Landscape en toute simplicité (Part 1)
Quelques jours avant la sortie du 3ème album de Landscape, c’est assis autour d’un verre dans un bar qu’on a pu avoir l’occasion de discuter longuement avec Guillaume de Chirac, l’instigateur de ce remarquable projet. Avant de commencer cette interview, on prenait même le temps de revenir sur le récent concert parisien de Godspeed You ! Black Emperor qui n’a pas été à la hauteur des espérances. On ne s’étendra pas sur ce concert car il est préférable de parler de Landscape en pleine actualité.
IndieRockMag : Comment te sens-tu à quelques jours de la sortie de ce troisième album de Landscape ?
Guillaume : La sortie est dans deux semaines. Avec des hauts et des bas, comme à chaque fois que je fais un disque. C’est vrai qu’il y a des moments d’euphorie parce que tu es content, c’est l’aboutissement d’un travail de maintenant quelques mois et même quelques années, c’est vraiment une fin en soi que cet album existe enfin. Mais il y a aussi l’appréhension de la façon dont cet album va être reçu et accueilli par les gens, que ce soit du côté de la presse ou du public. On peut dire que c’est un peu la même impression que pour tout album, avec sans doute aujourd’hui une certaine habitude et une excitation un peu moins présente aussi. C’est tout de même le troisième album de Landscape, et il faut dire que j’étais déjà auparavant dans un autre groupe avec lequel j’ai sorti deux disques sans compter les autres projets auxquels j’ai participé. Mais au final, il existe toujours une certaine satisfaction et cette envie de faire les choses bien.
Un album sans titre, une formation réduite, le projet Landscape est-il voué à plus de simplicité ?
Sur cet album-là, effectivement. En tout cas, c’était une volonté très claire par rapport au deuxième album où l’on était quatorze avec notamment cinq chanteurs, et aussi des cordes et des cuivres.
Quelle est la raison de ce changement de direction ?
Cela s’est fait assez naturellement. Je compose tout dans le projet et je chante très peu de manière générale. Je trouve que ma voix n’est pas très adaptée. J’ai chanté un peu sur le premier album mais cela restait assez instrumental pour le coup. Sur le deuxième, j’avais envie de mettre plus de chant, c’est pour cette raison que j’ai fait appel à plusieurs autres personnes comme Syd Matters, Arman Méliès, Nicolas Leroux et Benoît Guivarch. Mais c’est vrai que du coup cela a été compliqué à monter : déjà d’une part pour les chanteurs, ce n’était pas évident, et d’autre part pour les concerts, il était difficile de réunir tout le monde. Sur cet album, j’avais vraiment envie qu’on resserre la formation et surtout de n’avoir qu’un seul chanteur. J’ai pris Nicolas Leroux, ou plutôt c’est lui qui a accepté de venir
Ce nouvel album est plus simple et plus immédiat avec des mélodies toujours aussi oniriques et moins tourmentées. Il va à l’essentiel sans grand détour. Est-ce que cela correspond à ton état d’esprit actuel ?
Il y avait en tout cas une volonté de faire un disque plus pop que les deux premiers et moins sombre aussi, même si les premiers ne le sont pas spécialement, ce ne sont pas des disques que l’on écoute le dimanche matin en se levant. Cet album est déjà plus court. J’ai essayé en effet d’aller le plus vite à l’essentiel.
Est ce qu’il n’y avait plus cette envie de voir plus grand en mettant par exemple un ensemble de cordes ou de cuivres comme sur le précédent album ?
Non pas du tout, c’est vraiment une question de possibilités à des moments donnés. C’est vrai que le deuxième album a été compliqué à plein de niveaux, à faire, à jouer, à enregistrer en live. Je n’avais pas envie de me confronter à nouveau à ces problèmes-là. Même si j’imagine qu’à un moment ou à un autre je referai un album avec des cordes et des cuivres, car ça reste de superbes instruments pour faire des arrangements. Et là j’ai un peu tout remplacé par des sons de clavier, ce qui donne beaucoup de couleurs.
