffs carnassiers et biscornus, sa basse monumentale, sa batterie ahurissante et tout ce qui entoure ce triumvirat toxique (grouillements, cris, dissonances partout) se chevillent carrément à nos atomes, comme s’ils avaient toujours été là. IIII est désespéré et ne rassure pas mais ça fait bien longtemps qu’il n’est plus temps d’être rassuré.
Magistral !

(leoluce)


6. Sumac - May You Be Held

Toujours aussi métamorphe, toujours aussi dense, toujours aussi brutal, Sumac demeure un groupe à part, malaxant une musique d’une noirceur insondable. On ne saurait dire ce que joue le trio mais il est bien le seul à le jouer : partagé entre îlots de violence exacerbée et moments larvés mais déviants, rien n’est anodin dans le magma féroce de May You Be Held, comme rien ne l’était dans les albums précédents. Sumac, c’est toujours pareil mais c’est toujours différent. Tendus à l’extrême, les morceaux kaléidoscopiques se succèdent sans se ressembler, les secondes se comptent en heures et on ressent beaucoup. On passe du presque dark-ambient au drone, du drone au sludge, du sludge au hardcore et j’en passe, le plus souvent pile au même moment et cela confère au maelström une profondeur abyssale. Impossible à détailler, c’est tout à la fois flou et précis, dense et éthéré, expérimental et carré et chaque écoute efface la précédente : on retient bien les traits principaux mais le rendu n’est jamais le même. Pendant massif des explorations de Keiji Haino, Sumac est imprévisible, Sumac est grand.

(leoluce)


7. Duma - Duma

Pochette saisissante et grindcore digital qui l’est tout autant : cet éponyme cueille. Duma est un duo, Duma est kenyan et leur nom signifie « noirceur » en langue kikuyu ce qui est plutôt bien vu. À certains moments, on dirait Whitehouse (voire plutôt Cut Hands) balançant de grosses pincées de growl dans sa déjà large palette inhospitalière : cris possédés, parterre électro clou rouillé/tétanos déviant et dislocation totale enferment le corps et les neurones quand la répétition maladive agit sur les nerfs. C’est très corrosif mais aussi bizarrement accueillant - les chœurs lointains (Lionsblood), les percussions profondes (Sin Nature), les nombreuses nappes majestueuses (Uganda With Sam) - et in fine franchement hypnotique. D’un côté, Duma écorche et lacère, de l’autre, il ensorcelle. On passe un drôle de moment avec des morceaux d’apparence fugace qui s’insinuent sans crier gare et résonnent bien longtemps après que le disque s’est tu.

(leoluce)


8. Mamaleek - Come & See

"Rongés par la peur, confinés dans l’angoisse… non il ne s’agit pas du quotidien actuel face à un virus mondialisé… mais celui des habitants de l’énorme complexe Cabrini-Green de Chicago construit au lendemain de la guerre et détruit en 2011, ghettoisés au sein de logements sociaux insalubres où règne la violence des gangs. Cas d’école socio-économique, symbole de ségrégation, mais aussi théâtre de la légende du Candyman de Bernard Rose et désormais théâtre de l’art noir protéiforme de Mamaleek. De San Francisco à l’Illinois, du black metal au blues cinglant, le duo se renouvelle encore et encore après les claques Out of Time et Cadejos et souffle une atmosphère de cabaret crasseux où la basse et la batterie groovent tête baissée au milieu de riffs plaintifs et mélancoliques, les résidus de façades amiantées broyés à force de cris. Come & See … tout est dit."

(Riton)


9. Akhlys - Melinoë

Désormais entouré semble-t-il d’un véritable groupe, Naas Alcamet de Nightbringer revient 5 ans après avec le second opus d’un projet que l’on comparait déjà à l’époque de The Dreaming I avec Terra Tenebrosa ou feu Ævangelist pour pour la densité de ses déluges black abyssaux et malaisants mâtinés d’atmosphères occultes. Sur Melinoë rien n’a changé ou si peu, l’univers de l’Américain est toujours aussi épileptique et texturé à la fois avec la petite incursion qui va bien dans un dark ambient ésotérique, froid et retors comme une crypte habitée par quelque esprit mauvais (Succubare), le genre de disque dont les éléments pris à part - blast beats, grunt de sorcier et piles de guitares menaçantes en l’occurrence, une formule somme toute classique pour le genre - ne sauraient rendre justice à la somme des parties, sublimée dans les limbes de l’anti-monde par une production irradiée.

