Emilie Zoé + Thousand - Bars en Trans (Rennes)
le 7/12/2018
Emilie Zoé + Thousand - Bars en Trans (Rennes)
Deuxième soirée des Bars en Trans, festival tenu en marge des Transmusicales rennaises, et après O et Camp Claude au 1988 Live Club, c’est à la Chapelle du Conservatoire, lieu dans lequel Tropic of Cancer avait par exemple pu se présenter l’an passé lors de la Route du Rock d’Hiver, que s’est poursuivie notre quête de sensations.
Bien nous en a pris puisque la Suisse Emilie Zoé ouvrait le bal. Forte d’un The Very Start succédant deux ans plus tard à un The Dead-End Tape déjà à l’honneur dans nos colonnes, celle-ci a pu s’imprégner de l’atmosphère toute particulière qui règne dans la chapelle pour communiquer avec un public attentif.
Assistée d’un batteur qui, elle l’expliquera plus tard, fait désormais pleinement partie du projet - d’où le titre de The Very Start pour ce second album qui est en fait le premier dans la configuration actuelle, vous suivez ? -, Emilie Zoé démarre pied au plancher, guitare en main et micro placé devant elle. Et la magie opère immédiatement.
Ce qui est intriguant avec Emilie Zoé, c’est cette capacité à hypnotiser son assistance avec une économie de moyens. Une guitare, une batterie - brillamment assurée, il faut le dire, l’efficacité étant présente aussi bien lors des parties musclées qu’à l’occasion de digressions plus libres - et la voix envoûtante de celle qui est établie à Neuchâtel. Rien de plus. N’allez pas chercher d’autotune - quel gâchis cela serait-il avec une telle voix - ou de quelconques effets électroniques, l’économie de moyens, disons-nous, est parfaitement assumée.
Pour autant, même si les boucles sont d’une efficacité redoutable, les compositions ne tournent jamais en rond. Emilie Zoé joue exclusivement des titres de son second opus, ouvrant avec 6 O’Clock avant d’enchaîner, notamment, avec les sommets Tiger Song et Blackberries (« une chanson qui parle de mûres, mais pas ceux des maisons ») tout en s’offrant quelques expérimentations bienvenues à bases de boucles vocales et d’une furie que l’on jure retenue et qui n’est pas si éloignée de celle de Sonic Youth.
Emilie Zoé se saisit alors de son téléphone, annonce qu’il reste onze minutes et qu’ils ne joueront plus qu’un titre, ce qui lui laisse le temps d’accorder sa guitare tout en récapitulant l’itinéraire qui les a conduits de Suisse l’avant-veille à Rennes, en passant par une nuit dans un Formule 1 et un concert à Montaigu pour jouer dans une salle au plafond étroit, par opposition à celui de la chapelle, tout en hauteur. Et puis, « une chanson pour les marins » débute.
Les fidèles le savent alors déjà, mais Emilie Zoé le précise quand même. Il s’agit de Sailor, titre qui conclut The Very Start et qui, avec ses accords délicats et sa montée en puissance, conduira l’assistance dans une autre dimension. Les voix des deux artistes se répondent, d’abord noyées sous les instruments, puis ils ne restent plus qu’elles. La Suisse s’éloigne du micro, tout en continuant de chanter, se rapproche de son acolyte et tous deux quittent la scène en traversant la fosse pour quitter la salle principale de la chapelle. Leurs voix résonnent toujours et le public, pris de court, n’a plus qu’à applaudir. Le genre de claques dont on ne se remet pas aisément.
Forcément, même si les vingt minutes inhérentes au changement de plateau permettront un relatif break, il est difficile de passer à autre chose, et la prestation de Thousand ne saura égaler celle-ci. Stéphane Milochevitch, entouré d’un batteur et de deux membres d’O - Olivier Marguerit et Emma Broughton qui officie également auprès d’Orouni - ne démérite pourtant pas. Son chant lorgnant sur le spoken word rappelle parfois le Bashung des débuts et après quelques paires de titres, le Français reconnaît qu’il s’est réveillé avec une sinusite qui le fait souffrir lorsqu’il chante.
Le quatuor fait néanmoins le travail, La Vie De Mes Sœurs où Emma Broughton « jure sur la tête de Robert Ménard » fait partie des moments les plus percutants et il est encore question de jurer - « sur la tête de ta mère » cette fois - sur Le Nombre De La Bête. La grande qualité de Thousand réside dans cette capacité à donner un coup de collier aux morceaux lorsqu’ils approchent de leur seconde partie et sont alors souvent transformés, un supplément d’énergie et d’électricité ajouté à des jeux de lumière plus dynamiques étant alors apparent. Malgré la douleur, Thousand est à la hauteur des événements mais c’est bien la prestation d’Emilie Zoé qui hantera nos souvenirs pendant quelques soirées encore…
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