100 artistes, 100 albums : les incontournables (Part. 5)
Été 2008, Indie Rock Mag vous propose un dossier incontournable, inédit et indispensable. Prenez un sujet du Forum Indie Rock intitulé "vos 100 meilleurs disques de tous les temps", ajoutez-y une poignée de formules validées par l’INSEE, mixez le tout avec des choix de la rédaction intercalés en parfaite cohabitation et vous voici face à ce que l’on peut considérer comme 100 artistes, 100 albums incontournables (des temps modernes).
30. Pink Floyd - Dark Side Of The Moon (UK - 1973)
Comment résumer en quelques phrases, sûrement vaines étant donné le caractère biblique du disque, ce monument du Floyd ? Difficile d’évoquer ce voyage sur la Lune effectué au rythme d’un oppressant tiroir-caisse. Et pour cause. The Dark Side Of The Moon est le disque de tous les records. Emmené par Money, scie atemporelle dont le succès est au moins aussi important que l’irritation qu’elle provoque chez de nombreux fans, y compris l’auteur de ces lignes, le disque, aujourd’hui la troisième meilleur vente de tous les temps, est resté quatorze années durant dans le top 200 ricain et a fait de Pink Floyd un dinosaure qui put enfin marcher dans les traces des Stones, Beatles et autres Who. Ça c’est pour le côté agaçant de la chose auquel on pourrait, peut-être, ajouter son hideuse pochette ornée de ce prisme de lumière blanche. Voilà. Voilà pourquoi le disque est rejeté par une bonne tranche de la fan-base de Pink Floyd, qui lui préfère le calme agité de Meddle ou le psychédélisme pas cool de The Piper At The Gates Of Dawn. Pourtant, à y regarder de plus près, force est de constater que c’est en ces 9 titres que se synthétise et se retrouve l’ensemble de l’œuvre de Pink Floyd, en omettant peut-être la période Barrett, qui en un album et une poignée de chansons constitue un patrimoine à part entière.
9 titres et quelques thèmes dominants (mort, vieillesse ou folie), il n’en n’a pas fallu plus à Pink Floyd pour signer le plus grand disque de sa carrière. Magique et envoûtant. Entraîné par le jeu de guitare aérien de David Gilmour et par l’incroyable modernité dont fait preuve Rick Wright aux claviers, avant-gardisme dont Kraftwerk fera par la suite son fond de commerce, on se laisse bercer tout en restant acteur, désespérément passif certes, de ce merveilleux voyage sur la Lune où la Mer de la Tranquilité ne sera qu’à peine effleurée, des battements de cœur initiaux, précieux et intimes malgré tout, jusqu’à la complainte finale où tout s’Eclipse. Aujourd’hui l’ensemble défile en un éclair comme si il n’avait pas pris une ride, logique si l’on considère que le disque fut une prouesse technologique, premier enregistrement de l’histoire sur un 16-pistes analogique, les envolées de Clare Torry sur The Great Gig In The Sky semblent à l’oreille envoutée toujours aussi superbes et paraissent encore incroyablement naturelles, le gigantesque medley initial reste diablement efficace et Brain Damage continue, 25 ans après, de bouleverser le monde entier.
Casablancas
De quel côté de la lune peut-il bien se trouver ? Du côté sombre ? Difficile de répondre mais on le devine, Syd Barrett est déjà bien loin de la Terre ferme quand il enregistre ce premier album halluciné et hallucinant qu’est The Madcap Laughs. Et ce fou peut bien rire dans son coin en son fort intérieur. Véritable fondateur des Pink Floyd dont l’incroyable premier album The Piper At The Gates Of Dawn (sans doute leur meilleur) est sorti tout droit de sa tête, il est écarté du groupe pour ses nombreuses absences (sur scène notamment) et sa prise chronique de substances hallucinogènes. Devenant de plus en plus instable, il se refermera sur lui-même, dans un monde inconnu et inexploré, et sortira on ne sait comment, de manière chaotique et éparse des titres avec le plus souvent pour simple accompagnement une guitare acoustique. C’est avec l’aide de Roger Waters et David Gilmour (qui l’a remplacé au sein de la formation floydienne) à la production, que pourra être terminé l’album de ce génie qu’il aura souvent fallu canaliser durant les séances d’enregistrement.