(Rabbit)


10. Sightless Pit - Grave of a Dog

"On savait ces trois là (à savoir Lingua Ignota, Lee Buford de The Body et Dylan Walker de Full Of Hell) déjà bien copains mais l’annonce d’un album en trio a fait l’effet d’un véritable cadeau de début d’année. Maintenant que l’objet est dans nos oreilles, les paillettes aux yeux que nous avions se sont vite transformées en poussières de charbon. Grave of a Dog semble explorer le tournant cauchemardesque d’une séance de spiritisme vers les limbes poisseuses, noyées par les larmes noircies des protagonistes, parées d’un décorum baroque et horrifique fait d’orgues et de pianos cérémonieux, de hurlements torturés, de pulsations massives... Un grand disque à frissons !"

(Riton)

"Il ne faut pas plus de quelques secondes pour que la mélopée qui ouvre l’introductif Kingscorpse vous colle le frisson, avant le tabassage en règle d’un metal-indus martial et saturé au gré duquel Kristin Hayter saute allègrement de l’élégie chorale à la frustration d’un grunt de sorcière assoiffée de sang. Le premier opus de Sightless Pit est tout entier à l’image de ce titre, capable d’accommoder la rage la plus véhémente d’éléments subtilement évocateurs, des synthés rétro-futuristes gondolés par le temps du torturé Immersion Dispersal aux cordes baroques de soundtrack horrifique de Whom The Devil Long Sought To Strangle en passant par le spleen gothique des claviers du tribal The Ocean of Mercy ou les pianotages neurasthéniques de l’étouffé Violent Rain. Une idée de la musique extrême qui doit en somme énormément, comme en témoigne la terrassante complainte post-classique du lancinant final Love Is Dead, All Love Is Dead, à la décidément impressionnante Lingua Ignota."

(Rabbit)


11. OvO - Miasma

"Le duo transalpin continue de tracer son chemin à la croisée du metal, de la noise, et de la musique industrielle qui commence à prendre le dessus sur ce Miasma aux rythmiques froides et désincarnées voire carrément martiales (Testing My Poise), contrebalancées par le grunt de goule toujours aussi vénéneux de Stefania Pedretti. Les inconditionnels des débuts du groupe continueront probablement de regretter la lo-fi marécageuse et déglinguée des premiers opus mais devant la belle densité de ces productions badigeonnées de guitares abrasives et de nappes sépulcrales, je reste pour ma part plutôt impressionné par l’évolution des Italiens, dont l’équilibre culminait il y a 7 ans sur l’immense Abisso."

(Rabbit)

"Épanchement de miasmes en provenance d’Italie... hasard du calendrier ou non, OvO tend le miroir au visage d’un monde vérolé de l’intérieur où les résonances malsaines risquent ici d’atteindre très vite le stade épidémique chez les fragiles du tympan. Stefania Pedretti et Bruno Dorella, à la fois au meilleur et au plus mal de leur forme, fêtent 20 ans d’expérimentations avec un 9ème album monstrueusement abouti où la cérémonie noise-punk prête à ses rituels des airs d’EBM viral et de sludge rampant inédits jusqu’alors."

(Riton)


