Shearwater - Palo Santo
Après avoir décollé à l’écoute de Winged Life, le superbe troisième album de Shearwater dont il est difficile de redescendre, quel plaisir de découvrir les nouveaux paysages folk proposés par le groupe sur son dernier opus Palo Santo.
1. La Dame Et La Licorne
2. Red Sea, Black Sea
3. White Waves
4. Palo Santo
5. Seventy-Four, Seventy-Five
6. Nobody
7. Sing, Little Birdie
8. Johnny Viola
9. Failed Queen
10. Hail, Mary
11. Going Is Song
Et je ne m’attendais pas à un tel voyage. Autrefois si tranquille, l’oiseau des mers a décidé de quitter les rivages afin de nous transporter au gré de ses aventures vers des contrées intérieures inconnues et pourtant rassurantes. Il traverse les forêts de pins pour atteindre cette lueur que l’on aperçoit au loin. Et de lumière, on peut en parler sur chacune des chansons de Palo Santo. D’ailleurs, même si celles-ci prennent toujours de la hauteur, elles gagnent en variation et en rythme sur cet album. Se laissant porter par les courants ascensionnels ou désirant surprendre par des directions moins apprivoisées, Shearwater a très sûrement trouvé la voie qui mène vers les sommets, vers la lumière.
Cette nouvelle tendance avait déjà été entrevue avec le sublime EP Thieves qui contient des titres issus pourtant des même sessions d’enregistrement de Winged Life. D’ailleurs, cet oiseau à l’image de Jonathan Meiburg se montrait déjà plus aventureux et désireux de s’émanciper. Ce n’est sans doute pas une coïncidence si ce dernier se retrouve aujourd’hui l’unique chanteur du groupe, Will Sheff préférant rester en retrait. Libéré, Jonathan Meiburg s’affirme et montre ainsi toute l’étendue de son chant qui est un des plus émouvants à l’heure actuelle. De sa voix angélique, il est capable de passer d’un moment de grâce et de plénitude à d’autres plus enlevés et enfiévrés à la manière de Mark Hollis chanteur de Talk Talk. Mais il ne faut pas évidemment laisser de côté les mélodies du quintette qui épousent parfaitement les émotions du chanteur. Tantôt acoustiques, tantôt électriques, elles vont le plus souvent droit au cœur. Et j’ai beau avoir écouté ces ritournelles des dizaines de fois, j’y découvre à chaque fois un nouveau coin perdu, un paradis caché, une sensation oubliée, et mille autres merveilles inattendues.
Avec La Dame et La Licorne, Shearwater sort de l’ombre tout en douceur au son des notes de piano cotonneuses accompagnant la voix falsetto de Jonathan Meiburg qui va pouvoir ainsi prendre son envol sans que l’on s’y attende. De ce premier morceau envoûtant et mystique, nous voilà transporté dans une toute autre atmosphère avec l’entraînant Red Sea, Black Sea au rythme des coups de batterie, sorte de transe endiablée sur laquelle les cris et l’électricité veulent prendre le dessus.
Loin d’être linéaire, la musique de Shearwater aime surprendre et se nourrit de toutes les influences profondes américaines, réussissant à les marier avec magie. C’est sur White Waves qu’elle se rapproche du blues avec une guitare quelques peu rugueuse ou sur des titres comme Palo Santo ou Nobody qu’elle rend hommage aux ballades folk mélancoliques de Nick Drake, avec des arrangements tout en finesse. Seventy-Four, Seventy-Five est sans doute le morceau le plus pop avec sa ligne mélodique de piano entêtante, mais tout en osant l’aventure sur des territoires plus accidentés et plus électriques qu’autrefois. Cette nouvelle orientation plus tendue du groupe est d’ailleurs parfaitement illustrée sur le superbe Hail, Mary qui s’élève progressivement jusqu’à se terminer dans des déluges bruitistes aux multiples couches d’instruments.
Mais le groupe est loin d’avoir oublié son passé avec les complaintes folk épurées Song Little Birdie et Failed Queen qui montrent encore que la simplicité est tout aussi touchante et poignante. Sous forme d’adieu, Going is Song clôture l’album en nous ramenant sur la terre ferme en toute légèreté et discrétion.
Ainsi avec cet album, Shearwater ne devrait plus rester dans l’ombre de Okkervil River, l’autre formation des compères Will Sheff et Jonathan Meiburg, dans laquelle les rôles sont cette fois inversés. Palo Santo réussit clairement à rivaliser avec le remarquable Black Sheep Boy sorti en 2005. D’ailleurs il faut souligner que Shearwater existait avant Okkervil River et mérite donc tout autant de se retrouver en pleine lumière. Quoiqu’il en soit, la ville texane d’Austin a la chance de posséder deux groupes d’exception qui ne manqueront pas de nous ravir de nouveau dans les prochaines années.
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