Au rayon de pionniers de l’intelligent dance music, Mike Paradinas, pourtant fondateur et patron de l’excellent label Planet Mu hyperactif depuis le milieu des années 90, est souvent quelque peu laissé pour compte. Pas faute d’avoir distribué des albums signés Luke Vibert/Wagon Christ, Venetian Snares, Jega (un autre grand mésestimé un peu oublié), Machinedrum, Tim Exile (par ailleurs étoile filante du label Warp) ou Bogdan Raczynski, ou publié en trois décennies une vingtaine d’albums dont certains sur le défunt label Rephlex de son compère Aphex Twin, µ-Ziq reste étrangement un projet d’initiés, dont le nouvel opus 1977 est d’ailleurs sorti ces jours-ci sans faire grand bruit si ce n’est dans les cercles autorisés comme on dit.

1979 de Deru, 1974 de DJ Preservation... je dois avoir un faible pour les albums aux titres seventies pas forcément raccord avec la date de naissance de leur auteur (Paradinas est né en 1971)... toujours est-t-il que ce 1977 est un petit bijou aussi libertaire qu’élégant, hors du temps et des tendances d’une IDM désormais en constante recherche de vaine virtuosité. Un disque épuré, essentiellement downtempo sans être inoffensif pour autant (cf. les inquiétants Belt & Carpet ou Asda), aux rythmiques suspendues dans l’éther et aux samples vocaux oniriques à souhait, qui cultive la respiration jusqu’à en lorgner sur l’electronica planante des Boards of Canada de la grande époque (Éire, par exemple, charrie le même genre de distos hantologiques aux rêveries agitées), sur un dark ambient dronesque et granuleux (Marmite, Xolbe 3), une kosmische musik pulsatile à la Klaus Schulze (le morceau-titre) voire un imaginaire plus cinématographique quoique toujours un peu rétro aux entournures (Allegro), pour mieux embrayer sans crier gare sur des choses carrément housy à l’ancienne (le bien-nommé Houzz 13) ou une jungle narcotique façon rave sous lexomil (Mesolithic Jungle).

A certains moments, et c’est devenu suffisamment rare dans ce genre de musique électronique pour être signalé, on croirait entendre une vraie batterie (Burnt Orange, ou encore le superbe Froglets, instantané mélodique comme l’on pensait ne plus pouvoir en croiser que chez Ochre ou Kelpe), à d’autres les mélodies de synthés d’outre-rêve évoquent rien de moins que l’évidence rétrofuturiste d’un Christ. (Lime Aero)... autant dire que le tout jeune label espagnol Balmat, créé en 2021 par deux fans de la première heure des travaux de Paradinas, a tout simplement hérité de l’un de plus beaux albums de µ-Ziq, dont le sens de plus en plus aiguisé de l’espace et de l’atmosphère dans ses productions est mis tout entier au service du plaisir de composer librement, à rebours des canons de l’époque, et d’une immersion sans esbroufe, qu’elle soit technique ou esthétique. Un must !