A propos, avec cet album éponyme, on pense dès la première écoute à Sébastien Schuller, est-ce que d’avoir participé justement au dernier album de cet artiste a pu être une influence au niveau du vôtre ?
Je prends ça comme un compliment car j’apprécie beaucoup sa musique, j’ai fait deux tournées avec lui au clavier, et j’ai participé au dernier album. Le fait d’avoir fait tout cela, on s’imprègne de sa musique mais ce n’était pas spécialement voulu de lui ressembler. C’est sans doute dû à la grande utilisation de claviers, des sons de mellotron, il y avait pas mal de choses comme cela, et Sébastien en utilise beaucoup également. C’est peut-être un peu grâce à lui finalement. Je me suis probablement inspiré inconsciemment de son travail au travers des claviers.
Cet album a pour premier single Free Again, si ce titre est bien le plus évident on peut constater que l’album reste parfaitement homogène. Est-ce que cet album a été au départ pensé dans son ensemble pour que tout coule de source ? Ou bien les morceaux sont-ils venus au fil de l’eau et de l’inspiration ?
Concernant Free Again, il ne s’agit pas véritablement d’un single, on n’est pas dans cette stratégie. C’est en fait la première vidéo filmée durant l’enregistrement et je trouvais que c’était la meilleure jonction entre le précédent album et celui-là, voire même le premier opus. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi ce morceau-là. Mais, si single il devait y avoir, ce serait Resist ou Under Statement. Sur l’homogénéité, je suis content que tu me le dises, Benoît Guivarch m’avait fait la même remarque, en me confiant que c’était l’album le plus homogène que j’avais fait, et que l’ensemble était parfaitement cohérent. Le disque est en effet court, 9 titres pour 38 minutes. Il y a eu par ailleurs une volonté à un moment de couper les morceaux qui ne servaient à rien, les morceaux transitionnels, les courts instrumentaux que j’avais l’habitude de mettre précédemment. J’ai voulu les enlever pour ne pas que l’on s’ennuie sur la longueur du disque. Je pense qu’au final, c’est plutôt une bonne chose. Et c’est vrai qu’au niveau de la composition de cet album, il y a eu la volonté de rester sur les mêmes instruments, basse, batterie, clavier, guitare et voix. L’ensemble est cohérent du début à la fin. On est resté dans le même état d’esprit avec les mêmes instruments. Je pense aussi que le fait qu’il n’y ait qu’un chanteur contribue beaucoup à cette homogénéité.
Au départ Landscape, était, Guillaume, ton projet sur lequel tu avais invité nombre d’amis. Il apparaît que sur cet album, Nicolas Leroux entre autres a participé grandement (écriture, chant, enregistrement et mixage). Est-ce que Landscape n’est plus un projet personnel mais est devenu un projet collectif ?
Cela restera implicitement toujours mon projet. Je l’ai mené depuis le départ, je compose toute la musique, tout le temps. Il y a aussi Richard Cousin qui a composé toutes les lignes de basse sur ce disque. Il y avait une volonté d’ouverture et que je ne fasse pas tout. J’avais envie qu’ils participent tous un peu plus, mais j’ai toujours un peu de mal à déléguer, à laisser les autres s’investir complètement. C’est un projet solo clairement au niveau de la composition, mais par contre c’est un projet collectif et qui inclue tous ceux qui y ont participé depuis le début. Maintenant, on est une vingtaine à avoir joué dans Landscape. Même ceux qui ne sont plus là aujourd’hui. On a par exemple changé de batteur, Antoine Kerninon a remplacé Cyril Tronchet, cela ne veut pas dire qu’il est parti, on avait juste envie d’essayer autre chose avec un autre batteur, envie d’avoir un autre son à la batterie sur ce disque. C’est un collectif mais avec quelqu’un qui mène le projet en solo et indique la ligne directrice. Je gère donc tout ce qui se passe mais c’est vrai que sur cet album-là, notamment sans Nicolas et Richard, c’est à dire le chant, les textes et les lignes de basse, j’aurais eu du mal à boucler l’album.
