Mon année 2014 en 100 albums - Part 5

Mes favoris de l’année écoulée triés sur le volet à l’instant T, 10x10 albums tous genres confondus et quelques bonus à la fin (meilleurs EPs, labels, etc.), voilà ce qui vous attend dans cette série qui réduira faute de temps les commentaires au strict minimum (les deux tiers des disques mentionnés ayant été chroniqués dans les pages d’IRM, vous savez où aller).

Au programme d’aujourd’hui (mais pas que), des musiciens qui dissèquent les genres pour mieux les réinventer à la lumière (parfois très noire) de constructions et de sonorités venues d’ailleurs...





60. Terminal 11 - With My Mind (Schematic)


"Sous cette hideuse pochette photoshopée se cache, comme souvent avec le label Schematic des géniaux Phoenecia, un petit bijou d’électro baroque autant qu’élégante, à la croisée d’une acid techno déstructurée et d’une IDM schizophrénique. Les atmosphères malades et beats savamment déréglés de ce With My Mind, dont les sonorités rétro-futuristes et autres emballements rythmiques évoquent tantôt Autechre ou Squarepusher dans leurs moments les plus épileptiques et angoissés (No One There) ou Tim Exile lorsqu’une certaine emphase décadente prend le dessus par le biais des synthés aux distorsions vintage (Scattered, Hyperfocus), ne déméritent pas au côté des sorties de Badun ou Phlex sur le même label."


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59. Faures - Continental Drift / René Margraff - Phasen (Home Normal)


Incandescent et contemplatif à la fois, Continental Drift reflue ses textures cinétiques sur fond de piano hiératique et d’éboulements tectoniques, un peu comme si Pillowdiver, autre projet de René Margraff tiers de Faures, avait mis la pédale douce sur les tsunamis de saturation au profit d’un drone à combustion tout aussi lente mais moins monolithique. Quant à Phasen, que le Berlinois dévoile en solo cette fois sous son vrai patronyme, il englue l’auditeur dans ses sourdes bourrasques de radiations, laissant ce qui restait de chair et de mélancolie s’effriter d’une phase à l’autre jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des spectres pour résonner dans le no man’s land venteux de sa pochette.





58. Dirk Geiger - Connected Worlds (Tympanik Audio)


Mine de rien ça faisait un bout de temps qu’on n’avait pas entendu un album du label IDM de Chicago sonner comme le Tympanik Audio qu’on aimait au début, celui des premiers Access To Arasaka, Stendeck, Geomatic, évoquant la conquête du cosmos en quête de connexion avec d’autres civilisations. Ça tombe bien, c’est le thème de ce quatrième opus de l’Allemand Dirk Geiger, toujours fidèle à TA malgré l’excellence de sa propre écurie Raumklang, et qui après les abstractions sensorielles à l’onirisme bucolique du superbe Autumn Fields et le plus immédiat mais tout aussi rêveur et enivrant Elf Morgen goûte enfin à la démesure sci-fi des stations orbitales en progression vers les confins de la galaxie, spleen stellaire des nappes de synthés, beatmaking tendu à souhait et lyrisme quasi post-rock (Don’t Break Down All Bridges) au programme de ces rencontres du troisième type où l’anxiété et l’adrénaline du premier contact laissent place à l’espoir puis à l’échec et aux regrets.





57. Supersilent - 12 (Rune Grammofon)


Ce 12ème volet est peut-être bien le plus épuré qu’ait jamais sorti le combo ambient-jazz emblématique de l’écurie Rune Grammofon, laissant d’abord les fréquences malaisantes de Deathprod ramper dans une obscurité à couper au couteau et suinter leur écrin de ténèbres abstraites et de désolation avant que la trompette solaire d’Henriksen, quasi absente jusqu’au milieu du disque, vienne enfin illuminer dans la foulée de quelques distorsions électroniques psyché ces paysages mentaux aux confins de la neurasthénie. Une atmosphère qui finira d’ailleurs par contaminer l’instrument, laissant l’album replonger peu à peu dans les abîmes fantasmatiques dont il venait à peine de s’extirper. Fascinant.





56. Monsieur Saï & Dakota - Libertés Nomades (Milled Pavement)


"En laissant l’avantage aux instrus abstract à la fois sombres, percutants, planants et parfois vénéneux de Dakota, on pouvait croire que Monsieur Saï allait mettre de l’eau dans son vin, enrober sa vindicte d’un storytelling plus métaphorique comme avec certains titres des précédents albums ou de son duo La Mauvaise Humeur. Que nenni, le hip-hop du Manceau prend de nouveau à bras le corps le malaise social, la violence du système, l’hypocrisie politicienne et l’inertie coupable de ceux qui subissent en silence, avec autant de désespoir et d’amertume que d’humour noir et d’envie d’en découdre envers et (seul) contre tous. Un appel à la résistance qui n’empêche pas quelques respirations plus mélancoliques et jazzy, à l’image du superbe Aux combats perdus d’avance où le saxo nébuleux d’Arth ? et un mélodica capiteux se frottent sans complexe aux scratches robotiques et aux guitares plombées."