Au final, cet album lumineux de folk-rock psychédélique, se révèle étrange et habité. Syd Barrett chante d’une façon faussement ironique et désintéressée, absent et loin de ce monde, et pourtant, on le sent si proche et attachant, dévoilant une facette de sa personnalité au travers de chansons mémorables (Love You ou Octopus pour ne citer qu’elles, et sans oublier Golden Hair, dont les paroles sont tirées d’un poème de James Joyce). Après un deuxième album Barrett et ses insectes, l’artiste sera considéré comme définitivement perdu mais marquant des générations de musiciens et même Pink Floyd lui rendra hommage avec Wish You Were Here.
Darko
29. Television - Marquee Moon - (US - 1977)
Chef d’œuvre de la scène punk new-yorkaise qui n’aura jamais eu à pâlir de sa lointaine voisine londonienne, Marquee Moon est un instantané de son époque, cas classique d’un premier album magique que le groupe sera par la suite incapable d’égaler. Tout l’album repose sur le jeu magique de deux guitaristes prodiges Tom Verlaine et Richard Lloyd qui croisent les 6 cordes tel des sabres de l’époque punk tout le long de ce disque parfait. Qui ne se souvient pas de cette magnifique course poursuite de plus de 11 minutes sur l’historique titre éponyme ? Chevauchée fantastique dans des territoires inconnus, appuyée par une section rythmique impeccable et capitale pour que l’affrontement puisse avoir lieu. Disque vif, rapide, enregistré live, Marquee Moon propose 8 comptines punk magnifiquement jouées. Car Television avait l’avantage énorme de posséder de vrais musiciens salement doués qui devait secrètement rendre malade Johnny Pourri dans sa pluvieuse Albion. Pas gentleman pour autant, le quatuor avait la bonne dégaine. Fantastiques branleurs trop beaux pour être honnêtes, les new-yorkais influencèrent grâce à leur jeu lumineux et futuriste, 25 ans plus tard, Strokes et autres Libertines.
Pour le reste, l’ Adventure fut bien courte et la Television s’arrêta dès l’album qui suivit (avant de se reformer 14 ans plus tard pour un baroud d’honneur). Mais l’influence du groupe, elle, n’est pas prête de s’éteindre et sa vision allait tellement loin que le quatuor aurait très bien pu s’appeler Internet, histoire de montrer de manière plus forte l’avance qu’il avait sur son époque.
Casablancas
Pourquoi cet album en particulier parmi tant d’autres chef-d’oeuvres du jazz ? Rien que pour cette même année 1959, nous aurions ainsi pu citer Kind Of Blue, largement plébiscité par le forum comme l’un des sommets de la période modale du grand Miles Davis, qui signait là un album cinématique et nocturne à la construction parfaite. Nous aurions pu parler également de Time Out, manifeste du Dave Brubeck Quartet dans lequel le visionnaire californien parvenait à mêler la coolitude du jazz west coast et des expérimentations rythmiques insensées, inspirées notamment par la musique classique, le tout avec une évidence mélodique telle que certains morceaux de l’album (l’incroyable Take Five, Blue Rondo à la Turk, Three to Get Ready) sont aujourd’hui devenus des classiques dont personne ou presque, pourtant, ne connaît l’auteur.
