2017 - une année metal (par Riton et Rabbit)
La typo de notre logo 2017 customisé par l’excellent Cody Drasser de Caulbearer parle d’elle-même, il y aura énormément de black metal dans ce classement, et d’extrémités en tous genres allant du grind au doom en passant par les oripeaux noise et indus fièrement portés par des groupes mélangeurs qui ont pourtant toutes les raisons de figurer ici, au regard des méandres tentaculaires que déploie aujourd’hui dans toutes les directions la mappemonde du genre.
Quant aux amateurs de heavy metal anachronique, de riffs à 12 doigts, de fusions prog improbables ou de chant clair ultra-lyrique, il faudra trouver d’autres pourvoyeurs (à commencer pourquoi pas par cette chouette liste de notre ami Cyrod), car s’il y a bien un point commun entre tous ces choix, c’est une sauvagerie plus viscérale que technique, la régression primale plutôt que le kitsch et le gras, et une certaine sobriété qui met l’atmosphère devant le folklore (cf. les pochettes, qui ne feront fuir personne a priori), au point de reléguer aux portes du classement de bons disques plus rentre-dedans telles que ceux d’Unsane ou surtout d’Iron Monkey (dont on parlait ici).
Faute de vrai consensus et faute de place évidemment ou de temps pour les rajouter en bonus, pas non plus de Loth (dont Leoluce disait par là tout le bien qu’il en pense), de Wolves in the Throne Room (via un retour presque onirique au black metal) ou encore du très bon Converge qui cache la forêt des sorties metal de qualité chez nos confrères, idéalement partagé entre hymnes forcenés et plus déliquescents... mais gageons qu’après avoir jeté une oreille masochiste à toutes les pépites ténébreuses et viciées qui vous font de l’œil ci-dessous, vous n’aurez plus vraiment le cœur à nous le reprocher !
Nos 20 albums metal de 2017
"Des friches post-indus rampantes de Rat aux fantasmagories marécageuses d’un Triptych qui doit autant à Coil ou à Current 93 qu’au doom, du moment que ça scie-saute, que ça larsène et que ça découpe des bouts de tympans c’est du pain béni pour le sextette new-yorkais Gnaw, et l’on n’imagine guère que The Body (cf. le martelé, harsh et tourmenté Extended Suicide, cousin de l’univers des Portlandiens) dans le paysage metal pour rivaliser avec l’insidieux bruitisme halluciné des ces missives malsaines, mutantes, malades et mélangeuses, qui versent plus ouvertement dans le metal extrême et son grunt de goblin sur Septic avant de le faire entrer en collision avec l’avant-garde psyché/noise sur Wrong puis d’en faire voler en éclats les derniers oripeaux sur le très (dark) ambient et lynchien Prowled Mary, où le leader Alan Dubin, vocaliste de feu Khanate, substitue aux cris du génialement habité Fire des chuchotements encore plus malaisants. Autant dire qu’à l’image des abstractions crâniennes belliqueuses et mortifères de sa cover, Cutting Pieces devrait vous hanter longtemps..."
(Rabbit)
"Forts d’un déjà bien impressionnant One Day You Will Ache Like I Ache en commun chez Neurot l’année précédente, les hardcoreux ricains de Full of Hell s’associent à nouveau avec le duo metal/noise mutant de Portland, The Body (dont le récent EP autoproduit A Home on Earth vaut également son pesant de souffrance auditive et d’envoûtement crépitant et larsenisant). Si Ascending a Mountain of Heavy Light persiste par moments dans le doom noisy aux nappes électriques liquéfiées et déstructurées plein de hurlements de torture et de riffs plombés, les beats post-industriels voire pratiquement techno (Earth is a Cage) se font cette fois particulièrement apocalyptiques entre deux échappées plus free (Our Love Conducted with Shields Aloft), donnant des élans de fin des temps à un album qui semble faire de la déchéance amoureuse le combustible de son atmosphère déliquescente, bien qu’étrangement le chant fantomatique de Chrissy Wolpert qui hantait les précédents opus de The Body s’y fasse très (trop ?) discret."
