C\/\/\/\ - Flashback Blues

Esthétisation des initiales du nom Chris Weeks Music dont la phonétique "koom" signifie "vallée" en Gallois, C\/\/\/\ vient compliquer encore un peu la tâche du chroniqueur perdu avec bonheur par les multiples entrelacs stylistiques du musicien anglais. La preuve par 12 avec ce Flashback Blues en écoute intégrale, marqué par le pouvoir thérapeutique de la création artistique et la nostalgie d’une époque révolue où l’électro faisait encore rêver.

1. My Cerebellum
2. Here In The Rain
3. Dreams Of Escape
4. Water Falls
5. To Be So Blue
6. Someone To Watch Over You
7. Life Has Surface Noise
8. Looking Glass Eyes
9. Everything Comes To An End
10. Alone
11. St. Thomas Green
12. Prescription Pills

date de sortie : 04-08-2014 Label : Odd John Records

En bon Brian Eno des années 2010 qu’il est devenu en l’espace d’une quinzaine de sorties, Chris Weeks s’est en effet montré sous diverses facettes pas toujours aisées à circonscrire : drone ambient tantôt solennel et radiant ou crépusculaire et désincarné sous son patronyme d’origine, indie pop planante aux délicats effluves psyché sous l’alias Myheadisaballoon ou électronica flirtant avec le field recording texturé, l’IDM dadaïste et la techno kosmische en tant que Kingbastard, projet résolument mutant qui résume à lui seul la gourmandise et la schizophrénie du Gallois d’adoption passé par les rangs des écuries indé Herb Recordings (structure écossaise du très bon Solipsism) et Nibbana (filiale expé du Tigerbeat6 de Kid606).

Seul dénominateur commun entre ces galaxies au-delà de celui qui les a découvertes et couchées sur sillons, c’est toutefois à Odd John Records, label fidèle à l’auteur de The Lost Cosmonaut et Conductor depuis une demi-douzaine de réalisations, que l’on doit cet album fleuve dédié par Chris Weeks à son père décédé d’un cancer en fin d’année dernière. Assailli de terribles flashbacks des derniers mois de vie du disparu, le Britannique forcé de lâcher prise allait perdre goût à toute création jusqu’à ce qu’une réminiscence particulièrement éprouvante par un matin pluvieux de mai dans la campagne du Pays de Galles le force à confronter cette profonde mélancolie. Capturant les sons de la pluie battante et de la nature environnante comme pour conjurer ce moment d’intense détresse, Chris Weeks passera les deux semaines suivantes à traduire en musique avec acharnement, jusqu’à 16 heures par jour, les cascades d’émotions qui soudain le submergent à nouveau.




Vagues ambient minimalistes et rassurantes aux flux d’harmonies scintillantes (Someone To Watch Over You), électronica chancelante émaillée de field recordings bucoliques (Here In The Rain), symphonies lo-fi pour boîtes à rythmes, vocodeurs et boîtes à musique (Looking Glass Eyes, To Be So Blue), motifs de synthés désuets aux pulsations vitales comme le souvenir d’un bonheur d’enfant (My Cerebellum), crescendos d’arpeggiators stellaires (St. Thomas Green) et roulements de batterie cardiaques (Dreams Of Escape), pianotages spleenétiques passés au filtre analogique (Everything Comes To An End), voiles de bruit statique chassés par le réveil du jour (Life Has Surface Noise) et, presque toujours là, en filigrane ou fil d’Ariane, ces averses craquelantes (Water Falls, Alone) balayant la tristesse et sublimant l’espoir de se réconcilier avec les grandes douleurs plus que jamais prégnantes et les petites joies à demi oubliées... Flashback Blues c’est tout ça mais bien plus que la somme de ses constituants, un voyage au coeur des émotions enfouies et des sentiments parfois ambivalents que brassent les méandres de notre subconscient.

Un chef-d’œuvre touchant de générosité et d’imperfection assumée de la part de l’un des plus grands créateurs de formes de ces dernières années qui finira bien, dans six mois, dix ans, un siècle s’il le faut, par susciter l’attention qu’on ne cesse d’exhorter le monde à lui porter.

A ne pas manquer !





Et en achetant l’album via la page Bandcamp de Chris Weeks, vous aurez droit à Time & Space, complainte dronesque de 8 minutes où l’Anglais reprend le micro d’une voix de bluesman affligé sur fond de bourdons abyssaux et de radiations lancinantes, touche finale d’une catharsis sonique désarmante de sincérité.

Chroniques - 18.08.2014 par RabbitInYourHeadlights
 


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