Le streaming du jour #1938 : James Reindeer - 5 EPs (mai/juin 2018)
Dans la foulée du très sombre, intense et désespéré Field Reports From The Western Lands, l’Anglais James Reindeer durcit encore le ton sur une série d’EPs cathartiques, 5 en un mois, comme pour mieux affronter l’adversité qui semble l’accabler dernièrement sur un plan personnel, multipliant les références au hip-hop des bas-fonds new-yorkais, aux giallos italiens, aux films gore des 70s, au gangsta rap, comme un pied de nez à l’hédonisme et au brassage de vent des rappeurs FM.
Supposément mis en musique par un certain 667thHEBEWUZiGOD dont on croisait déjà le blase il y a deux ans sur Court of the Lions, superbe relecture dark ambient de l’album 667, un dénommé Hassan-i Sabbah à la ville (en référence à ce bonhomme, savant, théologue d’un Islam dit "ésotérique", et précurseur du terrorisme politico-religieux via sa Secte des Assassins) que l’on soupçonne très fortement d’être Reindeer lui-même, quatre de ces EPs creusent une veine plus radicale et vindicative, en réaction à la mainstreamisation du hip-hop britannique mais surtout à l’apathie du monde qui nous entoure face aux injustices sociales et aux discriminations de tout poil, s’en référant à Allah avec l’amour plutôt qu’avec la haine de son prochain.
Des intentions louables donc mais pas de réconfort ni même simplement de confort sonore pour autant, en témoigne d’entrée de jeu le minimalisme baroque au beats pesants de MARiOBAVA :667 /hashashinFEDAYEEN sufiWARgraves qui cite le cinéaste culte inventeur du giallo et son héritier Dario Argento mais ouvre aussi la voie sur 667BLACKcrows STORMiNG thePARKhill MOTORcade à l’hommage au Wu-Tang Clan 36CHAMBERSofMAXiMUMdeathCRUSH, lequel en reprend l’instru en ouverture avant d’en décliner le boom bap du caniveau, sans flow cette fois, avec un joli sens de l’abstract haché menu à la RZA (667GLACiERSofRADiOactiveiCEwastes, 667WEAKrapPAViLLiONSinFLAMES), du rap doomesque que les New-Yorkais ont préfiguré (667daysof REDDAWN radioSTATiC) et du sampling cinématographique cher au crew shaolin (SixHundredandSixtySevenNAZiHUNTERS, ou encore BLACKjesusOFnazareth:No.667 avec sa basse très Enter the Wu-Tang).
Plus belliqueux dans ses influences qui donnent notamment dans le sample de BO de vieux film de guerre (iCEwaterDiSCOURSE:NAZiHANGiNGparty.No.667, iCEwaterDiSCOURSE:NAZiSHOOTiNGparty.No.667), le sinistre iCE WATER DiSCOURSE No.667 fait de l’anti-fachisme radical et de la critique du complexe militaro-industriel ses fers de lance (Jane.B.RazorWiRES:NAZiHUNTERS/667), avec un signe de la tête à l’auteur du classique gore hyperréaliste Cannibal Holocaust (RUGGERO.DEODATO ’’667’’ AdrenoCHROMEvalvePOiSON), tandis que BLOODLETTiNGin667 FiELDSof PROJECTblocks, malgré sa pochette en treillis, préfère les frappes plus chirurgicales et sournoises : probablement le plus atmosphériques du lot.
Quant au petit dernier, 667SHXT : COASTAL PACiFiC, étrange hommage au rap west coast, de son courant le plus lascif, le G-funk popularisé par Dr. Dre et sa cohorte de suiveurs au tournant des 90s, aux expérimentations soulful et psychotropes de Madlib et J Dilla (667answers) en passant par le gangsta rap, il déjoue les sonorités parfois racoleuses et débauchées du premier (YOUknowHOW667DOit) avec une bonne dose d’amour fraternel, d’appel à la tolérance et aux changements positifs (le syncopé WHENiGETto667 que Reindeer dédie à sa mère récemment décédée) ou leur associe un esprit vénère et engagé (le déglingué The667ANTHEM adressé aux imposteurs de tous bords, petit clin d’œil au toupet de Trump inclus) et des productions plus organiques et inquiétantes (667bottleROCKETS over F.E.M.A.camp L.A. ou le gothique THROWyour667iNtheAiR en intro), marquées entre autres par le collectif Soul Assassins de DJ Muggs (l’explicite 667soulASSASSiNS au piano délicieusement insidieux), jusqu’à un final à la limite de l’horrorcore (DOWNforWHATEVER’s667). Assurément la plus belle et improbable réussite de la série, que l’on vous encourage à soutenir pour quelques euros via Bandcamp afin qu’elle continue !
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