Year Of No Light - Tocsin
En poursuivant sa trajectoire, Year Of No Light poursuit également sa métamorphose et commet avec Tocsin un album important amené à marquer 2013 et toutes les années à venir. Brillant.
1. Tocsin
2. Géhenne
3. Désolation
4. Stella Rectrix
5. Alamüt
Une trajectoire ascensionnelle qui a pourtant débuté bien haut. Dès ses débuts (Nord, 2006), bien qu’avec un line-up différent, Year Of No Light impressionnait et il était alors bien difficile de rester insensible aux plaintes massives et plombées de cette entité bordelaise frayant dans des marécages post-hardcore teintées de sludge, par essence indéfinis et déjà encombrés. Depuis, le groupe à perdu sa voix et, complètement muet, a développé un autre langage lui permettant de communiquer avec ses contemporains et d’épaissir son propos. Aujourd’hui, Year Of No Light ne garde que le post de son étiquette originelle et il s’avère bien difficile de décrire ce qu’il joue si ce n’est du post-lui-même. Et c’est sans doute toutes ces collaborations (dont une partie était judicieusement compilée dans la réédition Deluxe de Nord en 2012) qui l’ont aidé à entamer sa mue : de plus en plus massif mais aussi de plus en plus introspectif. Aujourd’hui, Year Of No Light ensorcelle. Dans la continuité d’Ausserwelt et de Vampyr, Tocsin s’en démarque pourtant. Du premier, il reprend les caractéristiques formelles tout en noircissant plus encore le propos. Du second, il conserve le goût du cinématographique et de l’errance mais en les resserrant. Tocsin apparaît ainsi comme une synthèse de tout ce que le groupe a essayé jusqu’ici. Il n’a certes pas recouvré la voix mais garde sa gestuelle singulière, celle d’un mammouth virevoltant, d’un pachyderme touché par la grâce et empreint de finesse. Un beau paradoxe à lui tout seul.
Dès l’entame, Tocsin surprend par son amplitude épique et ses riffs massue à peine contrebalancés par un clavier fantomatique. Alors que les aigus tracent de graciles et répétitives arabesques, le combat fait rage dans le bas du spectre. L’opposition maintenue quatorze minutes durant sans le moindre remplissage : si Year Of No Light prend son temps pour dire ce qu’il a à dire c’est simplement parce que ce qu’il a à dire demande du temps. Une exhaustivité qui ne nuit en rien à son efficacité. Conservant plus ou moins le même climax, Géhenne se fait tout de même plus véloce et les batteries disloquent le morceau, le faisant voler en éclats quand les guitares tentent de maintenir à grand peine son unité. Rapide, massif et en opposition complète avec le bien nommé Désolation qui le suit immédiatement : terminées les cavalcades, dehors le plomb, faites venir le coton, convoquez le ciel de traîne. Sans que l’on s’en rende bien compte, Year Of No Light balance métal, doom et sludge par la fenêtre et revêt un masque abstrait et introspectif. Magnifique, magnétique et adhésif, Géhenne nous enferme dans ses filets et nous pousse à arpenter le relief énigmatique de la pochette de Tocsin. Des nuances de gris et de blanc, du sépia aussi. Stella Rectrix et Alamüt amalgament quant à eux les trois morceaux précédents le temps de pièces tout à la fois épiques et vaporeuses, massives et aérées. Le sens du paradoxe, encore. Le périple fut long et court, bourré de bifurcations, empruntant au relief cabossé de sa musique les plaines et les à-pics les plus exacerbés et c’est ainsi que l’on se retrouve légèrement déboussolé au terme de l’écoute. Toutes les suivantes épaississant le brouillard de la première. Plus on plonge dans Tocsin, moins on le connaît.
Il semble bien que Year Of No Light ait aujourd’hui atteint le point d’équilibre lui permettant d’exploiter au mieux ses trois guitares, ses deux batteries et sa basse esseulée. Concernant les premières, elles se partagent l’espace admirablement et quand l’une tisse patiemment la mélodie, les deux autres fournissent la chair et le muscle. Il en va de même pour les deux batteries qui se complètent et s’épaulent, constituant le squelette massif sur lequel campent les morceaux (les six petites minutes de Géhenne, encore une fois, suffisent à cerner leur apport). Enfin, la basse apporte du liant et permet de muscler encore un bourdon déjà largement puissant en soi. Ainsi, aussi à l’aise dans l’attaque que dans l’apaisement, le sextette peut bien jouer ce qu’il veut, explorer à tout-va, rien ne semble pouvoir déchirer sa cohésion. En rendant plus saillants les accents doom et métal de son ossature principale, en incurvant légèrement ses trajectoires rectilignes, en rentrant toujours un peu plus en lui-même, Year Of No Light atteint tout à la fois l’épure et la complexité : Tocsin est ainsi une nouvelle réussite d’un groupe qui, jusque là, n’aura connu que ça. Sa pochette qui montre des grandes similitudes avec celle du Far West des doux dingues Master Musician Of Bukkake tend d’ailleurs à rapprocher les deux projets : une musique éparpillée qui par sa grande variété montre une personnalité singulière. Sans doute plus ésotérique pour les uns et psychédélique pour les autres, mais quoi qu’ils fassent, ils trouvent la capacité à emporter l’auditeur. Rien à faire, on y croit.
Au fil de l’écoute et des écoutes, les cercles concentriques du superbe artwork nous cernent, les titres empreints d’herméneutique s’insinuent et le glas de la cloche n’en finit pas de résonner entre nos tympans. Trouvant parfaitement sa place dans l’exceptionnel catalogue de Debemur Morti Productions (on reparlera bien vite du terrassant ÆVANGELIST), Tocsin a beau être accompagné de la formule « Maximum volume delivers maximum results ! », il prouve pourtant qu’il se suffit à lui-même et n’a nulle besoin d’artifices. Ainsi, même en sourdine, ses effets s’avèrent importants.
Exceptionnel.
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