Deerhoof - Friend Opportunity
Redevenus trio, les "Runners Four" en ont profité pour glisser un peu de pop dans leur rock dissonant et destructuré, et finalement c’est pas plus mal.
1. The Perfect Me
2. +81
3. Believe E.S.P.
4. The Galaxist
5. Choco Fight
6. Whither the Invisible Birds ?
7. Cast Off Crown
8. Kidz Are So Small
9. Matchbook Seeks Maniac
10. Look Away
S’il a fallu attendre 2003 et Apple O’ pour que les américains de Deerhoof fassent un tant soit peu parler de leur musique psychédélique et barrée, Friend Opportunity n’en est pas moins le 8ème album de ce groupe à géométrie variable. Formé à San Francisco en 1994 par Rob Fisk et Greg Saunier, et resserré depuis 1999 autour de ce dernier, batteur de son état, de la chanteuse et bassiste originaire de Tokyo, Satomi Matsuzaki et du guitariste John Dieterich, le trio s’était élargi en quatuor le temps de The Runners Four, épaulé pour l’occasion par leur ami Chris Cohen reparti depuis se consacrer à ses Curtains.
Avec ce nouvel album paru une fois encore sur le mythique label Kill Rock Stars, Deerhoof s’affirme, et ce dès l’ouverture sur l’orgue et les percussions déjantés de The Perfect Me, comme l’un des tout meilleurs groupes de rock psyché actuels. Une étape a été franchie : en injectant juste ce qu’il fallait de mélodies directes et de rythmiques entraînantes, en travaillant un peu la production et la profondeur du son, le trio est parvenu à rendre sa musique plus accessible sans pour autant renier sa singularité ni remettre en question sa passionnante propension à partir dans tous les sens.
Ainsi, +81, parfait single, s’ouvre sur des cuivres à la Burt Bacharach et une fanfare allumée puis vire rock’n’roll aussi sec, avant d’enchaîner avec un refrain pop pour finalement laisser libre cours à des digressions électro et jazzy, multipliant par la suite les allers-retours entre ces différentes aspirations. Une guitare toute droit sortie d’un album des Pixies se balade sur l’emballant Cast Of Crown, tandis que Greg Saunier prend le chant d’une voix douce et mal assurée quelque part entre Thurston Moore et Benjamin Gibbard. Believe E.S.P., après une ouverture rock tribale à la sauce Timbaland, se transforme en chanson de baladin du moyen-âge bientôt teintée de percussions claires atonales et fantomatiques rappelant le Danny Elfman d’A Simple Plan, puis d’une électro bruitiste qu’on retrouvera plus tard sur Choco Fight, entre deux éclaircies teintées de clavier façon orgue classique.
Plus généralement, l’instrumentation rock du groupe a gagné en métissage : percus, cuivres, piano, claviers et électro donnent à l’ensemble des changements de couleurs enthousiasmants. Pour preuve, la guitare acoustique onirique qui ouvre The Galaxist, tranchant radicalement avec le son rèche de l’album précédent, le mélancolique Whither The Invisible Birds ?, presque lyrique par moments et dans lequel piano et claviers rivalisent avec le chant rêveur de Satomi pour toucher au coeur, Matchbook Seeks Maniac, qui commence comme une chanson des Ronettes avant de partir en rock-planning, ou encore le jouissif Kidz Are So Small, délirante parodie des Neptunes et consorts qui les renvoit en moins de deux minutes au placard dont ils n’auraient jamais dû sortir.
Mais à peine le temps de dire ouf que c’est déjà fini (© le Caribou du Nord). Alors, un virage "pop", ce Friend Opportunity ? On pourrait presque oser le mot, même si Look Away, longue dérive angoissée virant au cauchemar éveillé mais d’où naît finalement l’espoir, vient clore l’album en parfait contrepied aux chansons très courtes et accrocheuses qui le précédaient. Allez, disons un grand OVNI pop, alors : d’un côté, aussi concis qu’ Apple O’ mais moins dissonant et déstructuré, plus aérien et accrocheur, de l’autre, aussi passionnant que les plus grands moments de The Runners Four par ses mélodies vocales tordues, ses expérimentations bruitistes et ses contrepieds musicaux sortis d’on ne sait trop où, Friend Opportunity est bien plus que la synthèse, l’aboutissement des explorations musicales de Deerhoof.
+81 est en écoute sur la page myspace du groupe, ainsi que trois extraits d’albums et EP précédents : idéal pour découvrir Deerhoof.
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