Christian Naujoks - True Life/In Flames
Alors que, voilà maintenant trois ans, Christian Naujoks métissait une base de composition classique à des évanescences pop et électroniques, le temps d’un album sans nom auquel on donnera celui de son géniteur (Christian Naujoks, 2009), le Berlinois poursuit sa procession atypique sur Dial, label électronique fer-de-lance de Kompakt. Les acclamations qui ont enrubanné son premier essai n’ont rien eu de paralysant : l’artiste allemand se débarrasse du carcan qu’impose une étiquette, et du souci créatif qui entoure le second album. Le minimalisme au piano de Christian Naujoks invoque le classicisme autant qu’il s’empare du tempo tech-house.
1. Chamber Two
2. On To The Next
3. Moments I
4. Diver
5. True Life , In Flames
6. Untitled Piano Take
7. You Are Everything
8. Dancer
9. Moments II
La majesté de la photographie qui sert de pochette à True Life/In Flames décrit la pénombre de la scène du Laeiszhalle, à Hambourg, sous la direction et l’œil du producteur hambourgeois Tobias Levin, qui a pris place dans les premiers rangs. L’imposant piano de Christian Naujoks se dresse aux côtés d’un large marimba que vont venir fréquemment percuter les bâtons en bois de Martin Krause. Autour, personne d’autre n’interfère dans la procession musicale qui prend forme. Organique, le son qui s’échappe virevolte dans l’air et chasse de sa texture glabre tout parasite. Dans un rythme binaire qui progressivement s’amplifie, True Life/In Flames s’ouvre sur Chamber Two. Le rythme est posé mais accrocheur, le tempo à la fois ample et lourd. À vrai dire, Christian Naujoks ne lâchera jamais le dualisme qui se noue entre la force de chacune des notes jouées et leur union légère. On To The Next dédouble numériquement les sons du piano et du marimba, les rapproche, et lance une suite de titres où arpèges et legato règnent en maîtres, dont Diver sera le point culminant.
Sous l’étiquette trop grande du "modern classical" se débat en fait un compositeur qui, même s’il sait ce qu’il doit à Steve Reich ou John Cage, pose sa patte sur le genre. Plus intelligente qu’intellectuelle, la musique de Christian Naujoks inspire autant qu’elle fascine : la ligne de l’album est continue mais oscille néanmoins par le jeu que se livrent les deux instruments, entre crescendos et décrescendos soutenus et glissants. Cette circonvolution abstraite des deux mélodies contigües, d’abord imaginée sur papier et ordinateur à partir de divers samples (il ne possédait à l’époque pas de piano personnel pour ses compositions), ne redescendra alors plus de son apesanteur, dans laquelle l’Allemand ne manquera pas d’entraîner chaque auditeur. Cet élitisme pour les foules trouve son zénith dans les Moments, qui émaillent à deux reprises l’album : la voix tempérée de Christian Naujoks déclame un texte du prolifique poète américain du XIXème siècle, Edward Estlin Cummings (stylisé « e. e. cummings »), It Is At Moments After I Have Dreamed (1969), sur des samples repris au compositeur américain feu John Cage (de 1945 et 1948). Deux pièces qui abondent dans un même sens : la gravité du propos dans la légèreté de la forme.
Du son effilé du piano d’Henry Cowell aux compositions plus contemplatives de Ricardo Villalobos, voire d’autres extrémités plus originales, telles l’indie rock adouci des Magnetic Fields, la pop baroque des Sugarcubes ou bien la deep house chaloupée de Lawrence, les influences avouées de l’Allemand s’entrechoquent sans anicroche mais aussi sans évidence particulière. Comment alors expliquer un résultat si homogène et fluide, si ce n’est par la vision perçante de Christian Naujoks : où qu’il aille, les doigtés au piano ne font que galoper sur les marches qu’il a déjà esquissées par avance. Entre une pléthore de genres, Christian Naujoks ne garde que l’essentiel, en dépouille les émotions. Et c’est peut-être là qu’on y ressent "l’authenticité de la vie", comme léchée par les flammes des cordes du piano, à la fois purifiantes et destructrices.
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