(Rabbit)
"En 2009, l’aéronef de Lille organisait le festival Children of Doom, mettant alors en avant la lenteur et la noirceur si caractéristiques d’un style si peu prompt aux effusions de joie. Amen Ra fêtait ses 10 ans et venait de sortir Mass IIII, bénéficiant déjà d’une aura toute particulière les conviant à enfoncer le clou du spectacle. Aujourd’hui, 8 ans plus tard, les Belges ont bien creusé la tombe, continué à faire des disciples et multiplié les projets. Ces enfants du doom prouvent qu’ils ont extrêmement bien grandi. Mass VI est un chef-d’œuvre, suintant d’élégance et de sensibilité, violent et écorché, à fleur de peau, l’ambiance est moins lourde et compacte que sur son délicieux prédécesseur, l’ensemble est plus mélodique, mélancolique, Colin H. Van Eeckhout laisse un peu de place au chant clair et à la langue française... c’est frissonnant, ahurissant, tout simplement beau !"
(Riton)
"Le projet parallèle du vocaliste de Nihill n’a rien perdu de sa sauvagerie sur ce 2e opus toujours défendu par Season of Mist, qui a également publié l’an passé la première réalisation des excellents Ulsect où se démènent dans une veine plus atmosphérique et rampante deux autres membres de ce combo néerlandais (cf. plus bas). Toutefois, depuis l’éponyme d’il y a 5 ans, ce qui apparaissait alors comme une récréation cathartique pour Michiel Eikenaar s’est mu en une véritable monstruosité tentaculaire dont le black metal, brutal et frénétique mais également d’une densité impressionnante, irradie de volutes malfaisants pour mieux souiller et convertir aux ténèbres tout ce qui passe à sa portée, jusqu’à un final lovecraftien au dark ambient profondément malsain."
(Rabbit)
Niquez Bien Tous Vos Mères à coups de double pédale forcenée et de riffs bien fangeux, d’emblée on sait que les Lyonnais ne nous veulent pas du bien. Inclassable et rageur comme pas deux, ce troisième opus de Neige Morte est sans doute avec l’album d’Endon qui suit l’un des plus jusqu’au-boutistes de ce classement, le trio malmenant tout autant les tympans avec la tornade black/death d’un Du Blev Min Demon au growl agonisant ou le bien dégueulasse, noisy et belliqueux De Dödas Röster au break tribal-ambient inattendu qu’au gré du suffocant Le Lac, morceau-fleuve aux incantations méphitiques martelées directement dans nos crânes jusqu’à la nausée, qui se déverse finalement dans le canal (historique mais versant radical) d’un black metal infiniment noir et plombé pour finir le boulot les mains serrées sur nos gorges meurtries en 3 ultimes minutes de strangulation bourdonnante. Sorti mi-décembre, un cadeau piégé de fin d’année dont on ne s’est pas encore remis.
(Rabbit)
Découverts grâce à mon compère Riton, les Tokyoïtes d’Endon ont fait ma fin d’année, capables d’un metal abrasif et tribal à l’extrême limite du harsh noise (Nerve Rain, infusé de dissonances électroniques malaisantes) comme de purs moments de hardcore braillard d’une sauvagerie insensée dans la grande tradition du screamo psychotique japonais qui malmène les tympans sans vergogne (Born in Limbo, Through the Mirror), de saillies grind schizophréniques (Pensum) et de déluges larsenisants flirtant avec un black metal bruitiste et frénétique (Your Ghost Is Dead), mais aussi de moments où l’atmosphère s’extrait des murs de bruit blanc, des 10 minutes doomesques de Perversion Til Death au final sludgy d’un Torch Your House psyché aux entournures voire même presque space rock. Un album inclassable en somme, que ses auteurs qualifient faute de mieux de "catastrophic noise metal", et quoi de plus approprié en effet pour décrire un ovni tel que Postsex, véritable concentré de torture auditive et de régression brute ?
(Rabbit)
"Sorti sur le "sous-label extrême" de la déjà bien extrême écurie metal sudiste Season of Mist que le monde entier nous envie, ce premier opus du quintette néerlandais ne nous a pas empêchés de claquer un peu plus haut dans ce classement le dernier Dodecahedron à la sauvagerie black metal tentaculaire et forcenée. Mais Ulsect, où l’on retrouve notamment l’ingé son/guitariste Joris Bonis et le batteur Jasper Barendregt échappés de ces derniers, est une entité propre, aux progressions moins véloces et plus marécageuses dont les accès d’épilepsie lors desquels le chanteur Dennis Maas growle comme un perdu s’entrecoupent de longs passages instrumentaux où la menace des guitares et des nappes de fuzz et de saturation se fait plus insidieuse et rampante."
