Zëro - San Francisco
Une fois de plus concis, San Francisco montre un Zëro prototypique dans ses envies d’exploration et d’ouverture.
1. Last Bills For Lapdance
2. Ich… Ein Groupie
3. Lac Baïkal
4. The Drum Thing
5. Boogie Tango Thrill
6. Cracking
7. Jed / Snowdog
8. Cheap Dream Generator
9. San Francisco
De Places Where We Go In Dreams, Zëro n’a gardé que le monochrome, la dichotomie et la concision. Cette fois-ci, la pochette est rouge mais renferme toujours des morceaux tiraillés entre élans cinématographiques et fulgurances noise, tour à tour oniriques et tendus et l’ensemble est plutôt ramassé dans le temps. En revanche, le désormais trio (Eric Aldéa, Franck Laurino et Ivan Chiossone) affirme son côté pop en ménageant des enclaves de plus en plus apaisées et parfois même éreintées qui mettent en exergue les titres plus abrasifs, à moins que ça ne soit l’inverse. Dès lors, le disque a beau être court – trente-cinq minuscules minutes qui s’en vont bien vite – on a vraiment l’impression d’un voyage au long cours, d’autant plus que l’on sent bien que l’articulation de la tracklist a fait l’objet d’un soin particulier.
Ça n’a d’ailleurs pas dû être une mince affaire de distribuer des morceaux aussi disparates que Lac Baïkal, plutôt posé et synthétique, Cheap Dream Elevator, très pop (voire virevoltant) et Cracking par exemple, plus prototypique de Zëro et donc plus incisif, sans rompre le paradigme. San Francisco conserve pourtant son atmosphère floue et inquiète tout du long, semblant naître du brouillard dont les volutes énigmatiques habillent la moindre nuance. Triturant en permanence la matière sonore, ce cinquième album est tout à la fois indivisible et éclaté. Il présente également tous les atours du disque-somme reprenant les différentes facettes exposées jusqu’ici, depuis le Joke Box inaugural, voire bien avant (Deity Guns et Bästard ne sont jamais loin), mais également nombre de facettes exposées ailleurs (en particulier chez Narcophony) tout en faisant un pas en avant. On retrouve certes la patte du groupe, immédiatement reconnaissable, mais corrélée à une ouverture assez inédite vers l’apaisement.
Pourtant, Zëro n’arrondit aucunement ses angles, la tension reste intacte et bien présente mais elle peut désormais naître d’une ataraxie qui lui sied joliment. Le dernier morceau éponyme est d’ailleurs très représentatif de cette langueur nouvelle. Porté par une batterie à peine effleurée et un motif de guitare hypnotique, il nous emmène dans une forme d’errance qui perdure longtemps après que la dernière note se soit tue. Et puis il y aussi Ich... Ein Groupie, planqué en deuxième position, qui expose au grand jour des racines pop plutôt bien cachées jusqu’ici (mais pas absentes), comme si le trio avait voulu ouvrir les fenêtres en grand pour pousser les murs et changer de focale. Quelque chose comme un grand angle encore plus grand. Ce qui fait sans doute de San Francisco l’album le plus varié de Zëro, le plus libre aussi. Et puis c’est en plus sans compter sur un paquet de titres bien construits dont l’ossature disloquée n’entame en rien la dynamique : Last Bills For Lapdance en ouverture par exemple, scindé en deux, partant à tout berzingue pour se recroqueviller ensuite sur lui-même et ramper, The Drum Thing plus loin et plus abstrait ou encore Jed/Snowdog aux textures anxieuses qui provoque nombre d’images derrière les yeux.
Très réfléchi (mais jamais abscons), San Francisco est à tel point échantillonné que l’on pouvait craindre la dilution de son empreinte et de ses intentions. Pourtant il n’en est rien et on l’on se demande plutôt comment Zëro a pu faire rentrer tout cela dans ces trente-cinq minutes en restant fondamentalement ce qu’il est et a toujours été, un groupe nerveux, élégant et racé. Alors bien sûr, il fait partie des murs - c’est bien ce que montre la pochette - mais en s’autorisant tout sans jamais faire n’importe quoi, Zëro continue à surprendre, de plus en plus libre, de plus en plus serein.
Et toujours pertinent.
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