12. Mr. Bungle - The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo

Un des albums les plus attendus, une reformation qui fait frétiller bien des bassins, un projet complètement fou, une des meilleures choses qui soient arrivées en 2020 : Mr Bungle réinterprète aujourd’hui une démo enregistrée en 1986. Accompagnés du guitariste Scott Ian de Anthrax et du batteur Dave Lombardo de Slayer, les trois membres fondateurs du groupe culte californien, Trey Spruance, Trevor Dunn et Mike Patton se sont retrouvés pour redonner vie à ces tout premiers morceaux, qui, depuis longtemps, traînaient salement sur des cassettes, des CD-R et plus récemment, sur Youtube. On s’étonne de pouvoir reconnaître les morceaux quasiment à la note près. Le son de cette nouvelle version, brillant et gonflé à bloc, est évidemment très éloigné des versions originales, qu’on pouvait vaguement distinguer, en penchant l’oreille. La grosse caisse est cette fois-ci omniprésente. Les guitares sont bien moins cradocs, mais tout aussi grasses et tranchantes. La basse claque sec quand elle vrombissait au fond. Enfin, on n’a plus l’impression que Patton a enregistré ses voix dans une salle de bain.
La classe avec laquelle ils rejouent cette musique, inspirée par la jeunesse, impressionne. Sans forcer, tout paraît si simple et si parfaitement envoyé. Comme si c’était dans leur ADN. On se demande si toute la période connue de Mr Bungle, celle qui les a fait sortir de la cave, n’a pas été que l’ entracte (ou l’Anthrax ?) de leur carrière de Trash Metal. Au point où on se demande s’ils n’ont pas un peu perdu ce ce qui faisait leur originalité. Le délire du Speak English or Die rappelle qu’on a bien affaire au Mr Bungle qu’on connaît, en mélangeant le morceau Hypocrites avec une reprise décalée de S. O. D. et en finissant avec un sifflement comme Patton les affectionne tant chez Fantomas (ou comme il faisait il n’y a pas si longtemps sur l’album avec Jean-CLaude Vannier). Mais ils n’ont pas gardé la partie Ska du morceau d’origine. En ont-ils honte, aujourd’hui ? Sur Spreading the Thighs of Death aussi, on a l’impression que la folie n’est pas là. Mais peut-on mettre la même folie dans un album enregistré à l’adolescence et lorsqu’on le réinterprète 30 ans plus tard ? En fait, ce qui est fou, c’est d’avoir refait cet album. Et de le faire si bien, après tant d’aventures passées ailleurs, tout en sachant que chacun retournera à ses pénates par la suite. Que ce soit pour faire plaisir aux fans ou se faire une nouvelle jeunesse, c’était jouissif pour tout le monde et c’est tant mieux !

(Le Crapaud)


13. Hagetisse - Seven Sorrows of the Virgin

"Je n’ai malheusement pas trouvé le temps de poser l’oreille sur tous les side projects de Mories (Gnaw Their Tongues) cette année, mais parmi ceux qui auront su trouver le chemin de mes platines, c’est ce cinquième opus de Hagetisse qui m’a fait la plus belle impression. Un black metal à la fois mécanique et vénéneux, minimaliste dans ses tructures et ultra-dense dans ses textures, qui n’a pas du tout la pitié que laisse imaginer sa pochette religieuse pour nos oreilles blasphématoires mais injecte néanmoins quelques lamentations plus mélodiques dans son amas de guitares abrasives et de blast beats véhéments, et même une imprécation instrumentale via le liturgique Omne Malum A Deo."

(Rabbit)


14. DVT - To The Great Monolith II

Grosse découverte pour ma part que ce duo suisse au black metal doomesque et - forcément - monolithique où tout semble étouffé sous des couches de guitares papier-de-verre et un linceul de bourdonnements et de grondements orageux, jusqu’à un final où la batterie se fait soudainement plus tangible et où le growl perce enfin ce voile d’outre-tombe pour déverser ses tourments dans notre dimension. Quatre longs titres immersifs, caverneux, d’une densité accaparante, où l’atmosphère prévaut sans pour autant que le tempo ne nous relâche plus de quelques instants au détour d’une intro mystique ou d’un chœur rituel, DVT (aka "Death. Void. Terror.") fait déjà preuve d’une identité forte sur ce deuxième opus, suite directe de cette première réalisation plus brouillonne dans sa production mais néanmoins recommandable.

(Rabbit)


15. Infant Island - Beneath

Découverts la même année grâce à l’énorme EP Sepulcher, qui lorgnait alors allégrement vers l’emoviolence des grands, le screamo des costauds, d’Orchid à Pg.99 en passant par City Of Caterpillar, et présentait un hardcore sans concessions, distributeur de mandales et exaltant. La recette est cependant revisitée pour ce Beneath à grandes cuillerées de blancs en neige pour un résultat aérien et aéré, aux accents post-rock, où chaque retour aux sources fait office de coup de massue bien placé, cathartique et affolant. La multiplication d’interludes éthérés semble certes au premier abord délayer le propos mais n’empêche pas la jeune formation d’impressionner et de déjà se hisser, après 4 années d’existence, au niveau de grands noms du genre.