(Rabbit)
Pur produit de la fabrique de grindcore britannique, Corrupt Moral Altar est entre autres formé par Chris Reese, vocaliste des excellents Evisorax et de John Cooke, guitariste de Venomous Concept. Quand on sait que ces deux là ont aussi posé les pieds sur scène avec Napalm Death, on se doute d’emblée dans quoi l’on s’embarque. Mais Corrupt Moral Altar n’est pas un simple groupe de grind, c’est un déluge de rock’n’roll, de sludge et de hardcore. C’est punk à souhait et jouissif, c’est survolté et intelligent, si bien qu’on ne s’ennuie jamais. Et ça se targue même, avec le poignant Five Years (dont je parlais ici), d’offrir l’un de mes morceaux préférés de l’année tous genres confondus, mais aussi le successeur inespéré d’un album qui 3 ans plus tôt avait déjà brisé bon nombre de cervicales.
(Riton)
"La pochette sombre à l’ironie malsaine de ce deuxième opus des New-Yorkais cache l’un des albums de metal du cru 2017 aux inspirations les plus équilibrées, mêlant mélodies post-grunge (Snake in the Grass), violence hardcore (Penalty Scar) et atmosphères d’une lourdeur asphyxiante (Folk Song), le final Won’t Come lorgnant carrément sur le doom pour 9 minutes de calvaire larsenisant où Megan Osztrosits, impératrice de l’auto-dépréciation, se perd dans un monologue nihiliste moins brutal que ses beuglantes étranglées des titres précédents mais finalement tout aussi dérangeant. Résultat, une belle 4e place dans notre bilan de l’été."
(Rabbit)
Sans The Body, le quatuor du Maryland donne la pure bestialité, quelque part entre grind en roue libre, black metal régressif et punk hardcore du côté obscur. Alternant violence laminaire aux échanges growl/grunt belliqueux (Branches Of Yew, Digital Prison) et courts moments de relatif répit aux lignes de guitare plus alambiquées (The Cosmic Vein), aux atmosphères cataclysmiques (Bound Sphinx, Gnawed Flesh) ou encore sur le morceau-titre aux incursions noise-ambient oniriques (via le chant de la Canadienne Nicole Dollanganger), Trumpeting Ecstasy en est une nouvelle preuve, du haut de ses petites 24 minutes épuisantes - au sens extatique du terme évidemment - de brutalité cathartique, invitant (forcément brièvement) au micro Aaron Turner (Old Man Gloom, Mamiffer) sur l’affolé Crawling Back To God ou encore Nate Newton de Converge sur At The Cauldron’s Bottom, final martial qui nous emmène gentiment vers la tombe - et qui représente à lui seul un quart de la durée du disque.
(Rabbit)
"Des chorales de riffs décadents, du grunt vindicatif, des arpèges déliquescents de guitare ambient aux effets chamaniques ou même du no man’s dark ambient grouillant et déboussolant d’un final à la croisée de Coil et de John Carpenter, difficile de dire ce qui est le plus déglingué chez l’ultra productif Adam Kalmbach qui se cache derrière ce projet, sorte de Primus tabassé à coups de rangers cloutées dans une ruelle malfamée d’Oslo qui aurait viré black metal pour mieux se mêler à la faune locale et fomenter sa vengeance. Ce qui est certain par contre, c’est que cet Oviri est un digne successeur de l’excellent Perdurance de 2016, encore plus démesuré du haut de ses 75 minutes et sans doute encore plus fatigant pour les non-initiés, qui devront être d’humeur dissonante pour apprécier la découverte."
(Rabbit)
"Écouter un album de Vassafor, c’est vouloir s’aventurer dans quelque chose de poisseux et mystique à la fois, dans un amas de riffs death cauchemardesques, c’est céder à l’appel de rituels aliénants. Debemur Morti a l’extrême honneur de présenter le deuxième long format du duo néo-zélandais en 20 ans d’existence, cinq ans après un Obsidian Codex malaisant à souhait, concentré de noirceur difficilement égalable. Pourtant la Malediction s’abat encore sur nous avec la même hargne, le même sadisme qui lui vaut son culte. Vassafor est grand... très grand !"
