Tir groupé : ils sont passés sur nos platines (2/9 - 8/9/2019)
Chaque dimanche, une sélection d’albums récents écoutés dans la semaine par un ou plusieurs membres de l’équipe, avec du son et quelques impressions à chaud. Car si l’on a jamais assez de temps ou de motivation pour chroniquer à proprement parler toutes les sorties qu’on ingurgite quotidiennement, nombre d’entre elles n’en méritent pas moins un avis succinct ou une petite mise en avant.
Jason Lytle - NYLONANDJUNO (16/08/2019 - Arthur King)
Rabbit : Sortie surprenante mais rafraîchissante de la part de la tête pensante de Grandaddy. Jason Lytle fait table rase de sa pop bucolique et livre un disque instrumental à base de synthés analogiques et aux allures de bande originale fantasmée. Les morceaux au spleen onirique (Hitch Your Wagon To A Falling Star et ses trémolos mélancoliques) en côtoient d’autres nettement plus dystopiques voire inquiétants (Geese Over Sunlight Ace aux dissonances de cordes grouillantes) et la guitare acoustique du Californien se fait toujours une petite place même sur les titres ouvertement réminiscents des soundtacks synthwave des années 80 (Change Of Address / 433 Eros), quand elle ne prend pas carrément le dessus le temps d’une sérénade en apesanteur (Don’t Wanna Be There For All That Stuff). Minimaliste et hypnotique (Iris Leader Evening Footage), flirtant même avec un drone hantologique et gondolé sur le final Headed To The No Light District, l’ensemble renouvelle joliment l’inspiration du musicien après le décevant Last Place, tout en renouant avec l’obsession de l’indémodable The Sophtware Slump pour un futur humanisé qui ne semble malheureusement guère annoncer celui qui nous attend.
Matt Stewart-Evans - Solo (5/07/2019 - 1631 Recordings)
Rabbit : Toujours de bien jolies choses du côté du label du Suédois David Wenngren aka Library Tapes et de son compère Mattias Nilsson. On y découvre cette fois le néo-classique à la fois lyrique et épuré d’un certain Matt Stewart-Evans, jeune compositeur londonien dont ce mini-album, comme la jetée qui en illustre la pochette, est bien trop court mais s’ouvre sur de vastes promesses. C’est plutôt le versant romantique du genre que l’on retrouve ici, en comparaison d’autres sorties plus atmosphériques et texturées auquel le label nous a habitués, et un élan certain habite ces compositions en mineur mêlant spleen et légèreté (After Eight), ce qui n’empêche pas l’Anglais de jouer sur l’intimité du son direct via ce souffle de l’enregistrement dans lequel se perd bruit des touches (Lulled). Autant dire que l’on va se pencher sans plus attendre sur les précédents EPs du bonhomme, Wander et Three, défendus déjà par la même écurie il y a quelques années.
Elnorton : En effet, le label 1631 Recordings est souvent inspiré pour repérer des artistes à la sensibilité évidente. Matt Stewart-Evans, malgré ses antécédents sur le catalogue cher à David Wenngren, était passé entre les mailles de nos filets. La sortie de Solo constitue donc une belle occasion pour se rattraper, d’autant plus que, malgré un excès de lyrisme qui peut parfois altérer l’immersion (Lulled), l’artiste parvient à toucher l’auditeur dont les poils devraient rapidement se hérisser à l’écoute de merveilles au piano telles que Rush ou ce Retrospect à mi-chemin entre Akira Kosemura et Agnes Obel.
Amantra - As It Always Is / Turning Around EP (3/09/2019 - autoproduction)
Rabbit : Entre vapeurs shoegaze, volutes dream-pop et pesanteur indus des frappes de batterie sèches et métronomiques (As It Always Is), ce nouveau deux-titres du projet le plus multifacettes de Thierry Arnal devrait être la dernière sortie d’Amantra pour un moment, laissant place notamment à l’incarnation plus expérimentale et austère que constitue Scorched Earth Policy Lab. L’occasion pour le Français de distiller mélodies narcotiques et chant planant, participant d’une atmosphère en suspension culminant sur le baroque Turning Around que son crescendo discrètement martial dote d’une montée en intensité suffisamment subtile pour ne pas déjouer l’hypnotisme du morceau.
Kill Em All (DJ Muggs + Mach-Hommy) - Kill Em All (19/08/2019 - Soul Assassins Records)
Rabbit : Un gros cran au-dessus de leur album Tuez-Les Tous de ce début d’année, Kill Em All en est la suite et aussi le blase qu’ont finalement choisi pour enregistrer ensemble le producteur de Cypress Hill DJ Muggs et le rappeur Mach-Hommy. Sorti sur le label Soul Assassins du premier, cet éponyme habité par le flow traînant de l’excellent Tha God Fahim en featuring récurrent contraste d’emblée fortement avec son titre en voyant le beatmaker californien opter pour sa facette la plus atmosphérique et smooth, des boucles soulful de Lady Justice aux jazzy The Omni et Anacaona en passant par l’ambiance à la Kill Bill façon vieux soundtrack japonais de Cessna 210 ou l’introspection futuriste de Force Majeure et Daniel Fast, le travail d’enluminure de l’auteur du superbe Dust culminant sur le baroque et tintinnabulant Mount Tambora avec son atmosphère de giallo irréelle et le final Titanium White. C’est posé, presque lumineux par moments, assez magnifique dans l’ensemble et surtout inattendu après le retour discret de Cypress Hill en mode revanchard l’an dernier, également réussi d’ailleurs, ou l’urbain et sombre KAOS avec Roc Marciano dont Spoutnik nous disait du bien ici.