(Riton)



16. Fawn Limbs - Sleeper Vessels

Seconds ici même l’an passé, les artilleurs pennsylvaniens impressionnent peut-être un peu moins avec ce deuxième long format (l’effet de surprise ne jouant plus pour eux) mais ne déméritent pas pour autant. Toujours aussi organisé dans son chaos, disloqué dans ses tempi en montagnes russes, dissonant dans ses guitares, grind aux entournures dans ses emballements (cf. ce Subtle Abuse de 47 secondes) et le growl des passages le plus véloces, Sleeper Vessels ménage aussi de drôles d’effets de décélération électroniques et surtout de petits semblants d’accalmies bienvenus, jamais sur un morceau complet, faut pas déconner non plus mais juste de quoi rendre l’album un peu moins épuisant aux écoutes répétées et tabler sur la longévité d’un projet qui après 4 EPs, une compil et deux longs formats en trois ans, semble décidément être là pour durer !

(Rabbit)


17. Caustic Wound - Death Posture

Attention ! Nous voilà ici en présence d’un des meilleurs albums de grindcore de 2020, aux côtés du Grieving Birth d’Internal Rot et du Woke de Meth Leppard. Death Posture est le premier long format de cette formation de luxe emmenée par le chanteur Clyde Lindstrom (Fetid, Cerebral Rot), le batteur Casey Moore (Magrudergrind) et les 3/4 de Mortiferum en "section cordes’’ pas venue pour faire la fête. Rejeton moderne de Carcass période Reek of Putrefaction et de Repulsion, Caustic Wound dégouline de pus par tous les pores, sans trop jamais verser dans le gore. C’est la poussière de crust et les odeurs de punk qui animent ces relents death taillés autant pour les planches de l’Obscene Extreme tchèque que celles du Kill-Town Death Fest finlandais.

(Riton)


18. Ulcerate - Stare Into Death And Be Still

6ème album et toujours parmi ce qui se fait de mieux en la matière… Ulcerate poursuit son parcours sans céder aux appels du pied du revival old-school de ces dernières années quasi omniprésent (et néanmoins bourré de charme) au sein de la famille metal de la mort. C’est toujours du côté progressif 4 étoiles que le propos nihiliste du trio néo-zélandais emprunte ses chemins de traverse : technique mais jamais usant, mélancolique mais jamais plaintif, aérien et définitivement exigeant, dense… et c’est à force de creuser très fort dans le sol depuis leur île que les anciens pensionnés de chez Relapse sont arrivés jusqu’à notre meilleur ambassadeur du chaos, Debemur Morti, pour s’y poser comme dans un écrin naturel.

(Riton)


19. Old Man Gloom - Seminar VIII : Light Of Meaning

Aaron Turner, ces temps-ci, est plutôt au sommet de son art avec Sumac qu’avec ce quintette dont l’inspiration culminait peut-être bien en 2012 sur un NO brutal et sépulcral à parts égales, à moins de pencher pour ce ditpyque qui n’a pas grand chose à lui envier. Pour preuve, un Seminar IX : Darkness Of Being en pilotage automatique qui n’a pas vraiment réussi en mai dernier sa transition stoner/hard-rock/hardcore. Heureusement, son "prédécesseur" et faux-jumeau sorti le même jour, Seminar VIII : Light Of Meaning, a su quant à lui retrouver juste ce qu’il fallait d’équilibre entre atmosphères poisseuses et violence électrique, avec déjà une petite incursion dans le bain d’acides du stoner mais pas dégueu celle-là (Calling You Home) et surtout un final crasseux, déstructuré et dissonant à souhait dont on aurait aimé qu’il donne le ton de tout l’album... mais franchement, sachant que le bonhomme a déjà une entrée en 6e position de ce top avec le sus-nommé trio, difficile de faire la fine bouche et bouder le plaisir de retrouver ses riffs et son chant guttural sur une autre sortie de qualité, d’autant moins qu’il s’agira sûrement d’une des dernières apparitions discographiques du regretté bassiste Caleb Scofield (Cave In), décédé dans un accident de la route en 2018.