(Riton)
"Si l’on retrouve un peu dans la section rythmique les crescendos tempétueux de Sannhet sur ce premier opus du quatuor new-yorkais qui partage avec ces derniers son batteur Christopher Todd, Low Estate, emmené par des membres de The Year Is One et Made Out Babies n’aura pas pour autant déçu nos expectations en tapant dans un hardcore frénétique repeint aux couleurs funéraires d’un black nauséabond et forcené, des incantations satanistes se superposant à un grunt de goule en furie pour mieux shooter dans la grande fourmilière des genres. Violente et addictive, l’une des grosses claques metal de ce cru 2017 dont on suivra assurément de près les auteurs dans leurs futures déambulations cathartiques."
(Rabbit)
Bien que l’on espère chaque année avec plus d’impatience encore retrouver Justin K. Broadrick avec l’un des ces projets hybrides qui intéressent peu les amateurs de metal canal historique, de Council Estate Electronics à JK Flesh en passant par The Blood of Heroes ou surtout les géniaux Greymachine avec Aaron Turner, dont le harsh metal bruitiste et abstrait du génial Disconnected de 2009 est jusqu’ici resté sans suite, ça fait toujours plaisir de se glisser un nouveau Godflesh dans le creux de l’oreille. Surtout lorsque le Britannique et son bassiste G. C. Green renouent en surplomb des boîtes à rythmes metal indus avec une atmosphère plus déliquescente et viciée (Mirror Of Finite Light, Pre Self) voire abrasive et cauchemardée (Be God, The Infinite End) aux lignes de guitares dissonantes et alambiquées (Post Self, No Body) et aux synthés de fin des temps (Mortality Sorrow), trois ans après un A World Lit Only by Fire plus binaire aux riffs heavy et aux vocalises proto-grunt quelque peu datés. Cerise sur le gâteau d’un grand cru donc, Broadrick met la touche finale en solo en tant que JK Flesh, avec un remix technoise bien malfaisant au vortex d’échardes électriques et de beats décadents.
(Rabbit)
Il aurait été bien dommage de passer à côté de celui-là ! Et je dois dire que malgré tous leurs efforts ça a été le coup de foudre. Avec Friendship, ne vous attendez pas à une effusion de bons sentiments et d’amitié, mais plutôt comme l’indique le titre (et les titres) du rejet en masse, de la hargne misanthrope. Le hardcore des Japonais peint la noirceur des intentions humaines les plus viles, sans répit nous assène des riffs lourds dans le dos, les accélérations tranchantes du meilleur grind/powerviolence larsenant des tympans aux viscères. Malgré mon amour, ces cousins du levant de Full Of Hell ne sont pas là pour me faire plaisir... c’est agréable !
(Riton)
Après maintes et maintes écoutes on ne sait toujours pas qui est Genevieve... et avouons que ça a quelque chose de perturbant, d’étrange... Ce n’est pas une vieille dame ça c’est sûr ! Le quartet du Maryland n’est pas resté courbé sur son déambulateur après un Escapism dont mon seul souvenir n’est étrangement que sa très belle pochette. La brutalité perverse de ce précédent album m’aura laissé beaucoup moins de stigmates que ce Regressionism grandiose. Pour cause, le groupe bien décidé à repousser ses limites a changé d’instruments, exit la guitare baryton fretless et bonjour la 7 cordes : moins de basses et plus de texture, un son plus versatile, pour un black metal surprenant, mystérieux et survolté... et rien de moins que l’un des albums de musique extrême qui m’aura sûrement fait le plus frissonner en 2017.
(Riton)
On parlait dans l’intro de régression primale, cet album de Death Toll 80k en est la parfaite incarnation. Prônant la révolte et la désobéissance civile dans la grande tradition du punk anglais, le grind des Finlandais aux racines HxC encore bien saillantes est surtout un grosse tranche de fun néandertalienne et décadente, habitée par les constantes itérations débilitantes d’une espèce de dialogue de sourd entre les borborygmes respectifs d’un orc et d’un goblin, growl monocorde et piaillements grunt qui se répondent selon diverses modalités toutes plus primitives les unes que les autres au son des blast beats et des déluges de riffs larsenisants.