Une année, donc, où le succès commercial du jazz lui autorisait les échappées les plus décomplexées, comme en atteste ce Giant Steps qui permet à Coltrane, au long de sept morceaux aux mélodies de saxo anthologiques (et pour la première fois tous composés par ses soins), de commencer par improviser avec une incroyable virtuosité dans un cadre rythmique bien délimité - comme sur Kind Of Blue justement dont il assure avec brio les parties de saxo ténor - avant que la batterie be-bop ne commence à son tour à s’affranchir discrètement des codes de construction établis pour finalement faire de l’ensemble un manifeste libertaire d’une rare générosité. Le rythme imposé par Art Taylor aux fûts est le plus souvent enlevé, particulièrement sur Giant Steps, Mr P.C. ou surtout Countdown, mais l’album n’en ménage pas moins une respiration touchant au sublime avec l’atmosphérique Naima (issu d’une session d’enregistrement différente), qui vient dépasser Miles Davis sur son propre terrain :
Parallèlement, Ornette Coleman appliquait la même volonté d’affranchissement à des compositions plus anxieuses et dissonantes. Le free jazz était né, qui allait dès lors influencer tout et tout le monde ou presque, des Beatles à Tortoise, du Velvet Underground à Flying Lotus, de Robert Wyatt aux Boo Radleys, de Television à Radiohead. Et cinq ans plus tard, A Love Supreme, dernier rempart mélodique avant les expérimentations schizophrènes pleines d’interrogations des trois dernières années de sa vie, sortait pour s’imposer comme le sommet de créativité et de spiritualité, célébré par Patti Smith ou Daniel Darc notamment, d’un Coltrane sauvé de la drogue par sa découverte de la foi, un chemin de croix qui établirait bientôt l’un des plus grands mythes de la musique contemporaine.
Et pour parler de jazz en bonne compagnie, faire d’autres découvertes ou nous faire partager vos connaissances en la matière, n’hésitez pas à participer à notre tout récent forum "Autres musiques".
RabbitInYourHeadlights
28. Beck - Odelay - (US - 1996)
Beck aurait pu être cet éternel Loser sympathique et foutraque qui aurait connu la gloire le temps d’un tube et d’un album, Mellow Gold (et de deux autres albums sortis sur de petits labels la même année, dont le très folk One Foot In The Grave qui faisait déjà la part belle à un songwriting plus posé), mais que l’on aurait pu perdre de vue rapidement. C’était sans compter sur le génie de cet artiste qui allait décidément marquer les années 90 avec Odelay, un album remarquable d’inventivité et de fraîcheur.
Véritable caméléon, il réussit cet exercice incroyablement périlleux de mélanger et fusionner tous les genres, de la country-folk au rock en passant par le funk, la soul, l’électro et le hip-hop, et invente au final un style unique et original en pleine adéquation avec son époque. Avec une production riche et dense placée sous le signe des Dust Brothers (producteurs notamment de Paul’s Boutique des Beastie Boys, un groupe dont Beck revendiquera l’influence au point de les sampler à plusieurs reprises), le Californien va surtout trouver la parfaite alchimie entre des mélodies variées et une rythmique à base de beats détonante et entraînante. C’est sans doute grâce à cela qu’il parviendra à enchaîner de nombreux hits improbables et efficaces avec Where It’s At, Devils Haircut, The New Pollution ou Jack-Ass (et le jouissif Novacane qui aurait également pu faire office de single idéal).
Avec une science du sampling et des ruptures rythmiques imprévisibles, Beck trouve un terrain de jeu rêvé pour son imagination fertile et aventureuse. Il est déjà au sommet de son art même si Mutations, une parfaite réussite, confirmera deux ans plus tard un songwriting superbe dans une veine plus sobre et touchante. La suite de sa carrière par contre en décevra plus d’un, bien que l’épuré Sea Change, très influencé par Nick Drake et le Melody Nelson de Gainsbourg, ait ses ardents défenseurs, de même que The Information qui verra le musicien, deux ans après un Guero dans une veine proche d’ Odelay mais en moins débridé, partir encore une fois dans une nouvelle direction, particulièrement hybride tout en s’éloignant nettement du post-modernisme qui a fait son succès.
Darko
Même les allergiques au fameux P-Funk qui allait bientôt devenir le style caractéristique des deux groupes jumeaux de George Clinton, Parliament et Funkadelic, se doivent d’écouter au moins une fois dans leur vie ce Maggot Brain.
Car la voilà peut-être la vraie face cachée de la Lune, celle où guette en ricanant dans l’ombre tout un contingent de martiens concupiscents, observateurs de nos tribulations égoïstes attendant le moment où leur arme chimique infiltrée en douce et devenue produit de consommation courante (un certain LSD...) aura fini de préparer nos cerveaux d’asticots ("maggot brains") pour nous injecter massivement un sentiment nommé "amour de son prochain". A moins que cette musique à la fois planante, psychédélique et groovy ne soit tout simplement issue de l’imaginaire tordu de Clinton, musicien et producteur pionnier largement influencé par la prise de psychotropes et ici, après Sly And The Family Stone à ses débuts, par la fusion soul/funk/rock psyché des Temptations de Cloud Nine ou Psychedelic Shack.