Pourquoi Guillaume as-tu ainsi laissé entièrement la main à Nicolas Leroux sur le chant et l’écriture des paroles ? Est-ce que ça a été décidé dès le départ ?
Cela a été assez compliqué. Comme d’habitude, j’ai fait les morceaux. Et comme à chaque fois, je me suis dit que j’allais essayer de chanter et puis j’ai baissé les bras au bout d’un moment. Rien que faire la partie musicale, c’est difficile, et le chant n’est pas une chose qui me vient naturellement. Le chant nécessite un investissement assez différent, donc très vite je me suis dit que je prendrais quelqu’un d’autre pour chanter. Au début, j’ai proposé à Benoît Guivarch, le chanteur de Carp, et c’est à partir de là que cela s’est un peu compliqué. Benoît a travaillé sur quelques titres, les premiers que j’avais faits, c’était bien et ça fonctionnait pas mal, mais assez vite sur le long terme, je me suis rendu compte que ce n’était pas la voix qu’il me fallait sur ce disque. Il fallait une voix assez aiguë, assez perchée comme celle de Nicolas tandis que celle de Benoît est assez grave. D’autre part, je ne voulais pas faire comme sur le précédent album, une alternance entre les chanteurs parce que je me suis rendu compte, quand bien même j’apprécie beaucoup le précédent, que l’ensemble manquait de cohérence. Je ne voulais donc qu’un seul chanteur et il s’est avéré que Nicolas avait la voix parfaite pour faire ce disque. J’en ai parlé à Benoît, et Nicolas a fait un essai pour finalement rester tout le long.
Pour l’écriture des textes, il a eu carte blanche. Personnellement, je n’écris pas de texte, si l’on excepte celui sur lequel chante Syd Matters sur le deuxième album. Il était évident pour moi que celui qui chantait devait écrire ses textes, comme sur les albums précédents. Je les ai vus avant de les entendre et j’aurais bien sûr donné mon avis si je n’étais pas d’accord sur le registre et le contenu. En l’occurrence, je les ai lus et je ne lui ai rien dit. Il a parlé de choses dont il avait envie. J’estime que c’est sa part de travail et que je n’avais pas à venir lui dire quoi que ce soit.
Comment se sont passées la composition des morceaux et l’écriture de ce nouvel album ? Est-ce que cela a été différent des précédents albums avec un plus grand nombre d’invités et pour lesquels Guillaume, tu avais tout composé à la maison ?
J’ai effectivement tout fait à la maison et cela a été assez long. Le précédent album date déjà d’il y a quatre ans. J’étais beaucoup en tournée avec Sébastien Schuller et d’autres, ce qui m’a empêché à un moment de m’y mettre et de me concentrer là-dessus. J’ai fait comme d’habitude, j’ai composé les maquettes, les guitares, les batteries, j’ai fait tout moi-même et une fois que j’arrive à un résultat et que les morceaux prennent corps, il est temps d’appeler les gens pour jouer dessus et interpréter les partitions. Sauf sur ce disque là, où les lignes de basse ont été faites une fois les maquettes finies. Je n’en avais fait aucune, j’ai laissé une liberté totale à Richard là-dessus et ça a quand même, mine de rien, changé beaucoup de chose, cela a dynamisé les morceaux. Il a apporté sa connaissance et son expérience, pour au final quelque chose que je n’aurais jamais pu faire. J’aimerais bien un jour faire un disque sur lequel chacun s’investisse pleinement sur ses instruments de prédilection, mais là on rentre dans un cadre de composition de groupe que j’ai connu il y a dix ans. Et aujourd’hui, j’ai un peu de mal avec ça.
Interviews - 02.02.2011 par
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