Swell - South of the Rain and Snow
Retour sans bruit pour David Freel, le leader de Swell, avec un album personnel, sans doute le meilleur depuis des années d’errance.
1. Kicking All Them Ghosts
2. Trouble Loves You
3. Saved by Summer
4. Comes Right Here
5. Our Aquarium
6. South of the Rain & Snow
7. Good Good Good
8. Tell Us All
8. The Measure of the Moment
9. Waiting for a Beer
C’était en 1997, Swell accouchait dans la douleur de son plus bel album, à savoir Too Many Days Without Thinking. Succédant au déjà superbe 41, ce quatrième opus se montrait étonnamment le plus lumineux de la discographie du groupe, malgré des problèmes internes lors de son enregistrement. Il aurait pu leur ouvrir les portes de la gloire, mais rien n’en fut malgré le succès critique et le soutien de quelques fidèles. Le groupe tombait par la suite quelque peu dans l’oubli. Sa carrière était jalonnée de hauts et de bas, ces derniers étant malheureusement bien plus nombreux. Entre séparations et désillusions, le groupe avait du mal à se renouveler et retrouver l’inspiration. Il faut dire que David Freel était resté seul à la barre du navire et semblait tourner en rond. Il était bien sûr toujours capable d’éclairs de génie mais il ne réussissait pas à tenir la distance sur la durée comme le prouve le précédent album, Whenever You’re Ready (2003), qui contient son lot de morceaux imparables si caractéristiques de Swell, grâce notamment au retour du batteur original Sean Kirpatrick, mais qui déçoit rapidement sur la fin.
C’est donc avec surprise et soulagement que dix ans après, on retrouve Swell sous un autre jour. David Freel a composé et enregistré South of the Rain and Snow de nouveau seul et par ses propres moyens. Comme il le souligne, c’est sans doute son album le plus personnel mais également le moins autobiographique. C’est dans un certain sens contradictoire, mais il a voulu se montrer sous une facette plus simple et émouvante. Même si cet album a été enregistré alors qu’il n’avait plus de label, le chanteur californien se montre serein et apaisé. C’est assez étonnant car il se posait à cette époque de nombreuses questions sur les moyens de diffusion de sa musique et des groupes tels Radiohead ou Nine Inch Nails l’ont inspiré et lui ont montré qu’Internet pouvait être la solution. C’est donc en décembre dernier que l’album fut disponible via la toile. Aujourd’hui, le label Talitres a le mérite et le courage de distribuer cet album de manière plus officielle et moins confidentielle, une juste récompense pour ce retour réussi de manière inattendue.
Dés le début de l’album, le leader de Swell en profite pour chasser ses vieux démons en faisant table rase de son passé. Il se remet en question. Kicking all them Ghosts dont le titre est prophétique, se présente sans fioritures, avec une simple guitare acoustique dont le rythme lent berce et amène réconfort et plénitude. En apparence résigné, David Freel semble ne plus avoir peur des lendemains, préférant se contenter des instants présents, sûrement isolé du monde extérieur. Toujours dans cette même voie cotonneuse, il revient avec un Trouble Loves You plus enlevé et une rythmique claire et répétitive reconnaissable. La batterie fait son apparition et sait rester discrète et accélérer au bon moment alors que les nappes de clavier se chargent d’embellir le tout. C’est ensuite un arpège minimaliste et lancinant qui amène Saved by Summer sur les terres brumeuses et musicales de Smog. Sans que l’on y prenne garde, David Freel semble suivre le même chemin et avoir trouvé la même luminosité mélancolique que Bill Callahan avait su notamment exposer sur le magique A River ain’t too much to Love. Avec une production lo-fi et minimale, David Freel retrouve une musique plus humaine et peut-être plus immédiate que par le passé. Cette douce et délicate mélancolie semble également trouver une certaine source d’inspiration classique en Nick Drake sur la ballade folk Good Good Good.
Mais Swell n’oublie pas totalement ses origines et renoue avec l’électricité sur des morceaux comme Our Aquarium ou Tell us all. Sur des rythmiques de guitare acoustique, les larsens et les soli de guitare saturée viennent se superposer et permettent de libérer tension et frustration dans cet univers assez sombre et clair à la fois. Mais il n’y a aucune colère dans tout cela, cette décharge se fait toujours en douceur. De la même manière, David Freel se montre calme et rassurant par sa manière de chanter si particulière et désabusée. On n’entend dans sa voix aucun remords, peut-être de la nostalgie par moment, mais plutôt un certain bien-être et un certain réconfort retrouvés. Soulagé, il déclare même “I’ve got no problems, I’m just waiting for a beer” sur la toute dernière chanson, longue complainte au ralenti, sans doute la plus belle de l’album. On le sent, cet homme n’a pas fini d’être solitaire et ne sautera jamais de joie sur le comptoir, on ne lui en tiendra pas rigueur. Au contraire, c’est sans doute cela qui lui permet d’avoir une écriture si personnelle et touchante.
Avec cet album aussi enivrant que lumineux, un album qui se déguste (sans modération) comme le bon vin, on le sait, on peut de nouveau compter sur la présence de cet homme enfin retrouvé dans les prochaines années. On lui offrira volontiers une bière la prochaine fois qu’on le croisera dans un bar ou ailleurs.
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