Of Montreal - Skeletal Lamping
Vous pensiez Kevin Barnes encore malade du fabuleux
Hissing Fauna, Are You the Destroyer de 2007 ? Vous pensiez qu’il serait impossible de faire plus barré, schizophrène et psychotique ? Et bien vous vous êtes trompés !
1. Nonpareil of Favor
2. Wicked Wisdom
3. For Our Elegant Caste
4. Touched Something’s Hollow
5. Eluardian Instance
6. Gallery Piece
7. Women’s Studies Victims
8. St. Exquisite’s Confessions
9. Triphallus, To Punctuate !
10. And I’ve Seen a Bloody Shadow
11. Plastis Wafer
12. Death Isn’t a Parallel Move
13. Beware Our Nubile Miscreants
14. Mingusings
15. Id Engager
Pour compléter ce délire épique sachez que Skeletal Lamping est disponible en une multitude d’éditions chez Polyvinyl Records. Vous laisserez-vous tenter par le double vinyle ou peut-être même oserez-vous la collection complète joyeusement kitch et ringarde ? Seul bémol, les frais de port sont astronomiques. Le rêve a un prix.
date de sortie : 21-10-2008 Label : Polyvinyl Record CompanyOn se souvient tous de ce délire frappé et totalement absurde dont le groupe d’Athens nous avait gratifiés l’an dernier. De ce voyage loufoque et sans retour dans les méandres du cerveau d’un songwriter ayant un peu trop forcé sur les coquelicots et les Fjords. Mais, peu avaient parié sur un retour si rapide de la formation emmenée par son despote foufou Kevin Barnes. Et pourtant, Skeletal Lamping, 11e disque (depuis 1997...) d’Of Montreal est une nouvelle réussite lumineuse et droguée qui risque bien de faire parler d’elle longtemps. Le pari était quand-même osé, revenir un an après avoir signé son meilleur disque, mis sous le feu des projecteurs le collectif Elephant 6 dont le groupe est membre, et révélé lors de sa tournée américaine le plus gros buzz de cette année les new-yorkais, eux non plus pas très sains, d’MGMT.
Et puisque l’on parlait de coquelicots un peu plus haut, on en profitera pour rappeler que les américains se sont parfois égarés au milieu de problématiques complètement foireuses comme en 2001 sur l’improbable Coquelicot Asleep in the Poppies : A Variety of Whimsical Verse dont les morceaux et les paroles faisaient passer Syd Barett pour un enfant de chœur et dont l’idée consistait à disserter sur les mérites comparés du pavot et des coquelicots. Hum. Mais quiconque connait le groupe sait qu’il est coutumier du fait et qu’il avait déjà annoncé la couleur sur son premier mini-album le faramineux The Bird Who Continues to Eat the Rabbit’s Flower et son premier titre génial You are an Airplane.
L’exploit du groupe de Barnes, ou plutôt des marionnettes savamment orchestrées par leur maître tirant, est d’être arrivé à forcer encore plus sur les Krisprolls, vous savez les petits pains grillés suédois, et de nous sortir un concept encore plus fumeux, prétexte à toutes les aberrations scéniques et musicales de la bande. Barnes se réfugie maintenant derrière le personnage de George Fruit, avatar noir et par deux fois transsexuel du Ziggy Stardust de Bowie. Ce personnage passionnant a, selon Barnes, une cinquante d’années et officie dans un groupe funk du nom d’Arousal. Mais bien sûr. Skeletal Lamping est donc l’histoire des aventures fabuleuses de ce personnage très légèrement loufoque. Avouez quand-même que l’on peut s’attendre au pire. Dommage, c’est encore plus grave que ça.
