Interview sous les cendres - 5/ Nicolas Godin (aka Shape2)
Les plus fidèles de nos lecteurs auront certainement remarqué des messages subliminaux distillés ces dernières semaines sans ostentation dans nos pages, concernant un ambitieux projet prévu pour les fêtes de fin d’année. Coupons court au mystère, si ce n’est au suspense : il s’agit d’une compilation, entièrement composée de morceaux inédits que nous ont gracieusement offerts un certain nombre d’habitués des colonnes d’IRM. Et... c’est tout pour le moment ! Vous en saurez plus très bientôt en suivant les petits cailloux que la rédaction sèmera à raison de deux interviews par semaine, agrémentées d’énigmes et de surprises, jusqu’à la mise à disposition de l’objet. Une invitation à vous familiariser avec l’univers de nos contributeurs de tous horizons géographiques et musicaux, en espérant qu’ils vous surprennent et vous enthousiasment autant que nous.
Malheureusement pour Nicolas Godin, il nous faut commencer cet article par un éclaircissement de rigueur... En effet, vous n’aurez pas affaire ici à la moitié d’un certain duo emblématique de la French Touch mais bien à une figure incontournable quoique légèrement plus confidentielle de notre underground improv/noise hexagonal, naviguant dans des eaux plus ou moins claires ou brouillées selon qu’il officie sous le pseudonyme de Shape2, croisé à diverses reprises en mode lo-fi et dissonant dans nos pages, ou sous son nom de baptême également mis à l’honneur à une ou deux occasions pour ses improvisations aux confins de la musique concrète, du krautrock, de la noise, de l’ambient et de l’électronique, avec un goût marqué pour l’absurde, les collages abstraits et les sons malmenés ou déplacés de leur contexte. Pour une présentation plus détaillée on laisse faire le Toulousain lui-même, et plutôt deux fois qu’une d’ailleurs puisque cet entretien se poursuivra ensuite du côté du blog Des Cendres à la Cave, Nicolas faisant partie de la poignée de musiciens triés sur le volet chargés d’ériger quelques ponts discrets entre les compilations volontairement complémentaires de nos deux publications.
L’interview
IRM : Y a-t-il deux ou trois choses que nos lecteurs devraient savoir de toi avant d’écouter la compil’ ?
Nicolas Godin : Ils ne sont pas obligés de le savoir mais, j’ai commencé la musique en 1997 en achetant une batterie pour jouer avec mes deux potes guitaristes eOLe et Fran ’Love’ Cunistar dans un groupe qui s’appelait Shapeless. On a très vite commencé à composer et improviser (notamment en reprenant Interstellar Overdrive de Pink Floyd). On écoutait beaucoup d’artistes comme Mudhoney, The Butthole Surfers, Nirvana, Neil Young, Fugazi, Pink Floyd (les débuts), L7, Soundgarden, Alice In Chains et surtout Sonic Youth qui nous a vraiment éduqués au bruit et à l’improvisation.
Ensuite j’ai rencontré François Dumeaux qui m’a initié aux rock progressif, aux musiques électroniques, expérimentales et acousmatiques (Aphex Twin, Gong, Alain Savouret, Bernard Parmegiani, Boards Of Canada, Einstürzende Neubauten...). En 2001 avec Fran ’Love’ Cunistar, nous avons rejoint Cyril Lançon et Haymeric Luxx au sein du groupe noisy-pop Peggy Lux. La même année, j’ai acheté mon premier ordinateur et j’ai tout de suite commencé à fabriquer des morceaux avec l’éditeur de sons d’un logiciel de gravage de disques ! En 2003 j’ai suivi les cours de Christian Eloy et Christophe Havel en classe de composition électroacoustique au Conservatoire National de Région de Bordeaux où j’ai beaucoup appris. Je m’occupe du net-label Stomoxine Records et participe aux actions du label Pagans. En 2007 j’ai intégré le groupe familha Artús à la batterie et aux machines. Nous préparons d’ailleurs un nouvel album pour 2013.
Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre part à ce projet ?
J’aime beaucoup les « projets », ça me fait travailler, ça me fait découvrir des gens et aussi ça me permet de faire connaître mon travail. Je suis très mauvais en « auto-promotion »...
Et là en plus c’est pour un webzine que j’aime bien !
Si tu devais décrire ta contribution en une phrase ?
Feedback est un accident : un feedback entre le micro intégré de mon ordinateur et mes enceintes avec lequel je me suis amusé, j’ai essayé de le contrôler.
On te retrouve aux manettes de Stomoxine, très actif dans le champ des musiques expérimentales et improvisées. Outre tes propres collaborations avec François Dumeaux, Simona (au sein d’Equipe A) ou Nebulo, comment noues-tu contact avec les musiciens dont tu publies les albums ?
Je les découvre sur Soundcloud. J’y passe pas mal de temps à me balader. Et quand j’entends quelque chose qui me touche particulièrement, j’essaye de « discuter » avec le musicien. C’est comme ça que j’ai découvert Doug Seidel et son frère Dave, mais aussi George Christian et Toomuchofthat et moins récemment sur Myspace : Monobloc Sound Fidelity, Noir, tusK, Diatribes et Jean de Lacoste. Après il y a des personnes que je connais dans la vraie vie : Simona, Phoneyusa, Nebulo, François Dumeaux, Alan Doe, Picola Naine, Cyril Lançon, Oso El Roto, BR-202 et eOLe.