(Rabbit)
"Récemment mis en lumière par l’annonce de leur participation à l’édition 2018 de l’Obscene Extreme Festival, qui marquera alors les 20 ans d’une grand messe du grindcore, du crust et autres joyeusetés extrêmes DIY, les God Mother en ont profité pour nous balancer une deuxième salve d’agression sonore pour faire suite à un Maktbehov (2015) déjà bien corsé mais nettement moins puissant. Chaotiques et épileptiques, les Suédois font le pont entre un ’’alambiquisme’’ rythmique à la The Dillinger Escape Plan (Vilseledd étant d’ailleurs sorti chez Party Smasher Inc., label du guitariste Ben Weinman) et la force de frappe chirurgicale de tout ce que la scène scandinave a donné de bon, côté Nasum, Rotten Sound ou The Arson Project. Varié, imprévisible, lorgnant jusqu’aux confins de plans sludge, d-beat ou de l’écorche black, par conséquent loin de tout repos : tout y passe, même nos cervicales et ce qu’il nous reste de neurones, mais surtout pas notre ennui."
(Riton)
Le chanteur s’appelle Will Smith ! Mais il n’a rien d’un prince de Bel Air... il est plutôt un seigneur des ténèbres à la voix caverneuse issu d’un roman de science-fiction des plus sombres. Car il est bien question de SF ici, de death black technique et progressif au service d’une dystopie chaotique, de contrées lointaines habitées en décrépitude. Mais l’horizon infrarouge de ce nouvel opus laisse filtrer beaucoup plus d’espoir qu’il n’y parait. Artificial Brain accentue l’émotion et la mélodie là où Labyrinth Constellation (2014) n’envisageait qu’une noirceur cataclysmique, pugnace et monobloc. Le futur plus clément de ce disque se transforme en épopée, celle d’un humanoïde déchu mais combatif, symbole de civilisations à la dérive qui tentent de se relever.
(Riton)
"Du haut de sa piste unique d’une heure 23 minutes, on conseillera surtout ce beau troisième opus du duo de Seattle aux amateurs de funeral doom bien élégiaque, exsangue et déprimant, avec ses liturgies de chœurs neurasthéniques, son growl rampant, ses sérénades pour un monde en déclin et ses lentes, très lentes - et austères - progressions dramatiques."
(Rabbit)
Nos bonus perso
Rabbit :
Primitive Man - Caustic (Relapse)
"Sans égaler tout à fait le puits de tourments fangeux et de désespoir enragé du parfait EP Home Is Where The Hatred Is, Caustic s’avère, après deux titres d’ouverture au sludge blackisé plus convenu, un digne successeur lugubre et barbelé à l’implacable Scorn d’il y a quatre ans mais en plus rampant et pesant, le trio de Denver plongeant ici plus profond que jamais dans les abysses d’un doom crépitant et larsenisant qui décline ses nuances de noir avec une lenteur consommée sur des purgatoires de 10 à 12 minutes au growl tantôt vindicatif ou supplicié (Commerce, Disfigured, Inevitable), avant d’en terminer dans les limbes dark ambient d’un Absolutes qui nous condamnera pour de bon à la damnation pour avoir osé prêté l’oreille à pareille prophétie de fin des temps."
Tombs - The Grand Annihilation (Metal Blade)
Toujours emmené par le guitariste et vocaliste Mike Hill dont le timbre lors de ses passages au chant clair évoque plus que jamais un Nick Cave d’outre-tombe (cf. Underneath, Walk with Me in Nightmares ou Saturnalian), le combo brooklynite a été quelque peu ignoré par nos confrères des magazines spécialisés à l’heure des bilans de l’année écoulée. The Grand Annihilation n’a pourtant pas grand chose à envier au sommet Path of Totality, unanimement célébré il y a 6 ans, en terme de brutalité à la fois massive et par moments presque aérienne, minimaliste et néanmoins technique à l’occasion (la coda de riff à 12 doigts à la fin d’Old Wounds), et qui fait toujours feu de tout bois, associant des éléments du black metal (la section rythmique), du sludge et surtout du post-metal pour mêler atmosphère sépulcrale aux chutes de tempo crasseuses et une redoutable efficacité.
