Troisième véritable opus "solo" de Thurston Moore, si l’on met de côté tous les projets noise, les collaborations et les disques d’improvisation à tirage limité, Demolished Thoughts (initialement appelé Benediction comme le superbe titre d’ouverture) voit le guitariste et chanteur de Sonic Youth s’enfoncer encore plus dans une voie acoustique et mélancolique à l’atmosphère vaporeuse. Épaulé par Beck à la production et (très occasionnellement) aux chœurs, et par le violon de Samara Lubeski qui le soutenait déjà sur Trees Outside The Academy, Thurston livre ici un nouvel assemblage de chansons plus consistant et fort en unicité que le précédent, qui contenait déjà de belles perles quoiqu’un peu inégal.

Si la patte de son jeu de guitare et de ses mélodies vocales reste identifiable entre mille, c’est une nouvelle facette plus affirmée que l’on découvre ici au cœur de morceaux gorgés d’émotion et de poésie lumineuse (certains textes étant des écrits publiés sur son blog plusieurs mois auparavant), même quand le rythme s’emballe et que les vieux démons ressurgissent (Circulation), engloutis et agrémentés de nouvelles couleurs par une production insaisissable aux textures brumeuses et aux percussions rares et lointaines.

Si le mari de Kim Gordon commence à prendre du gallon, c’est parfois difficile à constater en apparence et ça l’est encore plus lorsque l’on entend sa voix toujours aussi claire et reconnaissable. C’est peut-être dans la mélancolie de Benediction ou January que l’on peut percevoir le plus l’envie de se poser un peu et d’oublier le bruit quelques instants, le Thurston Moore plus sombre et habité nous attendant au tournant (Orchard Street ou le surprenant Mina Loy). Dommage que certains titres souffrent parfois de légères redites ou donnent l’impression d’avoir de courts passages à vide, mais Demolished Thoughts n’en demeure pas moins une mine de mélodies poignantes et de sonorités oniriques à la beauté impressionnante.