Car en lieu et place d’une nouvelle irrésistible aberration qui se contenterait de donner aux morceaux des noms surréalistes, ce qui est encore le cas rassurez-vous, Of Montreal a conçu un délire encore plus inextricable qu’avant. Il suffisait pour s’en convaincre de lire les mots de Kevin Barnes qui déclarait gaiement en période promo dès 8 heures du matin après avoir enfilé un tartine de champignons, que ce disque était conçu pour qu’aucune structure ne se répète plus d’une fois. Et quand on écoute pour la première fois le titre inaugural de cette nouvelle folie, dont même les Beatles hippie de Revolver n’auraient pas voulu entendre parler, Nonpareil of Favor, on est impressionné. Ce titre, qui commence sur les chapeau de roue, s’étire progressivement dans des expérimentations infinies qui nous lavent le cerveau et n’ont d’autre but que de nous vider la tête pour nous rendre totalement réceptifs à la musique sauvage d’Of Montreal.
Le chef-d’œuvre composé par un Barnes au sommet de son art est un pendant moderne au Rock’n’Roll Circus des Rolling Stones. Une fête pour fêlés, où le groupe fait se croiser toutes ses influences, de Prince à Brian Wilson en passant par Soft Machine ou Captain Beefheart, orchestrée par le personnage de George Fruit / Kevin Barnes. Un gigantesque capharnaüm de près d’une heure où même Animal Collective n’aurait jamais osé mettre les pieds, se situant dans un monde coloré teinté d’un décorum sixties où tout, mais absolument tout, sonnerait volontairement faux entre fulgurances pop dignes des meilleurs Beach Boys ou des plus insensés Sparks. L’œuvre est parfaite, complexe, intense et fait parfois penser dans sa folie destructrice à une sorte de Smile ! remis à l’ordre du jour et en moins réfléchi.
Le seul défaut de Skeletal Lamping est son apparent caractère de purée indigeste. 15 morceaux qui s’étirent sur plus de 50 minutes sans que jamais ou presque l’on ne retrouve ce qui pourrait ressembler à un refrain ou un couplet (alors pensez bien qu’un pont ou un solo...). Ce sale gosse est difficile d’accès, bien plus en tout cas que la direction plus pop qu’Of Montreal nous a imposée depuis Satanic Panic in the Attic en 2004, mais pour qui sait entendre et patienter c’est un régal.
Ici, rien, rien n’est jamais stupide ou daté (pas même l’hilarante ballade au piano Touched Something’s Hollow, où Barnes lâche un "Why am I so damaged ?" qui en dit long) et derrière l’apparent désordre qui règne, tout est en fait géré d’une main de maître par le despote géorgien, on parle bien sur ici de l’Etat américain, pas la république bananière d’Europe de l’Est, où Barnes aurait d’ailleurs fait un très bon dictateur, tout est calculé, tout sonne juste et il faudrait vraiment être fan de Coldplay pour ne pas apprécier le génie de cette pure décadence pop. Skeletal Lamping possède sa pièce maîtresse. Son chef d’œuvre, son centre nerveux comme l’était le fabuleux The Past is a Grostesque Animal sur Hissing Fauna... et ses 11 minutes de folie furieuse. Ici on a Plastis Wafers, n’essayez même pas de penser à traduire le titre, qui commence comme une gentille comptine grivoise avant de s’étirer dans un marécage piégé qui résume à lui seul l’ampleur de ce projet. 7 minutes magiques sorties d’un l’esprit qui ferait la fortune de n’importe quel psychanalyste et qui risquerait bien de vous contaminer avec ses "Ooh ! Ooh ! Oulala !" hystériques.
Chef d’œuvre baroque et insensé, Skeletal Lamping résume quinze manières différentes de quitter la route, quinze manières de dévier des structures pop traditionnelles, de partir dans un trip absolu, tenant toujours à un fil mais toujours contrôlé, tout en composant un vrai grand disque pop moderne. Vous pensez qu’Of Montreal est un groupe majeur ? Et bien vous avez mille, ou plutôt quinze, fois raison.
Comme son nom l’indique, 22 chansons, avec du chant donc par définition, et puis des mélodies qui font bouger la tête, halluciner à jeun ou tressauter le cœur. Les plus belles, saisissantes et/ou efficaces de l’année donc, pour moi, hormis celles de la future compil’ Twin Peaks d’IRM évidemment, qui compteront pour 2017 (...)
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