Le streaming du jour #1700 : Water Music - ’Voids’

MJ Barker est rapide. Il publie aussi vite de nouveaux disques sur sa page Bandcamp qu’il les retire lorsqu’il n’en est pas pleinement satisfait. Aussi, il avait pu diffuser l’EP Rings et le 12" King/Beyond désormais introuvables pour ceux qui ne s’étaient pas procurés ces productions au moment de leur éphémère diffusion.

Avec Void, MJ Barker dévoile huit compositions dont certaines figurent sur ces deux œuvres qu’il renie aujourd’hui, au moins dans leur forme originale. Cela donne une certaine idée du perfectionnisme de l’artiste tant ces compositions véhiculaient une émotion palpable. Ainsi, outre King, qui figurait évidemment sur King/Beyond, El Dorado et Rings apparaissaient sur l’EP portant le nom de ce dernier titre.

Génie qui s’ignore, l’Australien s’étonne encore, sans fausse-modestie, de voir des inconnus écouter sa musique. Plus atmosphériques que mélodiques,
les compositions du Melbournais dégagent ce spleen qui n’est qu’un faux-semblant permettant de trouver une forme de sérénité. MJ Barker n’est pas le loup solitaire qu’il paraissait encore être il y a quelques années. Ses nombreuses contributions collectives en témoignent, d’un Ute Root déchaîné mais trop brutal pour apprécier toute sa sensibilité, au projet The Gipsy Curse qui trouvera nécessairement sa place un jour dans notre rubrique des chefs-d’oeuvre oubliés.

L’Australien cache une facette plus avenante que ce que ses productions pourraient laisser augurer et sa fibre artistique parvient à dompter et canaliser des pulsions négatives que tout un chacun est condamné à éprouver à un moment quelconque. Ainsi, la réverbération sur El Dorado constitue une armure dont l’objectif est de protéger l’artiste des missives émanant de l’extérieur autant que de ses propres tourments. Au final, une confusion des sentiments émerge et l’on ne sait plus ce qui prend le dessus entre un spleen évident et la quête d’un utopique eldorado en trompe-l’œil.

Lorsque l’horizon est particulièrement maussade, comme sur Life, la similitude avec Mark Linkous est toujours évidente et renforcée par sa tendance à susurrer ses tourments autour d’atmosphères nostalgiques assurées par la guitare en bois. Des frissons accompagnent en permanence ces missives dépouillées mais percutantes. La voix nasillarde et bouleversante de l’Australien accompagne une guitare en bois, parfois soutenue par une autre électrique ou des parties rythmiques (King). Mais l’émotion n’a d’égale que la justesse de ces ambiances qui prennent leur temps pour dompter et captiver l’auditeur avant de le propulser vers un océan de désespoir.

Voids devrait malheureusement être la dernière production de Water Music sous cet alias puisqu’il indique que "il est temps de passer à un nouveau nom et un nouveau projet après onze albums, deux vinyles et sept années". Dans le même communiqué, MJ Barker a trouvé la phrase ultime pour résumer l’essence même d’une discographie cohérente de bout en bout, jusqu’à cette sortie poignante et resserrée. Ce projet est tellement personnel, touchant chacun des auditeurs dans sa chair la plus profonde, que l’on ne pouvait de toute manière pas le priver de le conclure avec ses mots : "tout ceci n’a été écrit que pour être écouté par une personne à la fois".


Streaming du jour - 24.10.2017 par Elnorton
... et plus si affinités ...
Water Music sur IRM - Bandcamp