Dead Rabbits - Everything Is A Lie
Débarquant du sud de l’Angleterre, les Dead Rabbits convoquent le Jesus & Mary Chain de Darklands en y injectant une vibration post-punk. Envoûtant.
1. Everything Is a Lie
2. Honestly
3. Get Me Over There
4. All Your Little Lies
5. Someday
6. I Don’t Want To Die Today
7. That Was Then But This Is Now
8. You Already Know
Un tempo léthargique, des guitares plombées, de l’écho, de l’écho et de l’écho, des lignes de basses mortifères, des claviers qui suivent le même chemin et une voix noyée dans l’éther, tout à la fois floue et précise, voilà pour l’essentiel. Des mélodies malines exhalant un spleen typiquement insulaire, s’agrippant au cortex dans toute leur belle imperfection, voilà pour la fioriture. À moins bien sûr que ce ne soit l’inverse. On ne sait pas trop. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’Everything Is A Lie montre une nette tendance à hanter la platine sans qu’on ne lui ait rien demandé. Complètement psyché, dramatiquement shoegaze, il amalgame les deux sans pour autant se montrer le moins du monde invertébré. Un exploit ! Le titre éponyme balancé en ouverture permet de poser les bases qui seront développées par la suite : des riffs patraques, une rythmique délavée, la voix mi-mordante mi-résignée, presque cinq minutes d’ondes grossièrement sculptées pour aboutir à un titre qui tient miraculeusement debout. Le même climax maintenu tout du long, Dead Rabbits positionnant son curseur tantôt au plus près de la ritournelle pop et faussement carrée (Honestly, Someday), tantôt quelque part dans la nébuleuse psyché (Get Me Over There, All Your Little Lies) sans jamais se départir de ses mélodies qui apportent ce qu’il faut de liant à une ossature par ailleurs majoritairement indéfinie. Les morceaux ont beau se montrer flous, il y a toujours quelque chose qui vient repasser les bords au gros feutre noir pour qu’on puisse en cerner le dessein et dans le même temps, dès que l’architecture devient par trop orthogonale, un break inattendu, une déferlante psycho-plombée et que sais-je encore viennent vite effacer les repères, maintenant Everything Is A Lie dans un entre-deux qui lui sied parfaitement.
En sus, outre le mélange psycho-shoegaze majoritairement pratiqué ici, les cinq Anglais aiment parsemer leur mixture d’accents post-punk élégants qui confèrent une mélancolie diffuse à l’ensemble (la ligne de basse d’I Don’t Want To Die Today ou les claviers entêtants de You Already Know en sont, par exemple, la preuve manifeste). Parfaitement équilibré entre arrachage et grosse fatigue, espoir et idées noires, mélodie et bruit partout, Dead Rabbits sait ce qu’il veut, veut ce qu’il fait, fait ce qu’il sait. Il faut dire qu’il ne s’agit pas de son galop d’essai et que le groupe a déjà posé les bases d’Everything Is A Lie sur deux albums qui, eux aussi, valent le détour : The Ticket That Exploded (2013) et Time Is your Only Enemy (2014). Celui-ci apparaît comme étant toutefois un brin plus sombre et moins monolithiquement psyché, la basse associée aux claviers précipitent souvent les morceaux dans les tréfonds et la batterie tape ce qu’il faut pour qu’ils y restent une fois arrivés là. Finalement, ce sont les guitares et la voix qui leur confèrent l’énergie leur permettant de rester en périphérie de l’ombre et de la lumière. Un clair-obscur particulièrement chiadé qui apporte une belle densité au gestalt des lapins morts. Dès lors, rien n’y fait, on a beau avoir déjà entendu tout cela du côté des Spacemen 3, de Loop ou du Brian Jonestown Massacre par exemple, le charme agit comme au premier jour. D’autant plus que le côté arachnéen (voire carrément moribond) et très introspectif apporte une vraie singularité à Everything Is a Lie, lui permettant de s’extirper sans mal de la masse bruitiste. Un troisième effort où les Dead Rabbits semblent s’être trouvés pleinement, avançant à poil sans se planquer systématiquement derrière une fuzz conquérante. On pourrait dès lors leur reprocher de ne pas assez montrer les crocs mais pas du tout : des titres comme Someday, Get Me Over There, I Don’t Want To Die Today ou That Was Then But This Is Now (liste non exhaustive), tout à la fois sensibles et massifs, sont d’envoûtantes réussites.
À paraître chez le très alerte Fuzz Club, Everything Is A Lie devrait ainsi ravir les amatrices/-eurs de vapeurs psychotropes à même d’ouvrir un troisième œil bien singulier. Tout à la fois dirigé vers l’intérieur du corps et le monde qui l’entoure pour en scruter les multiples hématomes.
De la belle ouvrage.
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