Jérôme Chassagnard - Wind EP (19/06/2019 - Hymen Records)
Rabbit : Après la mer et l’eau sur Sea viennent l’air et le vent et Jérôme Chassagnard continue d’explorer son idée toute personnelle des éléments tout en déclinant toutes les facettes de sa musique électronique tantôt portée sur l’ambient ou sur une IDM rêveuse et futuriste. Des idiophones ballotés par le vent, grincements boisés et autres vibrations texturées de Through the Trees aux wobbles tournoyants du crépitant Reverse en passant par les guitares stratosphériques et les voix éthérées à l’arrière-plan des beats sur coussin d’air à la Boards of Canada de Carried, le vent lui-même est bien le fil conducteur de cet EP aux sonorités variées mais unies par leur soumission aux mouvements de l’air ambiant. A ce titre, le spleenétique et pastoral Gone with the Wind est un petit bijou, la flûte (il fallait bien un instrument... à vent !) et même le piano semblant vaciller dans la forte brise marine qui les caresse avec un mélange de rigueur toute naturelle et de bienveillance.
Elnorton : En effet, chacune des productions de Jérôme Chassagnard constitue un événement attendu et ce n’est pas avec Wind que le Français commencera à décevoir ses (trop peu nombreux) suiveurs. Le vent est donc à l’honneur sur ces quatre morceaux, de manière indirecte, en générant des scintillements sur Through The Trees, ou directe comme c’est le cas sur l’introduction du génial Carried dont les voix et l’instrumentation, plus qu’à Boards of Canada, m’ont fait penser à l’apogée de Moby. Plus expérimental, Reverse effectue un crochet vers une IDM analogique avant l’apothéose néoclassique que constitue le paisible et évanescent Gone With The Wind. Aussi inspiré qu’à l’accoutumée, Jérôme Chassagnard sait être poétique et rugueux mais, peut-être plus que jamais, une beauté gracile s’empare ici de ses compositions.
Aqka Torr - Excel Sorr // Le Plus Grand Nombre - single (3/09/2019 - MethLab)
Rabbit : Décidément, le projet parallèle de Frank Riggio impressionne un peu plus à chaque sortie (cf. déjà Volgrace dans un précédent Tir Groupé). Pour le coup, on n’a affaire qu’à un deux-titres mais entre cet Excel Sorr orchestral et futuriste mêlant tension et textures désagrégées et les distorsions malaisantes de sa face-B Le Plus Grand Nombre où le beatmaker du Sud-Ouest, avec l’appui du flow éraillé de Lautrec, ravive la flamme dystopique et urbaine de l’Abstrackt Keal Agram à l’entame des années 2000, on est plus que jamais aux aguets des prochaines expérimentations synthétiques métissées d’Aqka Torr.
The Sombre - Into The Beckoning Wilderness (21/06/2019 - autoproduction)
Rabbit : Dernier né parmi les nombreux projets parallèles de Mories aka Gnaw Their Tongues, The Sombre épouse les nuances de gris de l’illustration des enfers par Gustave Doré qui lui sert de cover. Au programme de ce disque old school au meilleur sens du terme, doom de cathédrale aux arrangements épurés, death metal atmosphérique tout en trémolos de guitares, breaks acoustiques laissant entrevoir les lueurs de la rédemption et riffs massues ramenant aussitôt l’auditeur vers les tréfonds, le tout enrobé de chant caverneux fatigué, d’aboiements neurasthéniques et autres incantations de goule vouée à une éternelle damnation, voire même d’un peu de spoken work désespéré sur le mélancolique The Mother of Sin and Ruin. Enfin, avec ses pianotages discrets et des nappes presque doomgaze, Until the Withered Return From the Dark enfonce le clou de cette ambiguïté de musique d’ange déchue coincée quelque part entre le ciel et les rives du Styx, un univers décidément à part quelle que soit l’identité que le Néerlandais décide d’endosser.
Chris Weeks - Long Distance Love EP (17/08/2019 - autoproduction)
Depuis Life Begins dont on parlait ici, Chris Weeks remet discrètement la guitare à l’honneur dans ses morceaux ambient et c’est encore le cas sur Long Distance Love, première de ces deux odes à l’amour fantasmé, imaginé, rêvé, partagé par-delà les distances physiques. Une rythmique syncopée, presque trip-hop, quelques effets langoureux et ces cordes à peine effleurées comme prisonnières d’une boucle d’espace-temps, il n’en faut pas plus au musicien pour évoquer la béatitude languissante et légèrement frustrante de sentiments qui bourgeonnent sans pouvoir encore s’épanouir tout à fait. Puis sur Dreams of US, on est en terrain connu mais les nappes oniriques au hiss chaleureux et aux distorsions nostalgiques de l’Anglais font toujours leur petit effet, de même que ses pianotages surannés sur le mélancolique Across the Pond, très beau single sorti dans la foulée. Quant à ceux qui regretteraient le beatmaking de Kingbastard, son alter-ego a également pensé à vous avec les rythmiques organiques hachurées de l’inquiétant Childhood’s End, pour en terminer avec le tour d’horizon de ses livraisons du mois écoulé.
Jason Lytle sur IRM
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Gnaw Their Tongues / Hagetisse sur IRM - Site Officiel - Bandcamp
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- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
- Oliver Barrett - Splinters
- Jak Tripper - The Wild Dark
- your best friend jippy - Unidentified Friendly Object
- Fennesz - Mosaic
- TVAŃ - Каюсь ?!...
- Mantris - I'm So Many People
- NLC & Wolf City - Turning shadow into transient beauty
- Nala Sinephro - Endlessness
- Félicia Atkinson - Space As An Instrument
- Jlin - Akoma
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