Powerdove - Arrest
Déjà tombés sous le charme du précédent album, Do You Burn ?, second du groupe, mais premier issu du line up actuel, nous attendions avec fébrilité le prochain OVNI de Powerdove, curieux de découvrir où pouvait mener l’étrange synergie de ce trio cosmopolite.
1. When You’re Near
2. Into the Sea
3. Easter Story
4. Be Mine
5. Seeing It
6. After Dark
7. Weeping Willow
8. You Can Make Me Feel Bad (Arthur Russell cover)
9. Paper Tiger
10. Birdsong
11. Ordinary
C’est pourquoi, on s’est empressés de se mettre ce Be Mine sous l’oreille, dès qu’il parvint à nos machines. Enregistré en une journée dans un studio de San Francisco, ce nouveau né de chez Murailles Music est l’oeuvre d’une équipe de doux-dingues au CV si beau qu’on les aime déjà pour lui. À sa tête, Annie Lewandowski, activiste chez The Curtains, a improvisé ses premières gammes aux côtés de Fred Frith, Charles Hayward, ou Chris Cutler. Pour l’épauler, non loin, il y a John Dieterich, guitariste de Deerhoof (dont le prochain album devrait paraître sous peu, oui oui...), Colossamite et Gorge Trio ; et de l’autre côté du buste (et de l’Atlantique), Annie a recruté Thomas Bonvalet, (serviteur de Cheval de Frise, L’Ocelle Mare, Radikal Satan et Arlt). Ces trois oiseaux sauvages ont la particularité de ne pas voler droit. Sous l’attrait de leur parure irisée ils cachent un caractère difficile dont leur musique transpire, par alternance ou simultanément, les contradictions.
D’une beauté rugueuse...
Dès les premières secondes, on sait que Powerdove n’a pas tenté de se rendre plus accessible. ses ballades, ni sucrées, ni consensuelles, bousculent la pop tout en lui accordant un rôle majeur : les mélodies vocales, la simplicité des structures... Be Mine s’ouvre sur When You’re Near, avec une bouillie noisy industrieuse où l’on peine à distinguer les instruments utilisés, et dont les respirations laissent un écrin troublé pour la voix fantomatique d’Annie Lewandowski, qui s’étire sur une étroite tessiture. Une ouverture toute en tension, balancée entre la rage et le désespoir. Pour expliquer cet amalgame sonore qui démarre, les crédits précisent que Thomas Bonvalet, le Français de la bande, tripote une palanquée de joujoux en plus des sons qu’il peut produire avec son corps (copié-collé de l’inventaire rigolo : « Stringin’ It », Audio Ducker, frappements de pieds, claquements de mains, orgue à bouche, cloche de réception amplifiée, banjo à six cordes, métronome mécanique à cloche, peau de tambour, concertina, harmonica amplifié, appeau à geai, plectre de pavot sec, lames d’harmonica, componium, micros, amplis), difficile de reconnaître l’un d’eux dans le rendu, mi touffu, mi dépouillé, de leur mise en sons. On peut toutefois s’amuser à les retrouver. C’est sans doute, par exemple, un audio ducker à l’origine du son si curieux qui rythme, avec une clochette régulière, le bouleversant Into The Sea. Moment de lyrisme délicat secoué par un non-beat déroutant. L’étrange succède à l’original avec Easter Sorry et sa partie de ping-pong métronomique. Peu à peu, sur cette assise en rebonds, on entend les grandes brassées de l’accordéon d’Annie tapisser sa comptine.
Powerdove renouvelle son vocabulaire, mais assure sa grammaire. Les éléments nouveaux garantissent une surprise encadrée dans les rouages de ce qui fait désormais leur style : une folk déracinée, tendue et tendre, savante et simple, âpre et mélancolique. Le morceau éponyme est une des plus belles démonstrations de cette musique contradictoire : l’arpège vif de John Dieterich, évident, soutenu par des percussions corporelles que les différences de frappe et de surface de contact modulent, que les vagues d’accordéon assombrissent, comme des ombres menaçantes s’étendant sur la guitare, et la voix, cette voix si personnelle et pourtant désincarnée, lâchée avec désinvolture sur la tonalité en la regardant de travers pour mieux la sublimer.
Arrivé au niveau de Seeing It, c’est le moment de l’album où dans les diners mondains on peut entendre : « curieux cet orchestre ». Ce à quoi il faut répondre, courtois : « curieux oui, désagréable même ! Mais j’aime quand ça fait mal, pas vous ? ». La famille, patiente, dira : « c’est quoi ton truc, là, c’est nouveau ? », « oui, c’est nouveau, c’est la musique du futur, habituez-vous ! ». Les potes, brutaux : « c’est chiant », « oui, c’est chiant, l’agacement était probablement l’effet recherché, c’est bien fait ! ». Bref, c’est le moment décisif à partir duquel on décide de poursuivre l’aventure ou non. Mais sachez, frileux et impatients, que vous manquerez la majesté du refrain de Weeping Willow, la beauté suspendue de You Can Make Me Feel Bad (une reprise spirituelle du morceau d’Arthur Russell, inspirée par l’air pur des sommets Himalayens), ou le mouvement en deux-temps de Paper Tiger, d’abord lancé en roue libre, bigarré, comme une boîte à musique déglinguée, puis gracieux, tout en retenue, léger comme un mobile de Calder.
Inutile d’insister davantage, il est clair que la musique de Powerdove est à notre avis passionnante. Passionnante parce que complexe, pleine d’émotion, d’humour et d’authenticité. Passionnante, mais aussi parfois poussive. On aurait bien amputé Be Mine de ses deux derniers représentants, Birdsong, qui n’apporte pas plus d’eau au moulin, et Ordinary, qui est comme un jumeau de Seeing It. Mais Powerdove ne serait pas Powerdove (ou ce qu’il devient) s’il ne concluait pas sur un pied de nez malicieux à la facilité, c’est-à-dire à la façon maligne dont les albums se finissent pour susciter la touche « repeat ». Ici, ça se clôt sur une étendue froide, presque désolée avec un larsen revêche. C’est dur, mais c’est pour ça qu’on les aime. La fille, les gars, changez rien !
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C’est en 2007 que débute l’aventure Powerdove, menée en solo par Annie Lewandowski. Elle fonde ce projet après avoir fondé ailleurs le groupe The Curtains, pour y insuffler l’air aqueux de son Minnesota. Powerdove prend déjà la forme d’un trio en 2009, pour l’album Be Mine et redevient le fruit d’une solitude en 2010 avec le EP autoproduit Live From (...)
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