La musique "gratuite" ça t’inspire quoi ?
Il y a un paquet de net-labels qui donnent leur musique (Adozen, Audioactivity, Los Emes Del Oso, Pagans, PerkuūNowA, Thödol, Tyto Alba...). Je trouve ça très bien ! Bien que je n’hésite pas à acheter des albums mp3, des vinyles ou des CDs d’artistes connus ou moins connus... Je collectionne... J’ai plus de 1000 CDs ! Mais j’adore quand je vois des groupes sur des gros labels qui donnent un morceau ou deux de leur nouvel album ! Je saute dessus !
J’aimerais pouvoir sortir des objets sur Stomoxine. Le premier album du catalogue Stomoxine est un album de Puff & Duff, des improvisations des deux fondateurs du label (cités plus haut)... Les gens pouvaient télécharger cette musique gratuitement et ils pouvaient aussi acheter un CD-R avec une pochette faite main. On n’avait pas d’argent, on a trouvé que c’était une bonne solution pour ne pas trop dépenser. Mais au fil du temps je me suis rendu compte que personne n’achetait quoi que ce soit donc j’ai juste laissé le téléchargement libre. Des fois, des gens donne de l’argent contre un téléchargement, mais c’est très rare. Je me suis posé souvent la question de savoir si je vendais ou si je donnais... j’ai du mal à faire machine arrière. Surtout que sur Stomoxine, je remarque que les gens écoutent mais téléchargent très peu. Après si un jour j’ai un peu d’argent à mettre dans le label, j’aimerais bien faire presser des disques. Aujourd’hui, pour beaucoup de gens, leur platine CD c’est un téléphone portable ou un ordinateur connecté sur Grooveshark, Deezer, Spotify ou Youtube ! Alors acheter un disque... En général j’essaye d’écouter un album sur internet ou le télécharger avec Soulseek s’il n’est pas en écoute et s’il me plait, j’achète le disque.
Je ne sais pas si finalement les artistes qui sont dans le catalogue de Stomoxine bénéficient de plus de visibilité que s’ils étaient simplement hébergés sur une page Bandcamp qu’ils auraient créée... Le fait d’être sur Stomoxine leur permet d’élargir le réseau des gens qui pourraient entendre leur musique et de faire partie d’une sorte de collection. Et donner la musique que je compose c’est un bon système pour la diffuser car je ne trouve de toute façon pas de label !
Tu officies également dans des sphères plus "pop" quoique tout aussi sombres et lo-fi sous le pseudo de Shape2, que l’on a pu croiser à plusieurs reprises sur les compilations d’ADA (A découvrir absolument). Quels sont les avantages et les inconvénients à naviguer entre deux "scènes" souvent considérées comme antinomiques ?
Les avantages... je n’en vois pas ! Si ce n’est mon contentement à faire ce que j’aime. Et l’inconvénient majeur, je pense, c’est que j’ai du mal à me créer une identité artistique. Ça donne un truc flou, entre Shape2 / Nicolas Godin / musique expérimentale / électronique / noisy pop / acousmatique... Mon album Chien (sur Los Emes Del Oso) en est le bon exemple, il regroupe des chansons, du bruit, des expérimentations. Mais j’aime faire tout ça !
On parlait d’ADA, tu as récemment participé à plusieurs de leurs tributes, de Dominique A à Sebadoh (en compagnie notamment de l’un de nos précédents invités, Cyrod) en passant par Grandaddy, avec des reprises aux tonalités très personnelles, souvent bien plus maussades que les originales. Qu’est-ce qui t’attire dans cet exercice ?
J’adore reprendre des chansons ! Me les approprier. Je n’en fais d’ailleurs pas que dans le cadre des compilation A Découvrir Absolument. J’avais participé aux reprises de Pardon My French en reprenant Nirvana, Deep Purple, The Clash et The Beatles ! Et dans chacun de mes trois derniers albums, il y a au moins une reprise. Ça va de Léo Ferré à Patrick Coutin en passant par les Beatles, Colette Renard ou Randy Alvey. Je prépare d’ailleurs une reprise de Frankie Laine et de Pavement...
Un disque à écouter sous les cendres ?
On va parler de nouveauté car les vieux disques n’ont pas besoin d’aide, sous les cendres je vous conseille d’écouter Cardiac, le dernier album de Nebulo.
La surprise
En plus du tout chaud Revenge Is Erotic EP à écouter en lisant l’interview de DCALC ou tout simplement dans nos pages, et d’une reprise bien plombée d’Aucun Express offerte en bonus de ce récent tribute d’ADA au Fantaisie Militaire de Bashung (le sus-mentionné Cyrod se chargeant quant à lui de faire un sort au Judas Cradle de Sugar sur leur second hors-série du moment), Nicolas Godin nous a lâché l’inédit Purr particulièrement cinématique et insidieux qui nous révèle une facette dark ambient plus électronique et texturée de son projet Shape2... de quoi patienter jusqu’à la parution de son morceau Feedback exclusivement sur notre compilation :
Quelques liens utiles
Shape 2 sur IRM - Site Officiel - Bandcamp - Facebook - Soundcloud - Myspace
Stomoxine sur Bandcamp - Site Officiel - Facebook - Soundcloud
Photo à la batterie par Colas Declercq.
A écouter et télécharger librement :
Clouds et Clashes, les deux premières parties de notre compilation - qui en comptera trois.
A lire également dans notre série :
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Shape2 - Purr
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