Blut Aus Nord - Deus Salutis Meae (Debemur Morti Productions)
"Le combo black ésotérique qui a mis le Calvados sur toutes les cartes du metal expérimental sans concession en avait déçu plus d’un avec les deux derniers opus aux relents prog de sa trilogie 777, entre chant clair trop lyrique et synthés cheap. Après un Memoria Vetusta III sans ampleur ni surprise, le split Codex Obscura Nomina avec Aevangelist les avait heureusement vus se relever sur 4 titres mélangeurs et malaisants aux fantasmagories sacrificielles à couper au couteau, et c’est dans cette continuité que s’inscrit Deus Salutis Meae, black metal post-indus asphyxiant et distordu d’un côté et atmosphères déliquescentes de l’autre pour un concentré d’occultisme radiant dont les chants rituels semblent appeler à l’implosion de l’univers."
Ufomammut - 8 (Neurot Recordings)
A ceux qui aiment à prétendre que le trio transalpin fait un peu toujours le même album depuis 18 ans - comme si la singularité de son space doom post-métalleux aux effluves psyché ne se suffisait pas à elle-même de toute façon -, nous répondrons de se plonger dans de meilleures conditions dans la production particulièrement nébuleuse de ce 8 toujours aussi épique mais donc les nappes de saturation encore plus vaporeuses qu’à l’accoutumée se doublent sur Babel, Zodiac ou Prismaze d’oscillations kosmische et autres fourmillements électroniques aussi denses qu’évanescents, tandis que les effets liquéfiés de Core ou surtout de Wombdemonium au chant subaquatique donnent l’impression d’un pandemonium savamment contrôlé dont le magnétisme désoriente autant qu’il attire. Donc oui, Ufomammut continue clairement de creuser son sillon mais il le fait avec un tel regain de profondeur à chaque sortie qu’il serait difficile de s’en lasser.
Sannhet - So Numb (Profound Lore)
Si l’on conseillera surtout aux amateurs de gros son qui découvrent le groupe la réédition il y a deux mois par The Flenser du cyclonique Known Flood, meilleur album de post-metal de la décennie ou pas loin, ce nouvel opus de Sannhet qui partage son batteur Christopher Todd avec le quatuor Low Estate dont on parlait plus haut ne démérite pas pour autant en terme de dimension épique, les trois New-Yorkais choisissant ici de travailler avec le producteur indie Peter Katis (The National, The Twilight Sad, Interpol) pour insuffler un peu d’espoir et d’élans de vie dans leur post-metal fataliste plus proche du post-rock cette fois sur des morceaux aux crescendos atmosphériques moins martelés tels que Fernbeds ou Secondary Arrows et plus que jamais infusé aux murs de guitares bouillonnantes, tourbillonnantes et délicatement dissonantes du shoegaze. Toujours incandescent via sa section rythmique mais plus mélodique et irradié d’un défaitisme plus diffus que plombé, So Numb est le genre de parfaite porte d’entrée que les novices du genre pourront emprunter pour immigrer illégalement en Postmetalie par son versant le moins escarpé.
Cranial - Dark Towers / Bright Lights (Moment of Collapse)
Un très bon disque de post-metal tempétueux aux riffs sludgy de la part du quatuor allemand formé sur les cendres d’Omega Massif, que l’on aimait beaucoup à IRM. En quatre longues pistes de 11 minutes chacune aux crescendos massifs et volontiers brutaux (cf. Towers et ses beuglantes d’apocalypse ou encore Bright et ses pilonnages guitare/batterie sans merci), Cranial parvient à donner corps à la mythologie d’épopée occulte qui accompagne le titre et la pochette de ce successeur de l’EP Dead Ends, avec l’appui sur les intros de synthés futuristes et cinématographiques à souhait.
Wheelfall - The Atrocity Reports (Apathia Records)
"On retrouve le quintette nancéien de Fabien W. Furter - désormais bien loin du stoner des débuts - pour un troisième opus qui substitue au post-metal cinématographique et phagocyte de l’acclamé Glasrew Point (2015) un metal/indus nettement plus cathartique et rentre-dedans, dont les vidéos assez dérangeantes portent un regard ambivalent sur la violence, entre fascination et dégoût. Une série de cyclones belliqueux qui n’en ménage pas moins quelques accalmies plus atmosphériques (A Murmuring Swarm, qu’on croirait sorti d’une BO de John Carpenter) voire même sur Black Bile les incursions vocales d’un romantisme décadent qui doit autant au rock gothique qu’à Bowie ou David Sylvian."
