Filiamotsa + Gull + Papaye + Fordamage - La Flèche d’Or (Paris)
le 17/05/2013
Filiamotsa + Gull + Papaye + Fordamage - La Flèche d’Or (Paris)
La soirée avait beau s’appeler « Les Yeux Fermés », on y allait pas complètement à l’aveugle. Il y avait d’une part Papaye, déjà chroniqué dans nos pages, puis Filiamotsa et Fordamage qu’une réputation précède. Pour Gull, par contre, la tête d’affiche, c’était tout neuf.
Comme d’habitude pour ce genre de concert, l’ambiance est plutôt décontractée, la salle n’est pas bondée, mais c’est pas la quantité qui compte... Comme toujours aussi dans ce genre de concert, il y avait des relous. Le relou, tu sais, le relou. Le mec bourré accoudé au bar ou à la scène, qu’est pas content parce qu’on sait pas apprécier la musique et qui a le don de se faire remarquer en hurlant sans arrêt. Ce soir là, quasiment chaque groupe a eu le droit à son propre relou. Les deux premiers ont eu le type qui s’affale sur la scène et fout sa veste sur le rack de pédales. Pour le troisième groupe, c’était une nana qui n’arrêtait pas de brailler parce qu’elle trouvait que les gens bougeaient pas assez, elle en a secoué quelques-uns mais ça n’a pas changé grand chose. Et le dernier gueulait aussi, et se plaignait d’être le plus vieux. Mais c’était cool quand même.
La formation de Filiamotsa est originale : une batterie et deux violons. Cet instrumentarium rappelle quelque fois Tiersen, pour les timbres. Ça rappelle en particulier ses dernières orientations, qui lorgnent sur Montréal et son post-rock contemplatif. Filiamotsa propose aussi quelque chose de post-rock, avec de longues et lentes progressions qui se terminent en apothéose.
C’est tout de même plus rock, plus dark et plus noise que du Tiersen, la comparaison ne mène pas loin...
Utilisé comme une guitare (cordes pincées ou grattées) et agrémenté d’une disto et autres compresseurs, le violon se prêtait à des sonorités amples insoupçonnées. Ce qui permettait notamment de palier le manque éventuel de basse, l’instrument remplissant ainsi provisoirement ce rôle.
Le batteur prend parfois la parole, déclame un texte abscons et le répète énervé pour bien se faire comprendre.
Un des morceaux s’est ouvert sur un drone à base de frottements d’archet, de crissements aigus et d’accords dissonants. La pièce s’est peu à peu élevée par le rythme et l’intensité, vers un climax puissant.
Une musique parfois bruitiste aux voix émises par les micros de l’instrument à corde et qui vise la création d’une ambiance obscure et attachante.
Si on aime Papaye sur album, on n’est pas déçu de les voir en live, car l’interprétation est fidèle et rend bien l’intensité (pour ceux qui connaîtrait le trio par le live, la remarque fonctionne réciproquement). Le batteur frappe très fort et passe ses nerfs avec précision sur son instrument. Il a un quota de baguettes à péter qu’il respecte sans se forcer.
Les trois garçons ont le sens de l’humour, ce dont leurs pochettes et leurs titres de morceaux témoignent. Entre deux déflagrations, ils annoncent : « on est Fordamage et on vous déteste », ce qui tendra une perche aux petits malins qui reprendront lourdement la blague en gueulant régulièrement « Papaye ! » lors du passage des deux groupes suivants.
Chez Papaye, tout est dans l’intensité. Les deux guitares enchaînent les arpèges mélodiques et se chevauchent par intermittence. Tous les morceaux, tous les breaks, tous les riffs sont autant de violentes claques auditives qui laissent la marque des doigts sur le cerveau.
Mathématique et bornée, leur musique ne traverse pas différentes atmosphères, ne cherche pas à mélanger les styles. Elle se focalise sur la volonté d’en foutre plein la gueule et à toute vitesse en disséminant les couleurs d’un voyage au gré d’harmonies insulaires.
Déjà vu à l’occasion d’un concert de Pneu, le batteur a vraiment un jeu spectaculaire. Rien que pour le voir matraquer une batterie (en l’occurrence, la batterie de Fordamage...), ça vaut le déplacement. Et le spectacle n’est pas seulement dans la puissance, mais aussi dans la rapidité et dans la précision. S’ils s’entêtent à faire et refaire un peu toujours la même chose, creusant ainsi un sillon étroit, Papaye n’en fait pas pour autant une musique pauvre. Extrêmement dense, elle fourmille d’idées enchaînées à une vitesse qui ne permet d’en saisir que des impressions furtives. C’est pourquoi elle souffre bien l’écoute répétée, en dépit de sa densité épuisante.
Après le passage de Papaye, on ramasse les survivants à la foufourche (désolé, j’ai pas pu m’en empêcher...).
Quand Fordamage ouvre son set, on distingue bien l’intention de bastonner qui les gouverne. Mais après Papaye, il y a comme une baisse d’intensité regrettable. Difficile de ne pas comparer. La musique de Fordamage est plus riche au sens où leur composition est davantage tournée vers l’écriture de chansons. Mais elle est moins dense et leur complexité se révèle avec lenteur. En fait, ça ne mène pas à grand chose de les comparer parce qu’ils ne font pas la même musique... Papaye développe un math-rock instrumental jouissif et rayonnant tandis que Fordamage joue un hardcore plus classique, tendance east coast, aux tonalités sombres et plaintives. Donc, au final, c’est pas pareil !
On regrette toutefois la médiocrité du son qui ne rend pas la puissance qu’on serait en droit d’attendre d’une telle formation. On aimerait aussi des riffs de guitares plus efficaces et des voix tenues avec une plus grande maîtrise. Enfin, le jeu du batteur, qui semblait assez subtil, n’était pas mis en valeur par le mixage en façade (même impression sur album).
Au final, un groupe qui au bout du troisième album montre une finesse d’écriture (avec incrustations d’événements noise bien sentis) remarquable mais qui aurait mérité un meilleur son.
Pour Gull, c’est la découverte.
L’Américain, pour la première fois sur le vieux continent, donnait ce soir-là le coup d’envoi de sa tournée européenne. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’en est très bien sorti et que les chanceux qui croiseront sa route ne manqueront pas d’être surpris par ses prestations spectaculaires.
Déjà, pour info, Gull est un mec-tout-seul-band qui donne à entendre de la guitare de la batterie et du chant. Jusqu’ici, rien de moins commun, un multi-instrumentiste, il peut jouer de ses instruments successivement. Mais non, on entend tout en même temps. Ah oui, c’est parce qu’il s’enregistre alors. Encore faux ! Enfin, pas complètement, c’est vrai qu’il sample quelques lignes de guitares sur lesquelles il pose ses rythmes et sa voix. Mais il joue vraiment de la batterie, de la guitare et chante en même temps ! Il tient une baguette de la main droite, la guitare sur ses genoux et le manche de la main gauche. Et le pire, c’est que ça sonne carrément ! Très impressionnant.
Pour la voix, c’est assez tribal, avec de nombreux effets pour donner de la résonance et de l’ampleur. Le visage caché sous un masque en carton, on ne voit jamais la relation qu’entretiennent sa bouche et le micro. Tout se passe en-dessous. Le câble du micro ressort par le haut du crane. Il donne ainsi l’impression de procéder à un rituel mystique dont lui-seul connaît la pratique.
À voir ! Les enregistrements semblent plus anecdotiques.
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