USA Nails - Sonic Moist
Sonic Moist, premier album d’un groupe âgé d’à peine un an, s’impose sans problème comme l’un des grands de l’année. USA Nails est anglais, réunit des musiciens aguerris et met sur pied un amalgame imparable où punk, noise et kraut conversent joliment.
1. Sonic Moist
2. Chain Of Command
3. Shite At The Palladium
4. Distilled Town
5. Oh Caroline
6. Sometimes I’d Rather Be A Bird
7. Am I A Man Or Not
8. Seatlicker
9. Push Him Back Where He Is From
10. Unname Everything
Ici, on va parler d’un disque qui craque, qui bruisse, qui aime les travers et qui déploie son impétuosité dans les sillons d’un beau vinyle transparent orné d’une grosse tache verte. Ici, on va parler de punk-rock parce qu’un disque déglingué peut aussi être complètement carré et que le punk, vieille étiquette parfois javellisée, est avant tout un état d’esprit qui privilégie la pureté du message et se fiche d’être parfait. C’est vrai que la voix est parfois de guingois, c’est vrai aussi que le grain adopté par Sonic Moist déborde des sillons et que l’album bave un peu mais c’est vrai surtout qu’on n’en a cure puisque ce qui importe ici, c’est que le disque prend aux tripes, file vite et qu’il est l’origine d’une belle tempête sous l’épiderme. On parle de punk, mais on parlera également de noise, lorsque la voix - toujours elle - s’étrangle, lorsque les guitares s’arc-boutent pour faire front ou se fracturent sous leur propre poids, laissant le champ libre à la rythmique arrachée qui passe alors au premier plan. Et puis on parlera tout simplement de rock, ce truc binaire qui brûle le plancher et expérimente la vitesse pour aller du point A au B sans se poser plus de questions qu’il n’en faut pour le faire. Il y a vraiment une certaine simplicité à l’œuvre même si l’on peut trouver également quelques équations tordues ici et là ou des formes répétitives et maladives mais dans l’ensemble, ça file droit devant et ça ne s’attarde pas, ça pulvérise souvent l’obstacle, ça le contourne rarement. Ce n’est pourtant pas un disque bas du front, on a même plutôt l’impression d’avoir affaire à des esthètes qu’autre chose, les morceaux très courts s’équilibrent entre belles compositions et totale dislocation de celles-ci et USA Nails n’en fait jamais trop, s’arrêtant toujours pile-poil avant de verser dans le trop plein (de mélodies ou de violence) d’où cet aspect très maîtrisé qui apporte pas mal de fraîcheur à l’ensemble. Enfin, « fraîcheur » n’est sans doute pas le bon mot pour caractériser cette collection de vignettes urgentes par ailleurs souvent calcinées et renfrognées. Peu importe, ce que l’on sait, c’est que l’album a beau tourner souvent, c’est toujours la même claque qui accueille les tympans. Il faut dire qu’il a été enregistré live, en un jour et qu’il capture parfaitement l’essence d’USA Nails, ceci expliquant cela.
Sonic Moist, premier album d’USA Nails donc. Dans ses rangs, des membres anciens ou actuels de Silent Front, Oceansize, Kong et Hawk Eyes, ce qui permet de délimiter assez rapidement la musique du groupe. De l’attaque frontale, des choses plus larvées et une urgence incroyable. La plupart des titres autour des trois minutes, un seul au-dessus de quatre. Tous fuselés, tous cabossés. Le morceau éponyme en ouverture qui jette les bases reprises par tous les suivants : deux guitares barbelées, pas mal de fuzz, une basse plombée, une batterie contondante et cette voix, mi-crachée mi-crispée, qui apporte ce qu’il faut de morgue à des morceaux déjà fiers et bien achalandés. Et puis pas mal de variété au final, une majorité de titres agressifs (la paire rageuse Sonic Moist / Chain Of Command en ouverture qui balance ses bourre-pifs et empêche l’auditeur de reprendre son souffle ou, plus loin, Push Him Back From Where He Is From), d’autres plus carrés (Shite At The Palladium, Seatlicker par exemple) et même un Oh Caroline au milieu qui voit USA Nails mettre en avant la mélodie quand il la planque partout ailleurs (bien qu’elle soit toujours présente). Et surtout, quel que soit le morceau, la rythmique a vraiment un je-ne-sais-quoi de motorik, quelque chose de circulaire et répétitif qui confère à Sonic Moist un groove bizarre, une certaine chaleur alors que le propos est majoritairement grinçant et irrité. Du coup, on pense à pas mal de choses que l’on connait (Drive Like Jehu, Fugazi pour la voix par exemple) mais sans jamais mettre le doigt pile dessus, montrant par là qu’USA Nails a quelque chose de singulier qui n’appartient qu’à lui. Ce côté un peu dégueulasse et mal fini quand tout est pourtant si bien ciselé, un peu comme si le gros grain d’Hey Colossus venait pervertir les angles de Silent Front. Le groupe n’est pas qu’un one shot appelé à disparaître aussi vite qu’il était venu, il y a trop d’urgence et de passion là-dedans pour que Sonic Moist n’appelle pas une suite. Quoi qu’il en soit, on est déjà bien content de voir le disque sortir chez Bigoût Records (conjointement à Smalltown America) qui continue à faire feu de tout bois et on l’est tout autant de le faire tourner inlassablement sur la platine. Ses banderilles véloces, ses fractures incessantes et sa belle teneur d’ensemble font vraiment beaucoup de bien.
Il aura fallu attendre la fin de l’année pour que celle-ci décoche l’une de ses plus implacables flèches et pourtant 2014 n’a pas été spécialement avare en galettes avenantes mais énervées, ce qui situe bien le niveau de cet implacable Sonic Moist. À son écoute, on se sent comme la fille de la pochette, dans les bras d’une entité géométrique et sombre, un peu là sans vraiment y être, l’essentiel se jouant ailleurs, dans ce que l’on ne voit pas notamment. C’est toute l’alchimie d’USA Nails. « I really want to hear your noise alone. I want it to penetrate my bones ». Ce que ce bout de vinyle fait parfaitement, si bien que l’on ne saurait mieux dire.
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