The Prayer Tree - s/t
Avec ce premier disque, The Prayer Tree, duo attiré par le silence et les tempi lents, propose une musique au groove squelettique et aux intonations folk lancés au beau milieu d’une inextricable jungle IDM.
1. Tokyo
2. Ubik
3. New York
4. Gone
5. All Those Who Just Couldn’t Make It
6. Silent Stones
7. Why Aren’t We Dancing ?
8. The Golden Hour
Voilà un disque qui a débarqué sans crier gare. Et n’allez pas chercher la moindre information dans l’objet ou sur sa pochette. En dehors d’une magnifique photographie, de la tracklist et du logo d’Hymen Records, rien. Tout juste une petite citation mise en exergue sous le CD : « And Now, Silent Stones, Broken Bones… ». Enigmatique. On trouve toutefois quelques pistes sur le site du label : derrière The Prayer Tree se cachent deux musiciens français pas vraiment inconnus au regard de la discographie déjà bien fournie de chacun. D’un côté Jérôme Chassagnard, moitié d’Ab Ovo, duo d’obédience ambient/IDM qu’il forme avec Régis Baillet dont la musique profonde et éthérée à pris le temps d’arriver à maturation en six albums (très recommandables) sortis entre 1995 et 2007 avant d’être mise en jachère pour un temps indéterminé, ce qui a permis à Jérôme de sortir un beau (F)light en 2008 sur lequel on retrouvait déjà (entre autres) Guillaume Eluerd. L’autre moitié de The Prayer Tree. Lui-même auteur de deux albums d’électronica sous le pseudonyme de Nimp et d’un The Year Of The Dog à la pop-folk douce-amère sous son propre nom en 2007. Bref, pas vraiment des débutants. Et c’est vrai qu’à l’écoute de cet éponyme, on se dit que la musique étrange qu’il nous donne à entendre et à ressentir montre une personnalité bien affirmée qui témoigne d’une expérience déjà importante. Et eu égard au parcours de chacun, la complicité entre les deux membres de The Prayer Tree semble avoir été des plus évidentes, chacun ayant amené ses idées, son caractère et sa créativité dans la construction d’un disque magnifique qui rappelera les ambiances minimalistes et pointues de Tarwater.
Des boucles électroniques, un piano, des claviers multiples, quelques notes de guitares limpides égrenées ici ou là et toujours cette voix retenue : en 8 titres et tout juste 48 minutes, The Prayer Tree montre un goût prononcé pour le silence et l’introspection, il avance à pas feutrés, solennel, et suggère énormément avec peu.
C’est que la musique du duo emmène l’auditeur dans un long voyage contemplatif qui passe par quelques mégalopoles cosmopolites (Tokyo, New York) et provoque toute une palette de sentiments, de la rêverie ambient aux vocaux graves énoncés du bout des lèvres, presque chuchotés (All Those Who Just Couldn’t Make It) aux morceaux à l’élégante mélancolie (Why Aren’t We Dancing, Silent Stones).
L’ensemble est très homogène et fait preuve de beaucoup d’inventivité, en témoignent la voix doublée d’Ubik et ce mot répété à l’envie qui rythme la progression du morceau ou encore le monologue féminin de New York. Car les arrangements de ce disque sont extrêmement léchés, une véritable dentelle électronique où sons cristallins et nappes atmosphériques se frottent au grain fatigué de la voix et à ses mots poétiques susurrés au creux de l’oreille sur des rythmes downtempo et fantomatiques. Une vraie réussite.
On ne rentrera pas dans la description des huit morceaux, mais on citera tout de même le magnifique Tokyo qui ouvre le disque et annonce clairement la couleur avec ses percussions martelées, sa guitare cristalline et son superbe refrain, le très efficace Ubik et sa rythmique digne d’un Aphex Twin patraque ou encore la couleur fortement ambient d’All Those Who Just Couldn’t Make It entre autres belles réussites d’un album qui n’en manque vraiment pas. Et puis, bien qu’homogène, The Prayer Tree montre une grande variété d’ambiances, de Gone, plage instrumentale en forme de berceuse inquiète puisque parcourue par intermittence de nappes bien sombres, à Silent Stones, morceau lumineux et décharné au refrain adhésif. Et alors que la musique du duo prend le temps de se développer pour atteindre l’évidence par petits ajouts successifs, les 48 minutes du disque semblent, paradoxalement, bien courtes.
The Prayer Tree tient son nom d’une tradition asiatique qui consiste à déposer une prière écrite sur un arbre dont les branches sont en métal et c’est vrai que l’ensemble du disque charrie une atmosphère propice au voyage intérieur. Presque mystique. Bourré de mélodies, doté d’un sacré caractère, il serait dommage de passer à côté de cet album à la respiration franchement singulière. Gageons que sa sortie sur un label tout aussi exigent qu’excellent comme Hymen Records lui permette une exposition maximale. Et au terme de l’écoute, la citation cachée sous le disque prend toute sa signification : « And Now, Silent Stones, Broken Bones… ». Car, au final, rien ne saurait mieux résumer la musique de cet élégant et formidable premier album.
Vivement la suite.
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