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55. My Brightest Diamond - This Is My Hand (Asthmatic Kitty)


"Clappements de mains, roulements de tambours, percussions de batucada et beats binaires ou syncopés s’invitent à la fête de ces odes flamboyantes à la communion des sentiments, qui n’hésitent pas à s’inscrire avec subtilité dans certaines contraintes esthétiques populaires voire mainstream pour mieux les transcender, des cavalcades guitare/batterie ponctuées d’onomatopées de Before The Words à l’électro-pop crépusculaire et discrètement vocodée d’I Am Not The Bad Guy en passant par les gimmicks cuivrés volontairement datés d’un Lover Killer à la croisée de la funk et du disco. Quant au morceau-titre avec son énumération de composantes physiques, émotionnelles et spirituelles que l’amour réussit parfois à mettre en harmonie, il amène à maturation tout ce que l’on a toujours aimé chez My Brightest Diamond, ce souffle d’émotions sur le fil du maximalisme et de la retenue dont les envolées orchestrales contrastent avec ces respirations solennelles qui en accentuent encore la portée. Fabuleux !"


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54. L’Effondras - (Dur Et Doux)


Leoluce a déjà tout dit sur ce disque du trio post-rock de Bourg-en-Bresse, impressionnant de jusqu’au-boutisme dans sa formule instrumentale minimaliste, de tension palpable et d’intensité forcenée dans ses épopées en montagnes russes dopées tantôt aux mélodies de guitare claire, aux riffs doomesques ou au blues post-apocalyptique de Slint, entre deux crescendos qui n’explosent jamais vraiment. Ardent et habité, l’un des rares grands disques du genre cette année.


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53. aMute - Savage Bliss - An Album About Love And Other Lies (Three:four Records)


"A l’heure où pas mal de cadors du drone se cassent les dents sur leur ambition de rallier amateurs du genre, critiques et grand public, soulignant lourdement leurs effets et perdant en sincérité ce qu’ils gagnent en ostentation (le Virgins de Tim Hecker) voire en kitsch (les récents ratages de Fennesz et Ben Frost), on se plaira à constater que chez aMute, de passionnants tumultes agitent toujours les profondeurs d’une musique aux contrastes parcimonieux mais saisissants. Si la surface des eaux arpentées depuis Black Diamond Blues par le Belge Jérôme Deuson paraît de prime abord bien plus statique qu’au temps de ses incursions post-rock, les textures de cette ode aux ravages sous-jacents d’un amour illusoire vibrent, irradient, fusionnent, s’évaporent et refluent en masse dans une constante mouvance de sentiments fugaces, où s’invitent régulièrement les derniers vestiges guitaristiques d’un lyrisme voué à l’érosion."


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52. Swans - To Be Kind (Mute)


"Deux heures bon poids, double galette, deux ou trois références bibliques dans les titres, ça vous rappelle des choses ? Eh bien ne cherchez pas plus loin : là où The Seer était ouvert (aux montées de tension/explosions, aux ruptures impromptues et autres accalmies acoustiques, aux quatre vents et même à quelques invités étonnamment mis en avant), To Be Kind prend le contrepied de sa propre thématique de retour à la vie au gré de morceaux majoritairement massifs, oppressants, hypnotiques sur lesquels viennent se greffer les incantations hallucinées de l’Américain Michael Gira, privilégiant aux progressions épiques quoique déjà pas mal plombées de l’opus précédent une plongée dans les abysses drone voire krautrock qui sous-tendent depuis longtemps la musique de Swans."


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51. Old Man Gloom - The Ape Of God 1 (Profound Lore)


"Sur The Ape Of God version 1 (comme on l’appellera faute de mieux puisqu’il ne s’agit pas des deux faces d’une double galette mais bien de deux œuvres parfaitement indépendantes), on retrouve donc l’alternance de plages noise-ambient et de gros laminages vénères à la croisée du sludge et du hardcore chère au collectif d’Aaron Turner, ces derniers n’oubliant jamais de s’imprégner des atmosphères de purgatoire encadrant chaque morceau. Les riffs funestes et beuglantes grunt de Shoulder Meat sont ainsi balayés par les bourrasques doom d’un final de désolation tandis que les intrigantes liturgies vocales de Simia Dei irradient depuis la tourmente d’un crescendo post-metal inhabituellement concis, et c’est finalement l’enfer tout entier qui semble se déverser sur After You’re Dead pour mieux vagir dans un chaos à peine organisé cette lente agonie qui attend de toute éternité les singes de Dieu - autrement dit nous autres."


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