Riton :
Throane - Plus Une Main À Mordre (Debemur Morti Productions)
"En l’espace de deux albums seulement, Throane passe du statut de simple énième side project (Dehn Sora, son créateur, officie au sein de Treha Sektori et Ovtrenoir) à celui d’indispensable. Chaos, désolation, malaise, inconfort au programme... la lumière est toujours bel et bien derrière nous, tellement loin que l’on n’en perçoit les reflets qu’à partir de la fin, lorsque l’atmosphère se fait plus éthérée mais pas moins étrange, portée par le chant de Colin H. Van Eeckhout (Amen Ra) en invité de marque. A l’image d’un album de Blut Aus Nord, dont la filiation paraît évidente (même label, mêmes aspirations, mais un background industriel beaucoup moins prégnant), il est ensuite très très dur de s’en remettre !"
Sloth Herder - No Pity, No Sunrise (Grimoire Records)
Une nouvelle preuve formelle que le label Grimoire Records est on ne peut plus à surveiller : cet amalgame de death technique dissonant, de hardcore chaotique et de grind, à la voix écorchée. Pour un premier album, c’est un sacré album !
Fange - Pourrissoir (Throatruiner)
On a déjà dit beaucoup de bien des Fange au moment de la sortie de Purge (2016)... la question étant maintenant, comment font-ils pour faire encore mieux et aussi vite ? Le son creuse encore plus profond dans la chair, putride, poisseux. Jamais sludge n’aura été aussi malsain que lorsqu’il s’aventure comme ici dans le bruitisme le plus radical. Vivement le prochain !
Heir - Au Peuple de l’Abîme (Les Acteurs de l’Ombre Productions)
"Avec Regarde les hommes tomber, Au-Dessus, Déluge et maintenant Heir, Les Acteurs de l’Ombre semblent avoir fait du post-black metal l’un de leurs styles de prédilection. Il y aurait de quoi se lasser, pour nous, et se casser les dents, pour eux, si seulement ils n’avaient pas autant le nez creux. Le combo toulousain nous sert un premier album d’une maturité exemplaire, sombre et épique, qui s’engouffre dans une épaisse brume de black metal rapidement exécuté, noyée dans les couches électriques, clairsemée de rayons de soleil gracieux bienvenus. Continuer dans cette voix devrait permettre aux Heir de se faire une place de choix sur la scène hexagonale, à n’en point douter !"
DSKNT - PhSPHR Entropy (Clavis Secretorvm)
Découvert sur le fil du rasoir, ce one-man-band suisse a beaucoup à enseigner en matière de black rampant et malsain, lent et inconfortable. La guitare tournoie autour de l’auditeur comme un poison occulte qui démange et ronge, ronge jusqu’à la moelle. On s’oublie vite et l’on se réveille en sueur, comme possédé. La réponse helvète au Malediction de Vassafor !
Au-Dessus - End Of Chapter (Les Acteurs de l’Ombre Productions)
J’évoquais justement Au-Dessus au-dessus. Si End Of Chapter est un album de post-black comme les autres, c’est aussi l’un des plus réussis de cette année qui en aura vu passer un paquet... Au-Dessus, lituanien comme le nom ne l’indique pas, joue la carte du clair-obscur à son paroxysme, jamais totalement noir, entre violence froide et lumière. Certes le groupe n’est pas au dessus du lot, mais arrive à largement tirer son épingle du jeu.
The Ruins Of Beverast - Exuvia (Ván Records)
15 ans après sa formation, le one-man band de l’Allemand Alexander von Meilenwald présente sa pièce maîtresse, Exuvia, digne successeur du déjà parfait Blood Vaults sorti 4 ans plus tôt : black metal chamanique, doom incantantoire, noirceur lancinante échappée de plaines amérindiennes désolées à des milliers de kilomètres de son auteur et pourtant si prégnantes... comme si le musicien à travers son art s’était insufflé un voyage initiatique et occulte duquel il n’était pas revenu indemne, et qui ne nous laisserait pas indifférent.
Logo original par Cody Drasser.
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