(Rabbit)


20. Le choix de Rabbit : Sterileprayer - Accepting the New Normal

"Projet de l’Américain Scott Rozell (Scatterbox), Sterileprayer est assurément l’ovni des musiques extrêmes de cette année 2020. Il y en a toujours un certes, mais celui-là tape assez fort dans le genre inclassable, et pas seulement sur le papier via une liste d’invités où l’on retrouve notamment le harsh-noiseux californien Jay Gambit aka Crowhurst sur le forcément très bruitiste Reviled (Earth Sick), Blake Harrison de Pig Destroyer sur le dronesque Arch, le vocaliste d’Oxbow (entre autres) Eugene Robinson qui habite entre râles et spoken word halluciné le sépulcral Backward Infinite, ou notre platiniste national Philippe Petit le temps d’un Vivisect zébré de boucles électroniques et de distorsions psyché. Ajoutez à cela un Blindfold au doom volatile presque vaporeux à la Nadja, l’ambient élégiaque de Painful Admissions et le crescendo saturé de Oath, et l’on pourrait avoir affaire à un fourre-tout sans queue ni tête... si ce n’était cette dimension tourmentée de journal intime de souffrance et de rédemption qui donne à l’album sa ligne directrice et son âme."

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20. Le choix de leoluce : Shit & Shine - Goat Yelling Like A Man

Quand les chèvres hurlent comme les hommes, c’est pas bien joli mais c’est purement sidérant. Avec ses guitares ultra-lourdes débitant du riff-tronçonneuse en explorant tout le bas du spectre, ses bidouilles dégueulasses, ses samples iconoclastes et ses voix trafiquées, le nouveau Shit & Shine poursuit l’entreprise de destruction massive des neurones qui veulent bien accueillir le magma terroriste et salement métamorphe (avec eux, l’inconfort revêt des styles toujours différents) que le groupe exsude depuis bientôt quinze années. Craig Clouse et ses sbires s’en donnent à cœur joie et nous, en face, on encaisse. Mais voilà, malgré tout le chaos, toute la folie et l’extrême abrasivité dont fait preuve Goat Yelling Like A Man, le disque cueille et, comme toujours avec Shit & Shine, on trouve au coeur du maelström complètement taré une forme de poésie qui touche en profondeur.



20. Le choix du Crapaud : Touché Amoré - Lament

C’est un album qui m’a accompagné durant toute la fin de l’année. Dans sa mélancolie juvénile et sa brutalité convenue, il m’a permis de redevenir un peu adolescent. Dans mes nombreuses écoutes, cette nostalgie faisait écho au désespoir qu’on est beaucoup à ressentir, de pouvoir bientôt assister à un concert, le corps intégralement moite et oscillant, à 30 centimètres du chanteur, buvant ses miasmes et ses paroles, tenant une pinte en plastique généreuse avec le pavé, chantant des paroles inconnues dans un micro par tout le monde souillé. Reproduire la scène seul chez soi est beaucoup moins glamour. Sorti chez Epitaph et produit par Ross Robinson, Lament, cinquième album du groupe californien mené par Jeremy Bolm semble tout droit sortir de l’année 2000. Rien n’y est vraiment neuf, mais tout y est bon. Le post-hardcore emo et screamo, comme il faut ! Son titre résume l’effet qu’il produit : une plainte solitaire qu’on voudrait collective.



20. Le choix de Riton : Imperial Triumphant - Alphaville

Il est des disques si exigeants pour lesquels même l’écoute répétée, aussi attentive soit-elle, ne permet d’en dire trop. Alphaville, quatrième album des New-Yorkais d’Imperial Triumphant est l’un de ceux là. Entre ses borborygmes incantatoires et ses ambiances menaçantes formées d’amas d’extrêmisme sonore diabolique et de jazz aride, le disque met le tympan rudement sur le qui-vive. Sordide polar urbain, poisseux et électrique, qui mute en cacophonie effrayante, il évoque autant l’agoraphobie de grandes avenues aux néons aveuglants que l’angoisse des petites allées sombres. C’est l’Alphaville protéiforme de Godard et de l’agent Lemmy Caution, mais aussi le Metropolis de Fritz Lang (auquel le trio, à en croire ses visuels, ses accoutrements et décors de scène, voue un véritable culte) dans une version nettement plus décadente. C’est aussi leur album le plus facile, le plus évident, le moins contrasté et foutraque (comparé notamment à l’excellent Vile Luxury), mais aussi certainement le plus ambitieux et le plus passionnant. J’ai finalement réussi, et le groupe aussi...