Ainsi, en faisant du prog - né en 67 d’un ambitieux amalgame entre musique orchestrale, rock psyché et spleen chamber-pop à l’Anglaise sous l’égide d’un Moody Blues en état de grâce, au moins le temps d’un Days Of Future Passed littéraire et métaphorique à la fraîcheur narrative unique - une sorte de prog-funk-rock, Funkadelic parvenait à retrouver la spontanéité et la candeur exploratrice, à des années-lumière de la pose arty aujourd’hui affreusement datée de King Krimson ou Yes, d’un genre rapidement devenu synonyme de rock poussif aux expérimentations pataudes. Et en mêlant guitares spatiales, claviers analogiques, voix étranges et bruits du quotidien sur l’anthologique Wars Of Armageddon notamment, c’est rien de moins que le Dark Side Of The Moon de Pink Floyd que préfiguraient là le génie barbu et sa bande, avant de devenir l’une des influences majeures des férus d’hybridations les plus barrées, des Beastie Boys au Beta Band en passant par Beck.
RabbitInYourHeadlights
27. The Doors - The Doors (US - 1967)
Sorti sur le label Elektra en 1967, The Doors marque l’entrée par la grande porte (ha ha) du groupe de Los Angeles dans l’histoire de la musique. L’absence de basse sur l’essentiel des chansons, l’omniprésence de l’orgue de Ray Manzarek, les harmonies claires de la guitare de Robbie Krieger, la touche jazzy de la batterie de John Densmore, et la poésie des textes de Jim Morrison, caractérisent l’ensemble des compositions de The Doors, les distinguent de la plupart des groupes californiens de cette époque, et ont fait de leur premier album un des standards ayant marqué les fin des 60’s mais aussi les décennies suivantes.
L’album est composé de onze titres inaugurés par Break On Through (To The Other Side) que l’on ne présente plus, réelle invitation à l’expérimentation des drogues dans le but de dépasser les perceptions communes. Le texte se réfère en ce sens au livre d’Aldous Huxley ’The Doors of Perception’ dont le groupe tire son nom. L’urgence et le besoin d’aller vers l’inconnu pour trouver le ’vrai’ sens des choses se traduisent par le tempo soutenu des instruments et le chant incitateur de Morrison. Le second titre, Soul Kitchen, d’apparence plus posé, met quant à lui en exergue les qualités de poète et de chanteur de Morrison, et révèle de façon plus précise les sonorités propres au groupe : les lignes virevoltantes de l’orgue complétées par la guitare, tantôt en solo, tantôt en duo, auquel répond le rythme affirmé de la batterie. Sur The Crystal Chip on oublie l’orgue (remplacé par un piano) et le psychédélisme pour laisser place à la romance et au sentimentalisme de Morrison, qui profite de l’occasion pour démontrer ses talents de crooner. Erudit, amateur de poésie, de philosophie et de littérature, celui qui fut surnommé plus tard le ’roi lézard’ s’amuse ensuite à reprendre un texte de Bertolt Brecht sur un air enjoué dans Alabama Song (Whiskey Bar). Ce titre présente un décalage entre le texte et la musique apportant de ce fait une certaine légèreté aux circonstances tragiques de cette recherche de bar.
Ré-enregistrée et raccourcie à 3 minutes pour pouvoir sortir en single, la version originale de Light My Fire contenue sur l’album dure 7:08 minutes. Ici encore, le lyrisme des textes appuyé par la parfaite harmonie entre l’orgue et la guitare, jouant un chassé-croisé entre canon et solo, font mouche, et nous plongent dans l’ambiance psychédélique de ces années-là. L’introduction a parait-il été inspirée par Bach. Les textes de Robbie Krieger siéent comme un gant à l’attitude sulfureuse de Morrison, et ont fait de ce titre sinon l’hymne, au moins la chanson la plus connue du groupe.
