A Pyxie Worm - Formica And Cork Tiles
Fort d’un joli succès sur myspace ces derniers mois, A Pyxie Worm, duo londonien d’origine mais islandais dans l’esprit, part enfin à la conquête du vaste monde avec un premier EP autoproduit des plus prometteurs.
1. Kites And Bicycles
2. Harbourside
3. Maidenbower
4. Long Evening Shadow
5. Marshmallow Mountain
6. I Cut Off My Doll’s Hair And Now She’s Bald (Full Version)
7. Bonus Track
Et ça tombe bien, car de grands espaces il en est question dans Formica And Cork Tiles .
De grands espaces imaginaires sans doute, puisque le mystérieux duo anonyme de A Pyxie Worm - "un mâle et une femelle" selon leurs propres mots, et vraisemblablement des jumeaux, "expulsés d’un oeuf bleu deux ans avant le ’Summer of Love’ " -, auto-représenté sur sa page myspace sous la forme d’une statue d’argile debout au milieu d’une rue, bras ballants et tête basse, vient de Londres.
Pour autant, à en croire l’artwork très réussi - l’art sous toutes ses formes est une source d’inspiration avouée chez A Pyxie Worm - à dominance verte et organique de ce premier EP, nos deux amis aiment la nature. D’ailleurs ils le revendiquent, et ce jusqu’à travers leur nom, association d’une plante rampante et d’un vers qui disent-ils "grandissent et se déplacent tout doucement, s’insinuant peu à peu dans les vies et les oreilles des gens pour tantôt les faire saigner, tantôt les apaiser".
De grands espaces froids dont ils exhortent paradoxalement la douceur, comme le font par ailleurs Björk, Sigur Rós et Múm. Trois influences islandaises qui s’imposent à l’écoute de Formica And Cork Tiles , et que ne renie pas le duo puisque qu’il avoue volontiers considérer Debut de Björk et Takk... de Sigur Rós comme ses deux albums préférés, tandis que la page de Múm a longtemps tenu le haut du pavé parmi ses "top friends" sur myspace.
Mais de rythmiques hip-hop en synthétiseurs analogiques - et ce dès l’onirique et lumineux Harbourside et ses percussions doublées de handclapping -, on ne manquera pas non plus de penser à Boards Of Canada, dont A Pyxie Worm partage le goût du tout instrumental, ne donnant pour piste à l’auditeur que les seuls titres des morceaux : à l’imagination et la sensibilité de chacun de faire le reste.
De grands espaces plus ou moins abstraits, car si le duo se dit influencé avant toute chose par ce qu’il voit, des morceaux tels le magnifique I Cut Off My Doll’s Hair And Now She’s Bald ou le non moins réussi bonus track sans titre de l’édition limitée du EP, en forme d’hommage parfait à Boards Of Canada justement - rires et exclamations d’enfants semblent tout droit venus de leur Music Has The Right To Children -, sentent bon les réminiscences douces-amères de l’enfance. "Nous ne chantons pas, mais nous avons des paroles", précise A Pyxie Worm sur myspace...
Oui, peut-être bien de grands espaces rêvés, alors, comme semble le sous-entendre l’intro du morceau d’ouverture Kites And Bicycles, une scène de restaurant pleine de voix et de bruits du quotidien - et l’orage grondant en fond sonore - qui s’effacent peu à peu devant une guitare acoustique, une batterie et un djembé, premiers instruments d’une échappée mentale vers un horizon plus intime. Un morceau néanmoins presque épique par moments, et dont la rythmique froide et abstraite finira par tour à tour se dérégler, s’emballer puis s’effacer devant cette guitare chaude.
Ce sont ces nappes évanescentes (indirectement ?) héritées de Massive Attack, sans cesse en mouvement, qui rendent la musique du duo anglais si passionnante, comme par la suite sur Long Evening Shadow par exemple, peut-être le morceau le plus réussi du EP. Rappelant au début l’ambiance des albums de Múm, claviers en arrière-plan, sonorités électro, et xylophone cristallin en avant -, il fait bientôt place à une guitare jouant une mélodie en totale rupture avec la précédente, lorgnant sur la musique de chambre mais avec un lyrisme retenu presque morriconien.
On pensait déjà à Múm et à son Summer Make Good à l’écoute de Maidenbower, éclairé par une harpe digne du Vespertine de Björk. Des claviers mortuaires et un tambour discret de marche guerrière à la Godspeed You ! Black Emperor s’y opposent à des chants d’oiseaux, qui finissent par l’emporter. Mais sur l’éthéré Marshmallow Mountain, à la mélodie déréglée très "musique nouvelle" sur rythmique à la Aphex Twin et dont les instruments à cordes se mêlent à leurs imitations synthétiques, une voix aussi pure qu’abstraite mène la danse, lançant de temps à autre une douce exclamation venue d’un autre monde : une montagne en marshmallow mais à l’ombre inquiétante... qu’y a-t-il donc par-delà les grands espaces qu’elle surplombe ?
Le néant ? Peut-être bien, à en croire le final à nouveau menaçant de I Cut Off My Doll’s Hair And Now She’s Bald , fausse berceuse enfantine sur un air de boîte à musique qui n’aurait là non plus pas déparé sur l’immense Vespertine . Arrangée de cordes et claviers, elle passe d’une douce mélancolie au désespoir le plus profond en quelques claquements de doigts avant évanouissement. Ne demeure alors que l’écho de cordes synthétiques assourdies... la fin d’un rêve ? Peut-être tout simplement la fin des illusions...
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