Eels - The Deconstruction
Au final, qu’est ce que déconstruire ? De quelle manière et à quelles fins entreprend-on pareille démarche ? Avec un tel titre d’album, nous sommes en droit de nous poser la question et, comme il nous y avait déjà habitués avec de vagues concepts semblant parfois n’être que des prétextes pour la partie promotionnelle de ses disques, E n’y répond pas entièrement ici.
1. The Deconstruction
2. Bone Dry
3. The Quandary
4. Premonition
5. Rusty Pipes
6. The Epiphany
7. Today Is the Day
8. Sweet Scorched Earth
9. Coming Back
10. Be Hurt
11. You Are the Shining Light
12. There I Said It
13. Archie Goodnight
14. The Unanswerable
15. In Our Cathedral
On se souviendra ainsi, par exemple, de l’argument d’une trilogie constituée d’Hombre Lobo, End Times et Tomorrow Morning alors même que le tissu commun de ces disques - outre leurs dates de sortie rapprochées - apparaissait de manière peu évidente. Qu’importent donc les artifices et place à la musique. Et au changement comme le clame Mark Oliver Everett sur Today Is The Day, deuxième single - le plus entraînant mais aussi le plus évident - du disque ?
Le changement ou le retour aux sources les plus créatives, on y croit fort avec le premier titre homonyme dont les ambitieuses cordes frottées rappellent rien de moins que les méandres et l’inventivité d’Electro-Shock Blues. Assez rapidement, il faut toutefois se rendre à l’évidence : on ne se débarrasse pas aussi facilement de tics accumulés en près d’un quart de siècle.
Today Is The Day donc, mais également You’re The Shining Light, recyclent certaines bonnes idées de la discographie de Eels, particulièrement en ce qui concerne les transitions entre quelques riffs dévastateurs mais également à l’occasion de la ballade au piano There I Said It qui rappelle A Line In The Dirt, titre lui-même grandement inspiré par un Manchester Girl composé lorsque Everett signait encore ses disques sous l’alias E.
Outre le morceau initial apparaissent cependant quelques fulgurances évidentes, particulièrement sur les titres les plus enlevés comme sur le sommet Bone Dry et ses contrepoints stimulants ou à l’occasion de la douce amertume d’un Rusty Pipes transcendé par des synthés mélancoliques évoquant parfois même l’époque Beautiful Freak.
Toutefois, ces éclairs de génie bien présents rappelant essentiellement l’énergie rock de Wonderful, Glorious teintée de la fausse candeur de Daisies of the Galaxy (Sweet Scorched Earth et ses arpèges de guitare mêlés aux cordes frottées est avec The Unanswerable l’une des rares ballades renversantes du disque) sont noyés au milieu d’interludes trop nombreux et de titres plus mélancoliques sur lesquels l’aspect caustique et le second degré indispensables chez Eels n’apparaissent pas suffisamment.
En somme, après un The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett agréable mais manquant d’ambition dans sa globalité, Eels ne parvient pas à retrouver les cimes de Wonderful, Glorious ou Hombre Lobo pour ne citer bien sûr que des disques sortis il y a moins de dix ans. The Deconstruction est plus intéressant que son prédécesseur grâce à ses fulgurances mais, avec une première moitié de très bons morceaux rock et une seconde remplie de ballades parfois redondantes, il ne ressemble pas à un véritable album.
La déconstruction consisterait-elle, pour celui qui a hésité à arrêter la musique après un burn out sur la tournée précédente, à se moquer toujours plus des avis extérieurs et à balancer ses créations comme elles viennent ? Peut-être. Mark Oliver Everett a 55 ans, et il faut bien se mettre en tête que ses chefs-d’œuvre sont derrière lui.
Il ne fera sans doute plus que de bons albums comme celui-ci. C’est déjà ça, les cinq ou six morceaux les plus excitants deviendront probablement des classiques. Néanmoins, pour la première fois, l’Américain ne parvient pas à faire de l’une des sombres périodes de sa vie une source d’inspiration extraordinaire sur le plan musical. Bon mais pas excitant, tel pourrait ainsi être résumé ce disque à ranger aux côtés du sous-estimé Tomorrow Morning.
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