L’expression du coté cru et animal de Morrison trouve son point de grâce par l’intermédiaire d’une reprise du bluesman Willie Dixon, où le chanteur revendique haut et fort « I’m a back door man », se référant ici encore au thème de la porte, mais dans une connotation clairement sexuelle cette fois-ci. On s’écarte sensiblement de l’esprit flower power de l’époque, Morrison trouvant dans ces paroles un chemin tout tracé pour jouer une nouvelle fois avec son côté provocateur.
L’album se termine avec le titre annonciateur : The End, autre morceau culte dans la discographie du groupe. Titre composé alors que The Doors assuraient les premières parties dans le club le Whisky A Go-Go, les paroles suivantes improvisées vraisemblablement sous l’emprise du LSD lors d’une de leur prestation : « Father / Yes son ? / I want to kill you / Mother, I want to... fuck you ! » marqueront le renvoi immédiat du groupe. Jugées trop subversives par les patrons du club, ces paroles seront gardées dans la version de l’album. Célèbres et désormais indissociables du film de Francis Ford Coppola Apocalypse Now, les 11:35 minutes du morceau voient la voix du poète maudit divaguer sur une musique hypnotique, où l’orgue, la guitare et la batterie se répondent souvent de façon décousue et disloquée, tout en gardant en ligne de mire une cohésion globale de l’ensemble. Les déclarations de Morrison d’abord résignées, se durcissent et s’intensifient au fur et mesure, les rythmes des instruments s’accentuant en parallèle jusqu’à exploser littéralement au milieu des onomatopées crachées par le chanteur, pour finalement se calmer de concert à la fin du morceau.
L’alliance entre le lyrisme de Morrison et la parfaite maîtrise des harmonies instrumentales, ce son identifiable entre tous et la volonté du groupe d’aller au-delà des sentiers tracés par les groupes de l’époque, tant musicalement que par la poésie et les références philosophiques contenues dans les textes, feront de The Doors un groupe incontournable et unique dès la sortie de ce premier album.
Pix
De Crocodiles à Ocean Rain, Echo And The Bunnymen a réussi une quadrilogie parfaite et essentielle qui mérite d’être redécouverte au travers des récentes et indispensables rééditions. Avec des albums d’une telle classe et beauté insolente, on se demande encore comment ces quatre Liverpuldiens n’ont pas réussi à supplanter U2 et consorts. En pleine vague post-punk naissante, le groupe a su évoluer au fil des albums et trouver la juste mesure entre ses envolées fiévreuses et romantiques et le son froid et glacial de son époque.
Il est difficile de ressortir un album, mais c’est sans doute le quatrième que l’on préfère citer le plus souvent tant le groupe fait preuve d’une incroyable virtuosité avec des mélodies sensibles et habitées. Le groupe est à son sommet et s’est donné les moyens de ses ambitions en utilisant un orchestre symphonique pour l’enregistrement de Ocean Rain. On pourrait penser que le groupe fait preuve d’une certaine grandiloquence et pourtant il n’en est rien. La production riche et délicate trouve la parfaite harmonie entre les cordes de l’ensemble et les guitares acoustiques. C’est tout simplement grandiose et sans aucune démesure. Même Ian McCulloch fait preuve d’une plus grande simplicité dans son chant inspiré et émouvant de bout en bout. Il se permet même d’approcher l’illustre Scott Walker sur de nombreux morceaux que ce soit sur l’épique Nocturnal Me ou bien l’intimiste Ocean Rain. Et comme à son habitude, il se laisse toujours emporter dans ses élans intenses et habités à la manière de Jim Morrison pour lequel il ne cache pas son admiration, sur l’envoûté et incroyable Thorn Of Crowns. De son côté Will Sergeant n’a jamais aussi bien joué entre ses riffs de guitare électrique d’une telle précision et ses mélodies de guitare acoustique d’une telle perfection, que l’on peut croiser sur My Kingdom ou The Killing Moon. Ce dernier morceau qui a obtenu un grand succès est sans aucun doute la ballade la plus belle et la plus poignante du groupe qui aura du mal à s’en remettre.
