S.H.I.Z.U.K.A. - Illusion
Cela dure depuis 2013 et S.H.I.Z.U.K.A. poursuit sur son rythme de croisière, loin d’être celui d’un sénateur, avec une sortie annuelle défendue par Chez.Kito.Kat. Et si la régularité dont il fait preuve pourrait laisser craindre une routine quelconque, la complexité et l’ambition de ses expérimentations n’a jamais permis à cette idée d’être sérieusement étudiée.
1. Yuugen’
2. Devotion
3. Freeter
4. Takotsubo
5. Natural Enemies
6. Kyomu
7. Disorder Part 3
8. X.c.l.s.n.
9. Hibakusha
10. Trouble
11. Illusion
12. Metal Soul
13. Low
14. Karoshi
Dès les modulations des synthétiseurs d’un Yuugen’ introductif, l’auditeur est d’ailleurs entraîné dans un tourbillon neuf qui contraint à interroger son propre rapport à la folie. Illusion semble être l’un de ces disques qui imposent de se soumettre en permanence à des questions sur son propre rapport aux choses.
En se rapprochant d’un post-dubstep stellaire aux entournures, Devotion expérimente surtout la question du vide et de l’absence, les boîtes à rythmes étouffées ne traduisant alors que les outils artificiels utilisés par l’humain pour masquer sa solitude. L’expérience continue sur Freeter avec une IDM granuleuse qui suit un spoken word explicatif et introductif. Difficile de comprendre où nous sommes précisément. L’ambiance n’est pas fondamentalement nouvelle, mais l’univers de S.H.I.Z.U.K.A. évolue de manière assez claire, et c’est à une expérience de tous les instants que l’auditeur se sent confronté.
Rares sont les disques qui parviennent à ce point à inverser le rapport de force entre l’auditeur, juge tout-puissant de la qualité d’un disque auquel il n’a nullement contribué, et le compositeur. S.H.I.Z.U.K.A. serait ici le tout-puissant ayant tous les droits sur un public en apnée.
Le Français relâche finalement la pression, c’est du moins ce que l’on peut d’abord penser, sur un Natural Enemies dont les nappes plus planantes contrastent avec des boîtes à rythmes ancrées dans un sol qu’elles écrasent, alors qu’une voix féminine aussi envoûtante qu’absolument pas concernée par l’idée d’un éventuel partage, déploie ses ailes (ou ses griffes, c’est selon) sur un environnement qui devient de plus en plus martial.
Si la première partie du disque donnait à l’auditeur le sentiment d’être piégé dans un univers pas si désespéré qu’à l’accoutumée, Illusion évolue clairement vers les sphères apocalyptiques chères à S.H.I.Z.U.K.A. Aussi, l’IDM industrielle de Kyomu réinvestit des sphères plus proches de celles de You’re Struggling In The Dark ou Isolated, ses deux précédents opus, avant que Disorder Part 3 n’approfondisse ce versant sombre et mécanique, qui pourrait être appréhendé comme un dark ambient saupoudré de blips proches de l’univers de Richard D. James qui trouve autant son prolongement avec l’aspect sec d’un Hibakusha martial que sur un x.c.l.s.n plus clair et tribal dont le clip Gondryesque tourné à Tokyo met en valeur des abstractions dignes d’Atoms For Peace.
Pour la troisième et dernière partie d’Illusion, S.H.I.Z.U.K.A. piège à nouveau l’auditeur en brouillant les cartes. La tentation d’un recours aux psychotropes émerge d’abord sur un Trouble où se dressent des incantations chamaniques en arrière-plan, avant qu’Illusion ne résonne comme un remix épuré du meilleur de The Prodigy, c’est-à-dire en préservant les tourments psalmodiés aux détriments de tout ce qui est visiblement contondant.
Metal Soul poursuit l’expérience, et questionne encore sur le rapport de force entre le créateur et celui qui s’approprie son oeuvre. Qui est le juge, et qui est évalué ? Les sonorités forcément industrielles accompagnent cette réflexion mécanique mais néanmoins habitée, avant que les granulations de Low mais surtout les convulsions d’un Karoshi pourtant pas épileptique ne permettent à S.H.I.Z.U.K.A. d’enfoncer un clou qui ne comportera probablement pas la moindre trace de rouille lorsqu’il sera retiré dans un siècle ou deux, tant il incarne l’aspect aventureux voire avant-gardiste de compositions dystopiques piégeant un auditeur qui n’en comprendra pas toujours le sens, mais ne doutera jamais de leur authenticité et de leur aspect hautement intelligible.
Tant de choses ont été dites sur cette année 2020 si particulière alors que nous manquons cruellement de recul pour analyser les enjeux et conséquences des bouleversements qui en découleront. Et, musicalement, 20-20 aura été un millésime tout à fait correct. Autant s’attarder dessus. Première partie avec les 5 EPs que j’ai préférés et les albums classés (...)
Certains secteurs de notre vie - culturelle, notamment - semblent en suspens, mais les artistes dynamiques parviennent néanmoins à trouver des alternatives à cette situation inédite de confinement. Aussi, le label Chez.Kito.Kat Records, bien connu des habitués de ces colonnes, proposera le dimanche 3 Mai 2020, en live sur Twitch, la cinquième (...)
Si l’annonce d’un nouvel album de S.H.I.Z.U.KA. ne génère plus vraiment d’étonnement tant le Français est productif, la répétition de ces sorties n’atténue en rien l’excitation qui accompagne la découverte de chacune d’entre elles.
- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
- Jim Noir - 1 Big One (Surprise EP)
- Their Divine Nerve - Ars Moriendi
- Chris Weeks - Machinations EP
- KHΛOMΛИ - Les Songes d'un Chaos
- bvdub - 13
- Sarah Neufeld, Richard Reed Parry & Rebecca Foon - First Sounds
- Taylor Deupree - Sti.ll
- Cruel Diagonals - Calcite EP
- Sabiwa, Queimada & Nathan L. - Sons of _
- Eric the Red & Leaf Dog - The Red Alert
- Laurent Santi : "J’y passe une grosse partie de mon temps, j’y ai perdu pas mal d’argent, mais je crois bien que ça vaut le coup."
- Pour débattre de 2024 (3/3)
- Pour débattre de 2024 (2/3)
- 2024 à la loupe : 24 albums jazz/library music (+ bonus)
- Sumac & Moor Mother - The Film