Car après cette reconnaissance, le groupe ne parviendra pas à trouver la même magie sur l’album éponyme suivant et se séparera même. Dix années plus tard, le groupe se recomposera pour de nouveaux albums réellement convaincants et des concerts remarquables ( Live In Liverpool à posséder absolument). De Coldplay à la nouvelle scène revival post-punk, nombreux sont les groupes qui s’inspirent ouvertement des Echo And The Bunnymen enfin reconnus aujourd’hui à leur juste valeur, mais en étant bien loin de les égaler.
Darko
26. Interpol - Turn On The Bright Lights (US - 2002)
On tient peut-être là le choix le plus surprenant de cette sélection, preuve que le syndrome Joy Division est toujours aussi vivace sur notre forum aux noms de rubriques apposés en hommage au groupe de Ian Curtis et à son héritage direct (New Order, Hacienda, Madchester). Et puis il faut bien l’avouer, entre ce premier opus à dominante cold et atmosphérique, son successeur, Antics, plus mélodique, fiévreux et percutant, et malgré la semi-déception de Our Love To Admire l’an dernier, Interpol a tout pour être le groupe qui restera de cette scène new-yorkaise des années 2000 partagée entre revival post-punk vidé de son essence et listener’s digest du rock des 60’s / 70’s. Pour preuve un petit coup d’Obstacle 1, ça ne rate jamais :
RabbitInYourHeadlights
Nous voilà à mi-chemin de notre dossier et on se régale du hasard qui n’a jamais si bien fait les choses. Ah oui, on se fait plaisir en lisant l’air faussement étonné de notre ami au-dessus à propos de cette belle place décrochée par Interpol. On peut maintenant l’avouer, l’aventure indierockmag a été lancée un soir de concert du groupe new-yorkais.
Bien, mais les anglais de The Psychedelic Furs, et World Outside, que viennent-ils faire dans cette grande aventure, dans ce dossier d’incontournables ?
Accrochez-vous, on peut compter 3 succès "commerciaux" dans l’aventure des Furs. On a tout d’abord Pretty In Pink, un single bien foutu mais probablement coupable de leur mésaventure en se retrouvant à l’affiche du scénariste John Hughes (The Breakfast Club, la Folle Journée de Ferris Bueller) pour son film Pretty in Pink (Rose Bonbon en français). La pression fera le reste, car s’ensuivra cet album "creux, insipide, faible" dixit Butler intitulé Midnight To Midnight et qui sera hélas leur plus beau succès outre-atlantique avec un single dans le top 40 (brrrr, ça fait froid dans le dos). Et on termine avec le leader Richard Butler chantant dans le générique de la série Charmed. Pas de bol, diront certains, c’est avec le titre How Soon Is Now ? de The Smiths repris certes à merveille mais estampillé Love Spit Love, le groupe formé à la séparation des Psychedelic Furs.
Je vous l’avais bien dit que ce groupe était incontournable, tout comme notre dossier, notre webzine, ...., car excepté ces dérives dont le public raffole, tout est bon chez les Furs. Du premier album éponyme en 1980 où l’on découvre un Sister Europe martelant une cold wave impeccable (on s’étonne même d’y côtoyer un sax, qui l’eut cru) au dernier World Outside qui se termine par un All About You teinté de cordes enterrées par une basse profonde, la bande à Butler a toujours su conserver son charme post-punk. Ils en ont jeté des ponts entre le Velvet Underground et Roxy Music, entre Bowie et Joy Division mais comme nombre de leurs valeureux confrères (The Fall, The Chameleons), ils resteront définitivement l’un de ces groupes underground que seuls quelques fans avertis vénèrent. Demain ce sera vous, qui poserez World Outside sur la platine comme ce disquaire que j’ai croisé en 1991, inoubliable vision d’un vendeur dansant dans sa boutique et emportant grâce à la voix magique de Richard Butler 2 nouveaux clients. C’est tout de même affolant comment on devient en un éclair accroc à ces musiques hypnotiques, à ce chant aride et poétique. Un genre qui a déjà traversé 3 décennies et ici appliqué aux 90’s, une passion qui se partage, ce n’est finalement rien de plus que le but ultime de nos colonnes.
Indie
Un dossier en 10 épisodes : part. 1 - part. 2 - part. 3 - part. 4 - part. 5 - part. 6 - part. 7 - part. 8 - part. 9 - part. 10
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